Aïe aïe aïe. Les garçons se sont complètement écroulés dans le deuxième set. Pas tant qu'ils font beaucoup de fautes, mais la balle leur glisse entre les raquettes. Il faut dire que les Roumains ont musclé leur jeu, et place de très beaux points. Ils font notamment des smashes irrattrapables, et ils viennent même de servir à 201 km/h.

 Je regarde ma montre : on en est à presque une heure de match. Il fait nuit noire, la température est agréable – probablement autour vingt degrés – et il y a très peu de vent. Les conditions sont idéales.

 Mon voisin a l'air soucieux. Tous mes voisins, en vérités, mais celui juste à ma gauche fait partie de l'équipe Nadal depuis plusieurs années. Je me penche vers lui :

• Ça donne quoi, Rafa qui perd ?
• T'as pas envie de le savoir.

 Ah. Bon.

 « Time... Final set ».

 Les gars se lèvent. C'est la dernière ligne droite.

 Bon sang de bon sang, c'est pas vrai ! Cette balle de break est interminable ! L'avantage glisse d'une équipe à l'autre sans se convertir. La tension est très très forte, maintenant. Au sein du staff, tout le monde est sur les nerfs : les jambes gigotent, les poings se ferment, les ongles se rongent, sur certaines balles les yeux se ferment.

 Ah, merde. Ce sont finalement les Roumains qui convertissent. « Tout ça pour ça ». C'est l'ingratitude du tennis : le score final ne reflète pas l'énergie immensément déployée dans certaines balles qui finalement, reviennent à l'adversaire.

 Encore une balle de break. Mais, pour celle-ci, Rafa plie le jeu à lui tout seul. Il sert magistralement, il relance comme un dingue, il place, et lorsqu'il marque, il célèbre ses points en brandissant sa raquette et criant sa rage. Ça ne rigole plus.

 3-3.

 4-3.

 4-4.

 Bon Dieu, chaque point se dispute au millimètre. Les erreurs commencent à fleurir. La pression et la fatigue se font plus que jamais sentir.

 Rafa est en place pour le service. Marc vient lui glisser deux mots à l'oreille, qu'il approuve.

 Replace son caleçon. Tire sa manche droite. Tire sa manche gauche. Place ses cheveux derrière l'oreille gauche. Se pince le nez. Place ses cheveux derrière l'oreille droite. Se pince le nez. Fait rebondir sa balle. La lance. Étire le bras gauche. Frappe.

 Presque tout le monde est debout sur les bancs du staff.

 « Match point ».

 Ils sont à une balle de la victoire.

 Les garçons se placent. Rituels. Même Marc tire sur ses manches de t-shirt, maintenant. Il ne va rien pouvoir faire avec ses cheveux coupés courts, en revanche.

 « Por favor ! »

 L'arbitre quémande le silence... en portugais.

 Le joueur roumain fait rebondir sa balle. Se relève. Sert.

 Je retiens mon souffle. C'est l'apnée complète chez tout le monde, ici.

 …

 Oh !

 « Game and match : Lopez Nadal ».

 Les garçons se laissent choir au sol.

Mamamía. Ils l'ont fait.

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NB : Le 13 Août 2016, Rafael Nadal et Marc Lopez gagnent la finale des J.O. de tennis en Double Masculin à Rio de Janeiro, en 3 sets : 6-2 ; 3-6 ; 6-4.