#41
Un petit podium a été installé durant les dix minutes de pause des joueurs. Alors, la cérémonie officielle commence. Des vestiaires, sortent quatre organisatrices, suivie des joueurs qui vont être récompensés, puis des deux personnes qui remettront les médailles.
En français, en anglais et en portugais, la commentatrice annonce la médaille de bronze pour le duo américain qui a joué quelques heures plus tôt ici même. Elle annonce ensuite le malheureux duo roumain. C'est assez terrible à observer, en fait : ces gars viennent de perdre une finale, ils n'ont probablement pas du tout envie de s'exposer et n'ont pas le recul nécessaire à s'afficher contents d'avoir, tout de même, la médaille d'argent. Mais ils doivent se plier au protocole et monter sur cette foutue deuxième marche. Les Américains ont l'air plus joyeux.
Au centre, les gars patientent en discutant. Eh oui, l'après match nécessite un tel besoin de débriefing qu'il est difficile de rester de marbre. Et puis, c'est bien connu : les protocoles, en Espagne, c'est pas trop notre tasse de thé.
« Gold medals and olympic champions, representing Spain : Marc Lopez and Rafael Nadal ».
Les garçons montent sur la plus haute marche du podium sous les acclamations. L'émotion est formidable. Ils reçoivent le fameux disque d'or autour du cou, le prennent, l'observent, l'embrassent, le tendent vers nous. Le mini trophée officiel des JO leur est également remis. Les gars saluent le public, tout sourire.
« Ladys and gentlemens, the anthem of Spain ».
C'est fou, ce moment, cette seconde exacte qui précède la première note de l'hymne. Quelle que soit la compétition, quel que soit le sport, j'ai toujours un frisson de constater ce silence soudain et lourd qui précède la musique. C'est un moment éminemment respecté, il est presque inviolable.
La lente mélodie de l'hymne espagnole résonne dans le court, pendant que les drapeaux s'élèvent face à nous. Nous sommes tous debout, dans une belle union patriote, laissant ces notes solennelles nous envelopper. C'est ce moment-là, le plus puissant – je crois qu'elle est là, la force de l'hymne. La ferveur qui se tait et la musique seule qui vient vous murmurer que oui, c'est bel et bien grâce à vous qu'elle chante, et oui, vous avez bel et bien réussi cela. La caméra nous offre un gros plan sur les yeux humides des garçons. C'est ça aussi, la force de l'hymne : elle fait couler les larmes sur les joues des guerriers.
La musique se tait, les mains passent sur les visages, les sourires et les poings serrés reviennent à eux. Aussitôt, le protocole reprend le dessus et estompe totalement l'émotion. Les médaillés s'adonnent aux séances photo : tous ensemble, puis les garçons seulement. Comme le veut la tradition, ils prennent la fameuse pose médaille entre les dents.
Du haut de mon gradin, je regarde ce spectacle, et je ressens une immense gratitude d'assister à ce moment historique. Jamais de ma vie je n'aurai osé imaginer être présent aux JO, et encore moins pour y rafler la médaille d'or. C'est quoi, cette dinguerie, hein ? Je pense à Marc, qui a exigé que je sois présent, et à la Fédé, qui a insisté pour que j'accepte, à mon entourage qui m'a encouragé. C'était pas une mauvaise idée.
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