#48

3 minutes de lecture

 J'ai réussi l'exploit de résumer à Cisco, en treize minutes chrono, la proposition de Marc, mes hésitations avec une mystérieuse fille rencontrée au printemps – dont j'ai tu le nom parce que je ne veux ni mettre Victoria dans l'embarras, ni biaiser le point de vue de mon ami, encore moins un jour comme aujourd'hui – le tout en nous conduisant au lieu de réception dans le timing espéré. Cisco bondit de la voiture.

  • Putain mec ! On est à l'heure !
  • Ouaip.

 Il pose ses deux mains sur mes épaules.

  • T'es mon héros pour toute cette vie. Et pour les trois d'après.
  • Arrête donc.
  • Par contre, t'es à moitié à poil. J'voudrais pas te donner d'ordres mais : va t'habiller.
  • J'aimerais bien me laver pour de vrai, tu vois...
  • Viens ! On va chopper la proprio et la supplier de nous ouvrir ta chambre avant l'heure. Elle comprendra bien, hein ?
  • J'espère.

 Alors qu'il disparaît vers l'accueil du gîte attenant à la salle de réception, je jette un œil en contrebas. Une dizaine de rangées de chaises blanches sont installées sur la pelouse fraîchement taillée ; elles sont séparées de telle sorte qu'une allée mène à l'arche fleurie qui surplombe un pupitre. Le tout domine un joli étang qui luit sous les rayons du soleil aoûtien. Les gens ont commencé à s'installer, mais beaucoup d'entre eux attendent debout en discutant.

  • Oscar ?

 Je sursaute et me retourne. Un vent chaud me traverse. Victoria me fait face : elle est tout bonnement merveilleuse. Elle porte une robe bleu turquoise, élégamment cintrée à la taille, qui s'évase en jupe patineuse jusqu'à quelques centimètres au-dessus des genoux. Les bretelles sont faites d'un délicat motif dentelle, elles entourent un décolleté qui laisse entrevoir la naissance de sa poitrine. Comme promis, des chaussures noires aux immenses talons complètent sa tenue. Ses cheveux sont juste maintenus, sans coiffure sophistiquée, mais ils sont agrémentés de petites fleurs blanches. Sans que je ne maîtrise quoique ce soit, mon esprit est déjà parti frôler les bords de cette jupe, caresser cette dentelle, passer ma main dans ces cheveux, deviner ce que cache ce décolleté... STOP ! C'est bien trop indécent ! J'ai des sueurs froides en me rappelant qu'elle sera ma partenaire de danse dans quelques heures. Je vais être très proche d'elle, je vais devoir poser mes mains sur elle. Mon dieu, mon dieu, MON DIEU.

 Elle me dévisage étrangement.

  • Wouah... Victoria... tu es... très... belle. Vraiment... Très belle.

 Elle rosit.

  • Merci. Et toi, tu es... très... torse nu ?...
  • Hein ? Oh, oui ! Merde...

 J'ai osé oublier ce léger détail ! Non mais, Oscar, concentre-toi un peu ! Je réalise que oui, je suis à moitié nu devant elle. Et qu'elle reste interdite devant cette vision quelque peu inattendue. Je la regarde de nouveau et voilà qu'elle rougit tout à fait en baissant les yeux.

  • C'est un peu gênant...
  • Oui, hum. Ce n'était pas prévu... J'ai préféré épargner ma tenue lorsque j'ai changé la roue.
  • Ah ! Bien sûr. Ça a été ?
  • Eh bien, nous sommes ici, donc je pense que je peux répondre « oui ». Et maintenant, il va falloir que je me rhabille. J'espère que je réussirai à remettre tous mes trucs... correctement.

 Elle penche la tête sur le côté en se mordillant la lèvre. Je déglutis : se rend-elle seulement compte des effets de son petit tic, là ?

  • Tu veux que je t'aide ?
  • À quoi ?
  • Bah... à te rhabiller.

 Je la fixe sans bouger. Mon cerveau bugue. J'imagine Victoria installer correctement ma chemise, la boutonner, supprimer un pli, passer sa main sur... STOP ! Bon sang, quelle idée !

  • Euh, non, tu ne vas pas faire ça...
  • Ah bon ? Je disais ça pour t'aider...

 La bonne blague ! Au contraire, ça ne va pas m'aider DU TOUT, cette histoire ! Il faut que je l'éloigne d'ici !

  • Tu devrais plutôt aller retenir Nina encore un peu, personne ne le fera mieux que toi !
  • Ah, oui, ce n'est pas une mauvaise idée...
  • Et... Peux-tu appeler ma sœur pour qu'elle vienne... Euh, jeter un œil à mon accoutrement ?
  • Ok. Je ferai ça.
  • OSCAR ?

 Ah ! J'entends la voix de Cisco au bout du couloir.

  • On m'appelle, alors... je vais y aller.
  • Oui. Moi aussi. Et ta sœur. Je vais la trouver.

 Elle m'adresse un nouveau sourire gêné, et se retourne pour s'éloigner. Je découvre le clou du spectacle : son dos est totalement dénudé. MON. DIEU. La danse, notre proximité, mes mains sur elle. J'hyperventile. Allez, ne sois pas con Oscar : tu n'y penseras même plus au moment venu. C'est certain.

 Cisco me rejoint, tout sourire.

  • Tiens, mec : tes clés !

 La propriétaire me les tend et ne s'encombre pas de décence pour me détailler de haut en bas. Elle hausse un sourcil, sourit, et il n'y a pas de rose sur ses joues, à elle.

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