#49
- Ah ! Oscarito, mon frère ! On m'a appelée à la rescousse ! C'est quoi cette histoire de devoir se rhabiller à cette heure ? La cérémonie devrait commencer maintenant !
Je lui jette un coup d’œil. Lorena porte une robe longue, d'un rouge intense bardé de fines rayures blanches, et est discrètement maquillée.
- Tu es très belle, Lorena.
- Oh. Merci. Et toi ? C'est quoi ton délire, encore, p'tit frère ?
- J'te raconterai, mais franchement : je hais cette journée pour l'instant.
- Allons, allons, ne dis pas ça !
- Ré-arrange-moi tout ça, s'il te plaît ! C'est bien mis, derrière ? Il est de traviole, le nœud, non ?
- Alors, fais-moi voir.
Je la laisse accommoder un pli de chemise par ci, un mouchoir dans la poche par là.
- Et le nœud papillon, là... Voilà ! Oh là là, mon frère : Maman serait aux anges de te voir si beau !
- Ouai, ouai. J'suis présentable ?
- T'es parfait.
- Et les mains propres...
- Quoi ?
- Non, rien.
- Dis... t'es un peu stressé, non ?, me demande-t-elle avec amusement.
- Écoute, oui. J'ai encore pas mal de truc à assurer.
- T'as les alliances ?
- Euh...
- Fais pas le coup de perdre les alliances, Oscar !
- Non, non. Attends... là, tiens. Voilà.
- Montre !
Elle ouvre l'écrin et les admire avec envie.
- Haaan ! Elles sont belles ! Attends, y'a un truc gravé à l'intérieur ou pas ?
- Allez, allez, rends-moi ça !
Je les récupère et les range dans ma poche. Je devrai les donner tout à l'heure à la nièce des mariés, une adorable gamine de quatre ans qui a été briefée pour les apporter solennellement au moment de l'échange des vœux.
- Et ton discours ? C'est bon ?
- Je... oh ! Merde !
- Oscar, me dis pas que t'as pas écrit ton discours !
- Si, si ! Mais qu'est-ce que j'en ai fait ?
Je fouille toutes mes poches, et entreprends de vider mon sac. Bordel de bordel, j'ai quand même pas osé ça ? J'ai pensé à tout pour les mariés, mais pas à ce papier pour moi ?! Une magnifique litanie de jurons m'échappe.
- Wow. Jésus Marie, remercions le ciel que Maman ne t'entende pas à l'heure qu'il est.
- Lorena, si je ne l'ai pas, c'est la cata !
- T'improviseras un truc avec deux ou trois anecdotes marrantes !
- Jamais de la vie, putain ! Pfff... je sais où il est.
Je suis dépité. Absolument dépité.
- Ah ! Où ça ?
- Dans mon salon.
- Ah... bah t'es dans la mouise, Oscar.
- Non, non. Je l'ai envoyé à Alix pour relecture. Je vais bien le retrouver dans ma boite mail... je lirai directement sur mon portable. C'est moins classe mais bon...
- Oscar, un homme plein de ressources.
J'ouvre l'application sur mon smartphone, mais constate que le format de fichier est illisible en dehors d'un ordinateur. Bordel de bordel, il y a de quoi remettre en cause ma théorie de l’inexistence du destin !
- Putain mais merde, là !
- Hé, hé ! Calme-toi ! On va trouver une solution...
On toque à la porte. La voix de Cisco se fait pressante.
- OSCAR ? C'est bon pour toi ?
- Oui, oui, il arrive ! (Lorena se tourne vers moi en grimaçant). Demande à Alix de l'aide ? C'est la seule qui peut gérer quelque chose à distance, là.
- Mais quoi, comme aide ?
- J'sais pas ! Dis-lui de trouver un truc, j'suis sûre qu'elle saura.
Je soupire et dégaine le sms :
« de : Oscar
Salut Alix. Besoin d'aide urgente. Pas le temps d'expliquer mais j'ai pas mon discours papier sur moi. T'as moyen de me l'envoyer en format lisible sur portable pour dans une heure ? »
- Bon, Alix. T'es mon unique espoir..., je murmure.
- Plus qu'à croiser les doigts, mon frère ! J'suis sûre qu'elle va y arriver... Je retourne avec les invités ?
- Merci, Lorena.
- À tout de suite ! N'oublie pas de sourire, frangin.
- Mouai. Merci de me le rappeler.
Elle tourne les talons, et je reste seul avec moi-même. Je m'observe dans le miroir. J'ai beau être élégant, ce n'est pas moi, cette tenue. J'ai enfilé un costume, dans tous les sens du terme.
« de : Alix
Challenge accepté, compte sur moi mon Oscar. Déstresse, bonne cérémonie, la bise à Cisco, disfruta* ! ».
Je repose mon portable.
Maintenant, c'est la vision de Victoria qui me revient. J'enfile aussi le costume du mec parfaitement neutre et indifférent. Il ne s'agit que d'une journée, et tu pourras parfaitement le faire, Oscar. Oui, oui. Parfaitement.
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* disfrutar = profiter, en espagnol
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