Les mariés retraversent l'allée sous une pluie de pétales de roses. Moi et Victoria sommes censés les suivre, devancés par la nièce qui m'a visiblement élu comme son cavalier puisqu'elle ne lâche pas ma main.

 Victoria se place à mes côtés et nous laissons les mariés prendre de la distance. Elle louche sur ses chaussures. Elle a encore les joues rouges.

• Tout va bien ?
• Oui ! … c'était une très belle cérémonie.
• Oui, c'est vrai.
• Je suis heureuse pour Nina. Enfin, pour eux deux, bien sûr.
• Oui. Moi aussi.

 Elle évite ostensiblement mon regard, et je dois dire que je trouve ça très troublant. Ai-je fait quelque chose de mal ? Je ne vois pas bien quoi, on s'est à peine croisé jusqu'à présent.

• Victoria, tu es sûre que ça va ?
• Oui, bien sûr !
• Tu as l'air...
• Tu as une nouvelle amie, visiblement ?

 Elle me coupe abruptement la parole, et il n'y a aucun doute sur le fait que c'est totalement volontaire. Je jete un oeil à ma petite voisine à couette.

• Euh, ouai. Je ne sais plus qui sont ses parents, mais, ils n'ont pas l'air de lui manquer. (je baisse d'un ton) Je ne me souviens même pas de son prénom, en fait.

 Victoria glousse.

• Léa. C'est la fille du frère de ton marié, au cas où.
• Noté. Cette information sera importante à un moment donné, je crois.

 Nous continuons notre remontée solennelle. Les mariés sont applaudis, photographiés, ovationnés. Je suis tout en joie de ce spectacle.

• Oscar ?
• Oui, Léa ?
• Je crois que toi et moi on est les deuxièmes plus beaux après Nina et Tonton Cisco.
• Ah oui ?

 La petite Léa approuve en secouant la tête de haut en bas avec fierté. Un bras parmi les rangs m'accroche.

• Excusez-moi ?

 Je sursaute, et me retourne vers la propriétaire de cette main qui me retient.

• Oui ?
• Je suis la maman de Léa.
• Ah ! Bonjour !
• Je vais vous libérer d'elle !
• Oh, bien sûr...
• Non ! Maman, Oscar est mon meilleur ami aujourd'hui !
• Pardon ?
• Je reste avec lui !
• Enfin Léa, ne sois pas ridicule, viens s'il te plaît.
• NON !

 La mère a l'air consterné, et quelques invités se retournent sur nous.

• Euh, eh bien... peut-être que tu devrais écouter ta Maman ? On se reverra dans la journée, ne t'inquiète pas !
• Oscar, je reste avec toi !

 La gamine s'accroche à mon coude et ne manque pas de m'écraser le pied au passage.

• Léa ! Laisse le monsieur tranquille !

 « Le Monsieur » : j'ai l'impression de prendre vingt ans dans la tronche.

• Je m'appelle Oscar. Euh... Ce n'est pas grave, vous savez, elle ne me dérange pas. Enfin, bon, je comprends que vous souhaitiez récupérer votre fille...
• Tu viendras manger à côté de moi, Oscar !
• Léa, voyons, tu es à la table des enfants !

 La mère me regarde d'un air désolé. Victoria étouffe un rire.

• C'est trop mignon !

 Je la dévisage. Elle rit avec tendresse, et je chavire de nouveau. Il va falloir que je me fasse une raison : il ne se passera pas un instant sans que je ne la trouve incroyablement belle, aujourd'hui.