Je jette un œil à ma montre. Victoria s'avance vers le gars qui s'occupe de la sono. Il semble qu'il soit l'heure des discours des témoins. Je déglutis. J'ai envie de m'enfuir très très loin. Et encore, notre mise en scène n'aura lieu qu'à l'orée du dessert. Avec cette foutue danse en clôture. Je déglutis de nouveau. La pression de cette journée n'a rien à envier à une finale des J.O., bordel de bordel. Sans hésiter, même, je prends mille J.O.

 Je m'approche d'elle. Elle lève les yeux vers moi, me sourit faiblement, et revient à sa conversation avec le gars du son.

• Victoria ? Ça va ?
• Oui. Il va me chercher un micro.
• Hum. Pas trop stressée ?
• Écoute, tant qu'on me demande pas, non.
• Ah. Bon. Je suis certain que ça va super bien se passer.
• Oui.
• Euh... tout à l'heure, à la photo... Tu... aurais voulu la faire ?
• Quoi donc ?
• Eh bien, la photo de juste nous deux ?
• Oh non !, me dit-elle avec une voix sarcastique. Pourquoi faire, hein ? C'était « pas utile », tu l'as dit toi-même.
• Je ne pensais pas que tu souhaitais...
• Est-on obligé de ne faire que des choses utiles ? On n'est pas là pour s'amuser, aussi ?
• Euh... eh bien... Je ne sais pas.
• Ah. Bah, t'avais raison : t'es plan-plan, comme gars.

 Je suis douché par sa remarque acerbe.

• Mademoiselle, tenez.
• Merci. Bon, euh, je vais parler.
• Victoria, je suis désolé. Je n'ai pas bien compris.
• Non, tu ne comprends pas bien, non. Ce n'est pas grave, écoute.
• Victo...
• J'ai besoin de concentration. S'il te plaît.
• Oui. Bien entendu. Bon discours.
• Merci.