#60

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 Je foule l'herbe dans un moment d'isolement salutaire.

 Après la danse, j'ai été accueilli avec un enthousiasme démesuré à ma table – Cisco le premier me prenant dans ses bras et ne me lâchant pas pendant un temps infini.

  • Tu es un héros, mec, tu es un putain de héros ! Tu surclasses tout le monde ici !
  • N'exagère pas, Cisco.
  • Regarde-nous : on se moque de toi en permanence, on te charrie depuis des lustres parce que t'es timide et que t'oses jamais rien, et là t'as vu mec ? Tu nous marches sur la tête.

 Tout le monde avait approuvé. Pour une fois – peut-être pour la première fois de ma vie – mes potes n'avaient rien trouvé à redire sur ce que j'avais fait, autre que de l'admiration et un profond respect. J'avais l'impression d'être Hercule qui revenait d'accomplir ses douze travaux.

 Nina aussi m'avait fait savoir combien je l'avais définitivement surprise et avait susurré, du bout des lèvres, qu'elle avait peut-être une vision un peu biaisé de l'homme que je suis, finalement. Lorena, son mari, et d'autres gens qui je ne connais absolument pas ont défilé près de moi pour me féliciter de la prestation. Moi qui ne cessais de me répéter que je déteste être au centre de l'attention, je n'avais pas anticipé que je le serais encore une fois le spectacle terminé.

 Alors, oui, ce moment après les cafés où l'on peut se lever, papillonner et profiter du domaine est une bénédiction. Mon téléphone vibre dans ma poche.

  « de : Alix
Eh beh, purée. T'es érigé au rang de sex-symbol, mon Oscar. J'espère bien que tu m'accorderas une danse la prochaine fois qu'on se verra ! »

 Je souris aux mots exagérés d'Alix, lui réponds un rapide « merci », et range mon portable.

 Je cherche des yeux le photographe en me demandant s'il faut relancer Victoria pour cette histoire de photo. Et, inévitablement, je me prends à la chercher elle. Il y a des gens éparpillés partout, c'est un peu compliqué de distinguer quelqu'un de précis.

  • Oscar !
  • Ah, tiens. Léa ! Toujours pas décidée à rejoindre tes parents ?
  • Han nan ! Mais waouh, t'es le meilleur danseur du monde entier !
  • (je rigole) Je t'assure que non. Je suis un vrai débutant.
  • Maman elle a dit que en plus que t'étais beau et musclé, tu dansais trop bien !
  • Ah ! C'est très gentil.
  • Et que si elle était pas mariée elle aurait venue te voir cette nuit pour que tu dormes pas tout seul !
  • Ah...
  • T'as peur de dormir tout seul ?
  • Ah, non, absolument pas, non !
  • Alors pourquoi ma maman, elle veut te voir la nuit ?

 Je dévisage la gamine. Je vais avoir du mal à regarder sa mère dans les yeux désormais.

  • Eh bien, je ne sais pas quoi te dire, honnêtement... Elle a dû se tromper...
  • Elle voudra peut-être que tu l'aides si elle n'arrive pas à dormir ? Que tu lui montres comment respirer.

 Je réprime une envie de rire.

  • Oui, ça doit être ça. Mais je suis certain qu'elle n'aura aucun mal à dormir et qu'elle n'aura pas du tout besoin de venir me voir.
  • Je lui expliquerai comment parler à son cœur pour se calmer.
  • Parfait. Dis-lui donc.
  • Eh dis, tout à l'heure quand y'aura des musiques, tu voudras bien danser avec moi et me faire tourner comme tu faisais tourner ta copine tout à l'heure ?
  • Au bal ? Oui, bien sûr. Avec plaisir, Léa.

 Elle relève la tête, ravie. Je ne comprends toujours pas ce que cette gamine me trouve d'intéressant. Je dois avouer que je suis fasciné – et un poil bousculé – par son enthousiasme et son franc-parler.

  • Et regarde : ta copine c'est bon, elle ne va plus être triste ! Elle a trouvé un amoureux !

 Je regarde dans la direction qu'elle m'indique. Victoria est en pleine conversation avec un grand type brun, qui parle fort, rit fort, et pose sa grande main sur le bras frêle de ma co-témoin. Je ne vois pas son visage, mais je vois sa tête dodeliner aux paroles de son interlocuteur, et lorsqu'il l'invite sur le chemin qui borde l'étang du site, elle le suit sans hésitations.

  • Beurk. Moi je trouve qu'il est pas beau comme toi.

 Je ne peux m'empêcher de rire.

  • Merci, Léa.

 Un clic nous surprend. Le photographe nous tire un cliché volé. Il sourit avec amusement. Mon esprit pense à Victoria, à la photo d'elle et moi. Mais elle est bien occupée, désormais.

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