#3

4 minutes de lecture
  • Hum, allô ?
  • Oui ? Oscar ?
  • Bonjour, Victoria.
  • Bonjour. Je ne te dérange pas ?
  • … C'est moi qui appelle, alors, non, non.
  • Ah oui. Pardon. Hum. Je ne serai pas longue. Voilà. Comme nous sommes les deux témoins, je me disais que nous pourrions discuter de ce que nous ferions pendant la journée du mariage... Comment vois-tu les choses ? Tu avais une idée en tête ?

 Ha ha ha, elle est bien bonne ! J'avais dans l'idée de simplement signer « était là et confirme » en-dessous des noms des mariés, moi, à la base. Mais, depuis un an que j'ai accepté d'être témoin, les idées (des autres) se sont vachement accumulées dans ma fiche de poste...

  • Euh, eh bien... pas vraiment. On doit faire quelque chose de particulier ? À part les discours, je veux dire ?

 Un discours, putain. C'est bien de l'idée de Nina, ça : me faire faire un discours devant cent-vingt personnes ! Je lui ai fait répéter dix fois tellement je n'arrivais pas à la croire : c'est Cisco qui a fini par poser une main ferme sur mon épaule et me dire « Elle ne plaisante pas, mec. Chaque témoin fera un discours ». J'ai juré un répertoire qui aurait fait s'évanouir ma mère.

 Sa voix fluette me ramène à l'instant présent.

  • Je pensais à habiller la journée de quelques autres éléments, oui.
  • D'accord... c'est-à-dire ?
  • Alors, je sais que le reste de la famille de Nina a prévu de chanter un medley des chansons qu'elle adore.
  • Ah oui. Waouh, c'est chouette.
  • Du côté de Francisco ils envisageaient un jeu ?
  • Oui, c'est ça.
  • Mais nous, on a une place spéciale, je voulais leur préparer une petite surprise pour marquer le coup.

 J'ai comme un petit coup de pression. Est-ce qu'elle est du même genre que sa cousine, à pondre des idées clinquantes lors des réceptions où cent-vingt paires d'yeux et d'oreilles seront braqués sur moi ?

  • Quel genre de petite surprise ?
  • J'avais imaginé qu'on pourrait jouer une saynète où on ferait croire qu'on ne s'entend pas du tout tous les deux, un truc humoristique.
  • Euh... d'accord...

 Waouh. Une saynète, donc. Elle me propose de jouer une pièce de théâtre devant public en costumes ! Elle est sérieuse ? Je commence à regretter d'avoir accepté cet « honneur » empoisonné qu'est la place de témoin.

  • Et... tu danses un peu ?

 QUOI ?! Non mais QUOI ?!

  • Euh, non, pas du tout du tout, non.
  • Ah, mince. Parce que je me disais qu'on pourrait terminer par quelques pas de danse. Histoire de les surprendre tout à fait.

 Ah ben là. Je pense que s'ils voient Oscar Vázquez danser, l'Espagne toute entière va décréter un jour férié.

  • Je suis désolé, marmoné-je. Je ne sais absolument pas danser.

 Quel honteux mensonge, Oscar. Durant mon adolescence, mon prof de tennis, qui était un homme fort sympathique et un poil décalé, nous imposait trente minutes de danse par semaine pour entraîner notre coordination. Le gamin timide que j'étais détestait ça mais, force était de constater que c'était diablement efficace : j'avais acquis un jeu de jambes que tout le monde saluait en tournois. Pour être honnête, j'avais même fini par trouver ça marrant. Mais on parle d'une expérience d'il y a vingt ans !

 Je la sens hésitante. Elle ne va pas lâcher le morceau si facilement, on dirait.

  • … Il me semblait que Nina m'avait parlé de te voir danser la salsa ?

 Et merde. J'avais zappé ça. Lorsque je sortais avec Raquel, on avait pris un an de cours de salsa, effectivement. Je m'en sortais pas trop mal. Pourquoi avions-nous ainsi fanfaronné devant Nina, le soir où Cisco nous l'avait présenté, hein ? Avais-je imaginé que le boomerang me reviendrait dans la tronche six années après ?

  • Ah oui, euh... C'est très vieux tu sais. Je faisais trois quatre pas, c'était très mauvais... Nina a sûrement exagéré son souvenir.
  • Tu sais, moi je prends des cours, je pourrais te remontrer, et on ferait des pas très simples de toute façon.
  • Je ne préfère pas, non.

 Mon ton est sûrement trop sec pour m'adresser à cette inconnue volontaire et gentille.

  • Ah. D'accord. Pas de soucis.

 Un silence gênant s'en suit. Je me sens mal de lui refuser cela... mais si j'y réfléchis, c'est inenvisageable. Danser, non mais enfin ?!

  • Bon, euh, et la saynète, tu en penses quoi ?
  • Euh, je ne suis pas bon comédien, je ne sais pas trop ce que je suis capable de faire...
  • On pourrait se voir pour imaginer ça ensemble ? Tu vis à Oviedo toi aussi ?
  • Alors, c'est compliqué... J'habite à Oviedo oui, mais je travaille à Madrid donc j'y suis souvent.
  • Ah. En effet.

 Elle est clairement déçue. Je suis parfaitement mal à l'aise, ça y est. Allez, mon vieux, tente un truc pour éviter de passer pour le dernier des mufles dès la première prise de contact !

  • En fait, je serai dans les Asturies le week-end de Pâques, si tu as une dispo...
  • Oui ! Parfait ! Le samedi après-midi ?
  • Ok.
  • J'habite plein centre. Je t'enverrai mon adresse, d'accord ?
  • D'accord. On se redit.
  • Merci.

 Un nouveau silence s'installe.

  • Hum, euh... bonne soirée ?
  • Oui. À bientôt, Oscar.

  Allez, voilà. Bon. On va juste discuter de ses idées, là. Ça n'engage pas à grand chose.

Annotations

Vous aimez lire Anaëlle N ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0