#23

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 Jorge siffle longuement.

  • Ben mon vieux ! Quel succès !
  • Ouai, ouai... Je ne m'y attendais pas vraiment.
  • Et ? C'est chouette, non ?
  • Je ne sais pas. J'ai du mal à me projeter, là.
  • Après une année 2015 complètement pourrie, tu mérites bien un peu de belles choses dans ta vie, Oscar !
  • Vu comme ça, c'est sûr.
  • Écoute, tu n'es pas obligé d'accepter, mais...
  • Ils m'ont fait comprendre que je n'avais pas tellement le choix, justement.
  • … et quelles raisons te feraient refuser, honnêtement ?
  • Du un, j'ai Andreas tout le mois d'Août. De deux, il y a le mariage de Cisco à la toute fin de l'été et avec ça, tout un tas de machins à préparer les semaines d'avant. De trois, on a prévu l'enterrement de vie de célibataire le 30 Juillet, soit même pas une semaine avant le début des Jeux ! Je ne vais pas enchaîner un week-end à baigner dans l'alcool et me retrouver à 4 heures de décalage horaire d'ici cinq jours plus tard !
  • Jolie argumentation, Oscar ! Alors, voyons... Pour Andreas, appelle Alix : je ne peux pas croire qu'elle ne saura pas avoir la souplesse de modifier votre organisation ! Hein ?
  • Si, si. Elle le fera, c'est vrai.
  • Bien. Les machins à préparer pour le mariage, tu auras tout le mois de Juillet, et encore quinze jours en Août pour les gérer. Avec un peu d'organisation, ça devrait se faire, non ? T'as tant de trucs à gérer ?

 Une pièce de théâtre et un gala de danse, rien que ça... Je songe alors que je vais encore imposer mon emploi du temps étriqué à Victoria... Bordel, elle va me trouver insupportable.

  • Quand à l'enchaînement gueule de bois – décalage horaire, ben écoute, ça éprouvera un peu ta jeunesse ! T'as trente-cinq ans Oscar, pas soixante ! Un peu de nerf, mon vieux, tu vas te ramollir là !
  • T'as réponse à tout, Jorge...
  • Et c'est bien pour ça que tu prends le temps de m'en parler : tu savais que j'allais te démonter tes excuses et te laisser dépouillé.
  • Mmm. Pas faux.
  • Allez, Oscar, sois honnête avec toi-même : t'en as pas envie ? C'est pas le bagne, qu'on te propose ! Les JO, enfin, mec ! Tu réalises, un peu ?
  • Mais putain, j'ai fuis la pression des compètes et des performances il y a longtemps, et là j'envisage les JO, l'événement sportif le plus important que l'humanité ait créé ! Je ne sais pas si j'ai envie de ça...
  • Qu'est-ce qui te fait peur, Oscar ? T'es pas le joueur, t'es le kiné. C'est pas après toi que la presse courra durant la quinzaine. Je ne dis pas que tu n'auras pas d'importance, bien sûr que si tu en auras, bien évidemment. Mais toujours dans l'ombre, comme tu aimes. Et puis bordel, ça fait quinze ans que tu bosses dans le milieu, t'es hyper bon, Marc a raison d'exiger un gars comme toi ! T'avoir dans l'équipe, c'est gage d'excellence, la Fédé le sait, Marc le sait, tout le monde le sait !
  • Si vous le dites...
  • Oscar bordel, tu viens de participer à gagner Roland-Garros, en intégrant sur le tas une équipe dont tu ne connaissais pas la moitié la semaine d'avant ! Et en encadrant des joueurs qui ne sont pas tes patients habituels !
  • Mais ça, c'est pas grand cho...

 Oups. Merde.

 Je marque une pause. Jorge se racle la gorge.

  • Je ne sais pas ce qui te passe par la tête, Oscar, mais je vois dans tes yeux que t'as basculé, là.

Comme d'habitude, le téléphone ne sonne pas longtemps avant qu'Alix ne décroche.

  • ¡ Hólà ! Comment va, Oscarito ?
  • Bien, bien. Et toi ?
  • Pas mal. On est bien occupés ce mois-ci. Andreas prépare son spectacle de fin d'année avec l'école, et celui de musique aussi. Il est excité comme une puce. Il parle encore de t'avoir vu à la télé, à Roland. J'ai l'impression que c'était toi la star du match, pas les joueurs.

 Je souris.

  • Et toi, Alix ?
  • Oh, moi, la routine. On a toujours un coup de chaud au boulot, en Juin et Juillet, pour préparer la rentrée littéraire, tu sais bien. Et les gars du groupe nous ont dégoté une petite représentation à la fête de la musique d'un bled du coin.

 Alix chante dans un groupe amateur.Un rôle qui lui va comme un gant !

  • Ah, bien ça !
  • Ouai, ouai. Ça va parce qu'on aura que trois spectateurs. Le stress est mineur. Ça devrait aller.
  • Alix, vous assurez et vous avez une belle énergie ensemble. Vous êtes chouette à écouter. Y'a pas de raison.
  • C'est ça. Comme si chanter était mon deuxième métier.
  • Ça va bien se passer.
  • Oui, oui. Je t'enverrai des places quand je ferais le Stade de France.
  • Wow. J'espère un pass VIP avec accès aux loges des artistes.

 Elle pouffe de rire. J'aime la belle complicité qu'on a réussi à tisser, elle et moi. Alix est une amie précieuse.

  • Bon, j'ai un truc à t'annoncer, Alix.
  • Ah ?
  • Ouai, voilà...
  • Oh ! Oh ! C'est la fille que j'ai vue en Avril ! Tu sors avec, ça y est ?
  • Qu... quoi ?
  • La fille du mariage...
  • Non, non ! Qu'est-ce que tu racontes ?
  • Non ? Ah merde, trop tôt...
  • Trop tôt quoi ?
  • T'as pas encore conclu. Non mais je me suis emballée.
  • Oui, je crois que oui, carrément emballée même.
  • Oscar Vázquez prend son temps, tranquilo, tranquilo.
  • Alix, bordel ! N'importe quoi !
  • Ouai, ouai, c'est ça.

 Autant précieuse qu'agaçante.

  • Je vais te parler boulot, Alix.
  • Ah.

 Je lui présente la proposition de la Fédé.

  • Oh waouh. Les JO, Oscarito !
  • Ouai.
  • T'envisages quand même pas de refuser, dis ?
  • J'ai pas dit oui.
  • C'est quoi le soucis, Oscar ? Tu fais ce que tu veux, mais va falloir m'expliquer parce que là...
  • Par rapport à notre organisation... Andreas et toi devez venir en Août, on a calé depuis longtemps.
  • Tu rigoles ou quoi ? C'est pas grave, ça. On s'en fout ! Les JO, t'auras pas cinquante fois l'occasion de les faire. Tu ne l'auras p'tet même pas deux fois. On se débrouillera. On va voir en Juillet.
  • Mais tu bosses en Juillet, Alix. Tu ne peux pas te permettre de...
  • Eh bien, cette année, Andreas sera en vacances seul avec toi. Je ne serais pas présente. Tant pis. C'est pas dramatique. Écoute, redis-moi les dates qu'ils t'imposent, je regarde mon emploi du temps, et je t'envoie ma proposition d'orga pour les vacances, ok ?

 Comme attendu, Alix a une flexibilité épatante, et ça va encore me sauver la mise.

  • Ok, ok. Merci, Alix.
  • Y'a d'autres soucis ?
  • Rien que tu ne puisses changer, pour le coup.

 Je lui raconte les enchaînements de dates par rapport au mariage. Elle rigole.

  • Ça va être sport, mais tu t'en sortiras, Oscarito ! Y'a pas de raisons !
  • Ouai, ouai.
  • Ils attendent tant de toi pour l'orga du mariage ?
  • Bah, des machins de coordination, des animations, tout ça...
  • Je crois que Nina et Cisco sauront être compréhensifs quant à tes contraintes pro, quand même, non ?
  • Oui. Ils le seront.
  • Bon. Et ta co-témoin elle est du genre intransigeante ?
  • Pas du tout. Elle est même hyper flexible.
  • Eh bah voilà ! T'as juste à être ultra efficace sur ton temps personnel, et tout le monde t'applaudira !
  • Mmm. Si tu le dis...
  • J'veux pas te donner d'ordres mais... Tu devrais dire oui, Oscar. Ça va être un truc de ouf. J'suis trop contente pour toi.

 Un amie précieuse.

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