#36

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 Je lève le nez : les barres d'immeubles qui composent le village olympique sont d'un blanc étincelant. Avec le soleil brésilien, ça explose les yeux. Il y en a bien trente en tout, les unes à côté des autres, le long d'une large allée piétonne et cyclable parsemée de restaurants, bars, casinos, et autres boutiques de service. Un vrai quartier qui a sûrement poussé de terre comme par magie, au seul besoin de loger les quelque dix-huit mille athlètes et équipes sportives qui envahissent Rio de Janeiro pour ce mois olympique. Que deviendront ces installations après les festivités ? Ce n'est jamais vraiment médiatisé.


 Je rejoins ma délégation, arrivée une semaine avant moi. Je loge dans le même appartement que Marc, son entraîneur et son physiothérapeute ; ainsi qu'un autre tennisman et son équipe, qui joueront le tableau de simples. Ce sont des petites habitations de soixante mètres carrés, composés de trois chambres abritant chacune deux lits. Rafa et son armée de professionnels se trouvent en face.

  • Ah, Oscar ! Il ne manquait que toi !
  • Yep, salut Marc. Tu vas bien ?
  • Et toi ? T'as une tête un peu... fatiguée ?
  • Euuuuh... (je rigole nerveusement) Ce vol était interminable.
  • C'est clair, les dix-heures, on les sent passer ! T'as décollé à quelle heure ?
  • Midi. (je jette un œil à ma montre madrilène) Donc là pour mon cerveau, il est minuit. Et... (je regarde l'éblouissant soleil par la porte-fenêtre qui mène au balcon) je crois que je suis loin de pouvoir me coucher.

 Il éclate de rire en me tapant affectueusement le dos.

  • Allez mon gars, tu vas vite te mettre dans le bain ! J'te montre la chambre ?

 En même temps que faire le tour du propriétaire – c'est-à-dire en trois minutes – je salue l'équipe et écoute un débriefing de l'entraînement pré-compétition. Tout le monde a l'air en forme – Marc est même débordant d'énergie et d'enthousiasme. Alix a raison : ça risque d'être vachement sympa, ces JO.


 Le soir, on rejoint le reste de la délégation tennis d'Espagne à la cafétéria et on me fait un topo des potins du village olympique. Insalubrité de certains bâtiments, travail au black dans le dos des caméras, fâcheries au sein des équipes, tensions diplomatiques, coucheries entre athlètes : rien ne m'est épargné. J'écoute les on-dit avec amusement : franchement, je m'en fous pas mal mais comme l'a dit Marc, ça me plonge dans l'ambiance assez efficacement.



 La semaine passa à une vitesse folle : entraînement et exercices centrés sur Marc, entraînement en duo avec Rafa, décrassage, et rythme de vie militaire. Paradoxalement, on avait beau être entourés d'athlètes de tout horizon, et de journalistes du monde entier, nous ne ressentions pas tant de pression. On avait réussi à former une bulle et nous étions à l'aise ensemble, sereins et complices. Je m'inscrivais facilement dans la méthode de travail de l'entraîneur de Marc et les choses étaient simples avec lui.

 Le soir, j'essayais de consacrer un peu de temps aux sollicitations de mon entourage. Andreas était aux anges à chaque vidéo ou photo que je lui partageais. Mes potes, ma famille, et Jorge prenaient régulièrement de mes nouvelles – ils semblaient tous bien plus excités que moi, à vrai dire.


 Ce qui me frappait le plus, c'est que j'avais imaginé être tellement focus sur ces JO que j'aurai pu zapper tout le reste. Hélas, je constatais avec surprise qu'une foule de choses me ramenait à Victoria : des boutiques vendant des spécialités locales, des infirmières officiant dans la clinique olympique, des danseurs de samba – je me surprenais à reconnaître que, contrairement à ce que j'avais bêtement imaginé, salsa et samba était deux danses totalement différentes – des robes fleuries qui volaient au vent, et même une fois, un parfum sucré qui rappelait curieusement le sien. Victoria qui, elle, restait silencieuse. Au milieu de l'avalanche de messages que je recevais quotidiennement, il y avait les siens qui me manquaient cruellement.

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