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J'ai évité Théo toute la journée, craignant de lui annoncer la nouvelle et me sentant dévasté. J'ai besoin de m'isoler, de respirer, de faire face à la réalité de ma vie : je vais me marier. Qui plus est, à une inconnue. Daphné Aubertin est objectivement une femme belle, ce que beaucoup d'hommes apprécient, non seulement pour sa beauté, mais aussi pour son statut qui suscite l'envie. Elle est douce, aimante, altruiste et toujours prête à aider son prochain. On pourrait se demander pourquoi elle est célibataire, ce qui la rend encore plus incroyable. Pourtant, je ne ressens aucune attirance pour elle. J'avais imaginé que mon mariage serait la chose la plus romantique qui soit, avec la femme de ma vie, celle qui me comblerait et que j'aimerais jusqu'à la fin de mes jours. Mais non, je m'apprêtais à épouser une femme dont je ne connaissais que le nom et les rumeurs. Je suis profondément attristé, car j'ai l'impression que mon destin est voué à l'échec. Comment survivre à un mariage arrangé ? C'est une question qui me préoccupe sincèrement, car cela me semble insurmontable, et j'ai l'impression que je vais passer toutes mes nuits à pleurer sur mon sort. Je suis en détresse, j'ai besoin du réconfort de Théo, mais il m'en voudrait si je le sollicitais pour cela. Je m'inquiète de sa réaction, craignant qu'il ne perde son calme habituel et me fasse des reproches, me disant que je suis fou d'accepter cela, mais je n'ai pas le choix. J'ai peur de le décevoir.

Cependant, le soir venu, alors que nous nous retrouvons dans la chambre, je n'ai plus d'autre choix : je dois lui annoncer avant que quelqu'un d'autre ne le fasse, ou pire encore, qu'il l'apprenne par les médias. En effet, cette histoire risque de faire les gros titres sous peu. Mon père est impatient de la répandre partout, espérant ainsi mettre fin aux rumeurs le plus rapidement possible. C'est son dernier espoir pour éviter de se séparer de Théo, car si les rumeurs persistent, il devra nous séparer, Théo et moi. Pour ce faire, il n'aura pas d'autre choix que de licencier Théo. Ce serait une catastrophe, à la fois pour lui, de perdre son protégé, et pour l'armée ainsi que Astrylia tout entier, car un autre pays pourrait rapidement l'engager, ce qui affaiblirait notre puissance. Il pourrait également me licencier, mais ce serait étrange de renvoyer son propre fils. Pour préserver sa fierté familiale, il doit me garder. Malheureusement pour lui, mon mariage est la seule solution pour que je reste aux côtés de Théo, et cela me déchire le cœur.

Théo est actuellement dans la salle de bain, en train de se préparer pour dormir, tandis que je fais les cent pas dans la chambre, anxieux à l'idée de lui annoncer la nouvelle. Comment peut-on révéler un mariage arrangé à son meilleur ami ? "Salut, je vais me marier, au revoir ?" ou peut-être "Tu connais Daphné Aubertin ? Eh bien, je vais me marier avec elle !" Rien ne semble correct. Et si je ne lui disais rien du tout ? Si j'attendais simplement qu'il l'apprenne d'une autre manière pour éviter cette corvée ? Non, cela serait dévastateur pour lui, et il m'en voudrait de ne rien avoir dit. Cette option est inenvisageable pour moi.

— Au fait, sort Théo de la salle de bain tout en me coupant dans mes pensées, ton père voulait quoi ce matin ?

Mince, voilà qu'il aborde le sujet avant que je ne sois prêt. Il a toujours un coup d'avance sur moi. Je ne sais pas comment il fait, mais c'est le cas. C'est comme s'il lisait dans mes pensées, mais si c'était vraiment le cas, il serait encore plus en colère de mon hésitation à lui dire la vérité. Bon, il n'y a plus de choix, je ne peux pas lui mentir. J'ai déjà menti suffisamment par le passé, lorsque je lui cachais la violence de mon père à mon égard. Lorsque je souffrais en silence, pleurant de douleur parce que j'avais des côtes cassées, et que rien ne pouvait me soulager, si ce n'était la patience.

Je le fixe sans oser dire un mot, ma bouche est ouverte, prête à former des mots, mais rien ne sort. Mon regard se détourne, gêné par cette nouvelle, et je sens mon visage passer du pâle au rouge, il me brûle. Pendant ce temps, il me regarde intrigué, les sourcils levés, les yeux grands ouverts. Allez, dis-lui. Dis-lui !

— Norio ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Est-ce grave ?

— Assez, oui.

Je continue de le dévisager sans avoir le courage d'aller plus loin. Il devient impatient, ses sourcils se froncent maintenant, je le mets en colère à force de le faire attendre. La dernière fois que je l'avais fait patienter ainsi, c'était quand il m'avait retrouvé en pleurs et que je lui avais révélé que mon père me battait. Alors forcément, il s'attend au pire, et il a bien raison.

— Norio. Dis-moi ce qu'il se passe.

— Bien... Mon père a trouvé... une solution pour mettre fin aux rumeurs entre nous.

— Génial ! Il va enfin prendre des mesures contre les journalistes ?

— C'est un peu plus... comment dire...

Il s'approche de moi, ses yeux bleus plongés dans mes iris noirs, mon visage me brûle davantage. Il n'est qu'à une vingtaine de centimètres de moi, et je me sens mal à l'aise. C'est à cause de ce genre de comportement que nous en sommes là. Il me fixe toujours intensément comme s'il voulait me dévorer, parce qu'il rit avec moi, parce que nous sommes heureux ensemble. Je recule d'un pas, mais ce n'est pas suffisant. Je m'assois sur mon lit, à côté de moi, la distance me fait du bien.

— Tu sais, Théo, il n'y a pas d'autre solution. Je pense que c'est la meilleure chose à faire.

— De quoi parles-tu, Norio ? Vas-tu enfin me dire ce qu'il en est ?

— C'est un mariage arrangé.

— Pardon ?

— Je vais me marier, Théo. Avec Daphné Aubertin. C'est un accord entre Astrylia et Valoria pour renforcer notre alliance. Et puis, cela mettra fin aux rumeurs sur nous, puisque je serai dans une relation... hétérosexuelle.

— Non, mais tu plaisantes, là ?

Il s'énerve, ses sourcils se froncent davantage, ses narines se dilatent, et ses lèvres se serrent. Ses joues prennent une teinte rosée, et je le trouve mignon malgré la situation. C'est inapproprié, je devrais me sentir coupable de ressentir cela, mais je ne peux rien y faire. Le voir en colère est rare, il est habituellement sage, avec une voix calme et une politesse qui donne des frissons. Mais là, en une seconde, il a explosé. Cela me touche profondément. Personne d'autre que moi ne peut le mettre dans cet état. C'était l'un de mes pouvoirs sur lui : dès que je suis en détresse, il le ressent et cela le met en colère. J'ai peur qu'il élève la voix contre moi, car il est terrifiant quand il le fait, et je ne veux pas le voir ainsi. Je dois le calmer, le maîtriser, et le convaincre d'accepter la décision de mon père, qui me semble être la meilleure pour nous, pour lui, sa carrière, notre armée et Astrylia. Je me sacrifie pour tout cela, et cela ne me dérange pas.

— Non, Théo, tu dois comprendre. C'est pour toi. Je ne veux pas que mon père te renvoie à cause de moi. C'est la seule solution pour que tu restes ici.

— Mais qu'est-ce que ça peut foutre ! Tu ne vas pas gâcher ta vie pour… Je ne sais même pas pourquoi ! Norio, reprends-toi, cette histoire va te faire du mal. Tu ne peux pas accepter, bon sang !

— Pas d'insultes.

— Je m'en fous, Norio. Tu te rends compte que tu vas te marier avec une parfaite inconnue ?

— Oui, et c'est la meilleure chose à faire.

Il roule des yeux et me laisse en plan en retournant dans la salle de bain, en claquant la porte. Il m'en veut, je le sais. Je le désespère aussi, mais je n'y peux rien. Je dois maintenir le cap, ne pas craquer devant lui, lui faire croire que c'est ce que je veux, que c'est le meilleur pour moi, que je vais m'en sortir. Même si, au fond, je n'ai qu'une envie : pleurer. Cette nouvelle me déchire de l'intérieur. Non, je ne veux pas épouser cette Daphné, peu importe à quel point elle peut être un modèle pour les autres, peu importe à quel point elle peut être attirante, ou que sais-je. Je ne la connais pas, et je ne veux pas me marier avec une inconnue.

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