Chapitre 3 : Manon. 

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Mon père rentre à vingt-heures trente avec les chaussures d'Alex comme neuves. Ce-dernier, ravi, a les larmes aux yeux et remercie mon père mille fois. Je regarde la scène depuis le salon, étonnamment émue de découvrir à quel point le travail de mon père est en fait le reflet direct d'une histoire personnelle pour chacun de ses clients. Alex répète qu'on ne peut pas savoir à quel point cette paire de chaussures représente quelque chose pour lui. Il ne la changerait pour rien au monde. Il dit que le métier de mon père est très beau, qu'il ferait le même si demain, il devait retourner dans la vie normale.

On dîne tous les trois, moi assise sur mon tabouret noir entre le lavabo et la table, parce que cette cuisine est bien trop étroite pour accueillir trois personnes. Ca sent bon le partage et la soupe de légumes. Alex nous raconte ses aventures dans les états qu'il a traversés, et mon père lui propose de rester autant de temps qu'il le souhaite. Je vois bien que ce garçon lui plaît, il l'imagine comme un fils. Ca se voit dans sa façon de lui parler, de l'écouter attentivement et de lui mettre de petites tapes dans le dos, comme si ils se connaissaient bien. Tout en s'exprimant, les yeux d'Alex rencontrent les miens régulièrement et je lui lance des sourires discrets. Je me rends compte que c'est la première fois que je ressens ça pour un garçon. Même quand on sort avec les autres filles du village, je ne ressens pas cela. Il n'y a pas cet élan spontané et timide à la fois, qui me pousse vers lui autant que je redoute l'instant comme celui de tout à l'heure, quand on buvait du café tous les deux.

Après quelques verres de vin échangés entre Alex et mon père au cours de la soirée, je constate qu'ils sont un peu soûls tous les deux. Je leur propose d'aller voir les étoiles sur le haut de la colline. Ils rient pour des bêtises que je ne comprends pas. Je me lève et entreprend de débarasser la table, lorsque mon père me répond :

  • Vous croyez vraiment qu'un vieil homme comme moi a encore assez de forces pour escalader cette colline ? Allez-y tous les deux, c'est un truc de votre âge. Et puis Alex, pour toi c'est non négociable. Même si tu penses avoir tout vu avec tes paysages, crois-moi, ce spectacle-là, tu n'es pas prêt de l'oublier.
  • Bien, m'sieur, j'irai, répond Alex en léchant le bol de soupe avec une impolitesse qui fait mourir de rire mon père. Mais à une condition : que vous veniez aussi. Les étoiles, ça se partage à plusieurs.

Je regarde Alex à la dérobée et je me demande si ça le gênerait, qu'on soit juste tous les deux. Soudain, je me ressaisis. il ne faut pas penser à cela, encore moins avec une personne que je connais seulement depuis quelques heures, qui n'a aucune attache et qui préfère la solitude à la compagnie d'autres personnes. Alex me l'a dit, son rêve c'est l'Alaska.

Qui suis-je pour seulement oser imaginer qu'il renonçerait à son rêve pour moi ?

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