Chapitre 2
Écrit en écoutant notamment : Billx & Black Muffin - Manticore
J’applique un bisou provocateur sur la joue d’Enzo avant de quitter son appartement. De toute façon, il ne faut jamais trop leur en donner d’un coup, au risque que la relation perde de son intérêt.
Heureusement, je n’ai qu’à marcher une dizaine de minutes dans la nuit pour rentrer chez moi. La résidence où je suis logé me satisfait très bien : même si l’appartement n’est pas très vaste, je suis proche de la fac et de mon club d’athlétisme. C’est bien pratique pour ne pas perdre mon temps dans les trajets quotidiens !
En plus, je sais d’expérience que devoir prendre les transports en commun trop régulièrement augmente très significativement le risque d’attraper un mauvais rhume. Il n’y a rien de plus rageant que de s’entraîner dur pendant des semaines, voire des mois, avant d’être rattrapé par une fièvre sournoise juste avant une compétition ! Cette année, sur les conseils de mon entraîneur, je me suis même fait vacciner contre la grippe, comme les vieux !
Passé dix heures du soir, je n’ai aucune difficulté à m’endormir : c’est l’avantage d’avoir un rythme bien calé. Je m’autorise une exception par semaine pour sortir avec mes amis, en tâchant de ne pas dépasser minuit ou une heure du matin.
***
Même si mon réveil est réglé sur six heures, je me réveille naturellement quelques minutes avant la sonnerie. Je me sens tout de suite d’attaque pour une bonne journée d’entraînement, ce qui est nécessaire au vu du programme qui m’attend. Sans réfléchir, j’enfile un jogging, un t-shirt en synthétique et mon sweat à capuche blanc. Pendant que l’eau du thé chauffe et que les trois œufs sur le plat blanchissent progressivement, je prépare mon sac avec une tenue de sport de rechange et mon ordinateur portable, sans oublier la bombe de déodorant. Quand on n’a pas forcément le temps de prendre trois douches par jour car il faut cavaler jusqu’à l’amphi pour un cours magistral, c’est bien efficace.
Je sors une demi-heure plus tard en direction de la salle de sport. Comme souvent, celle-ci est déjà bien remplie de pratiquants qui profitent comme moi des premières heures du jour. Ayant une session de sprint coriace prévue ce soir, je ne compte pas travailler trop en force dès maintenant. J’effectue un échauffement rapide à base de fentes notamment, avant d’aller occuper un des bancs de squat : quarante kilos feront largement l’affaire. Je m’applique à descendre lentement en contrôlant le poids, puis à remonter de manière plus explosive.
À côté de moi s’entraîne un jeune homme que je n’ai pas l’habitude de voir ici, contrairement à certains autres qui occupent les lieux presque tous les jours de la semaine. Voir ses bras musclés soulever la barre de développé-couche est une excellente source de motivation ! Et j'en ai bien besoin, car si la musculation n’est pas la partie de l’entraînement qui me passionne le plus, elle est bien nécessaire pour pouvoir progresser en sprint. En fermant les yeux et en écoutant son souffle, l’illusion d’une séance plus intime n’est même pas si mauvaise !
Je me reconcentre malgré tout rapidement sur ma série suivante, car j’ai déjà bien assez profité de mon corps hier soir. Si par hasard ce mec revient régulièrement à la salle, je pourrais toujours aller lui demander des conseils sur ma posture.
***
Le timing est serré, mais j’arrive en amphi à huit heures vingt-cinq, juste avant le début du cours de biomécanique. Comme à mon habitude, je vais m’installer à côté d’Andreas, mon meilleur ami depuis l’année passée, en licence 1 de Staps. Il possède de longs cheveux blonds, mais c’est bien la seule chose qui a pu m’attirer la première fois que je l’ai vu. Je ne prétendrai jamais qu'il est laid, ce qui est objectivement faux, mais son apparence de guerrier teuton n’est pas exactement le style que je préfère. Même s'il est né en Allemagne, il est arrivé en France vers ses cinq ans, a la double nationalité et parle évidemment parfaitement notre langue.
Nous avons tous les deux choisi la même spécialité à l’issue de notre première année et nous entraînons également dans le même club d'athlétisme en dehors de la fac. Malgré son physique impressionnant, il s’est plutôt spécialisé dans le 3000 m steeple, une épreuve qui requiert plus d’endurance que ma discipline favorite, le 400 m. Il travaille dur depuis plusieurs mois pour espérer être sélectionné en vue des championnats d’Europe Junior, qui se tiendront dans quelques semaines à Trente, dans le nord de l’Italie. La liste des convoqués devrait tomber d’ici quelques jours, ce qui le rend de plus en plus nerveux.
De mon côté, je ne me fais pas de souci, et mon objectif lors de cette échéance sera d’essayer de battre le record de France du 400 m des moins de vingt ans, que j’avais déjà approché il y a deux mois avec un temps de 48''35 au meeting du Havre. Si je suis en forme, je peux aussi avoir une chance d'accrocher une place en finale ; certainement pas le podium, car les jeunes athlètes italiens et espagnols sont absolument redoutables. Certains ont déjà établi des marques bien en-dessous des 48 secondes.
— T’as l’air bien en forme aujourd’hui, me lance Andreas lorsque nous quittons l’amphithéâtre à dix heures. T’as encore fait des folies hier ?
— Moi ? Pas du tout ! Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Peut-être le fait que tu t’es barré en douce après l’entraînement d’hier après-midi et que tu n’as répondu à aucun de mes messages à partir de dix-neuf heures !
— Bon ok, on ne peut rien te cacher ! Tu devrais faire de même, ça détend bien...
— Ouais… t’oublies que nous, on ne trouve pas une meuf pour un soir comme ça !
— Raté, c’était Enzo, c’est de loin pas la première fois qu’on se voit !
— Tu chipotes !
— Et toi tu es jaloux !
— Pff… je me demande si j’aurais pas dû choisir la spécialité « Activité physique et santé ». C’est blindé de meufs fraîches, pas comme chez nous.
— Arrête tes bêtises, t’es bien mieux avec moi qu’entouré de filles qui te détourneraient de ton objectif.
— ... Dit le mec qui se tape un nouveau gars toutes les deux semaines ! s'indigne Andreas.
— Oh, pas autant quand même. Et moi c'est purement pour du sexe, je le gère parfaitement !
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