Chapitre 4
Écrit en écoutant notamment : X-Mind - Roller Coaster [Industrial Frenchcore]
Comme d’habitude, alors que j’ai à peine accompli le tiers des répétitions, je me demande comment je vais parvenir à boucler l’entraînement. En même temps, il est nécessaire de pousser son corps dans ses derniers retranchements pour espérer progresser ! Je suis attentivement les valeurs indiquées par mon cardiofréquencemètre afin de m’assurer de ne pas exploser avant la fin. Lors des tous derniers sprints, je dépasse légèrement les 190 pulsations par minute, exactement la zone prévue pour cet entraînement. Cette maîtrise me satisfait.
Je jette mes ultimes forces dans le dernier demi tour de piste avant de m’allonger sur la pelouse pour tenter de reprendre mes esprits. Pour rien au monde je ne me priverai de cette sensation de quasi-apesanteur qui succède aux entraînements difficiles !
Je me relève au bout de quelques minutes pour un retour au calme, tout en encourageant bruyamment Andreas à donner lui aussi son maximum :
— Allez, tiens bon ! C’est bon ça !
Il me répond d’un signe du pouce, le visage raidi par l’effort. J’espère vraiment qu’il pourra m’accompagner pour les championnats d’Europe, ça serait bien plus sympa de voyager avec lui !
Nous nous séparons en arrivant dans le quartier qui abrite la majorité des résidences étudiantes. Bien que nous nous entendions comme larrons en foire, nous préférons conserver chacun notre intimité et notre indépendance au lieu d’habiter en colocation. C’est plutôt pratique quand je veux faire venir des mecs chez moi.
Je passe récupérer des affaires de cours chez moi, avant de me rendre chez Lucas pour avancer un projet en histoire du sport. À force d’avoir repoussé l’échéance, il va falloir s’y mettre sérieusement !
— Ah enfin ! s’écrie-t-il en m’ouvrant. Installe-toi, j’ai préparé des pâtes carbonara. J’espère que ça te va !
— C’est parfait, réponds-je en humant avec plaisir l’assiette chaude qu’il dépose sur la table.
— T’as eu le temps de regarder les documents envoyés par le prof ou pas trop ?
— Non, pas vraiment j’avoue. Mais on est ensemble pour ça, n’est-ce pas ?
— Oui ! Je t’en voudrais pas si tu passes un peu moins de temps dessus que moi, faut surtout que tu sois chaud pour l’Italie !
Il faut avouer que Lucas est quand même un mec très arrangeant, qui nous a déjà sauvé la mise quelques fois. Avec Andreas, nous avons fait sa connaissance au début de l’année, et malgré sa timidité, nous l’avons rapidement intégré. Je n’ai jamais réussi à obtenir beaucoup de détails sur sa vie sentimentale, mais clairement, il n’est pas impossible qu’il soit gay.
Bien que je sois très direct avec des inconnus quand il m’arrive de traîner sur des applications de rencontre, s’il s’agit de camarades de la promo, je préfère prendre le temps d’observer et de comprendre. Je suis fier de mon orientation sexuelle, mais passer pour le plus gros des chacals n’est pas mon but. C’est principalement avec Andreas que nous échangeons quant à nos performances sexuelles respectives, mais je suis assez certain qu’à force d’entendre nos conversations pas toujours très fines, Lucas a bien compris que je ne fais pas toujours dans le plus pur romantisme !
Je dois bien avouer qu’imaginer que Lucas puisse fantasmer en secret sur mon corps est une idée qui m’excite beaucoup ; c’est aussi pour ça que je fais durer le plaisir et que j’y vais seulement par touches discrètes avec lui. Il me suffit de fermer les yeux un instant pour le voir nu sur son lit, jouant avec ses doigts, rêvant que ce soit moi qui le pénètre à la place… Timide n’est pas synonyme de raisonnable, je le sais bien !
Le repas terminé, nous passons au travail. J’acquiesce à la plupart de ses idées, et nous terminons par distribuer les tâches d’une manière pas tout à fait équilibrée, mais qui lui convient quand même.
Son visage et ses mains fines sont vraiment très attirants, mais je me force à toucher uniquement avec les yeux, sauf lorsqu’il s’agit de lui faire la bise lorsque nous estimons avoir assez avancé pour la soirée.
— Allez Lucas, à demain en cours !
— Oui, bonne soirée à toi ! me répond-il d’un large sourire.
Dit comme ça, on pourrait vraiment croire que je ne le laisse pas insensible… C’est à me demander s’il faudrait pas engager la seconde avant que je parte en Italie.
En me déshabillant chez moi, je prends le temps d’observer mon corps sculpté devant le miroir, cette fois-ci moins pour le côté purement esthétique que pour me rappeler du chemin parcouru depuis toutes ces années.
***
Je me souviens bien de ce jour des vacances d’été, lorsque j’avais 14 ans. Comme à notre habitude, nous consacrions nos après-midi à des parties d’airsoft dans les bois. Maintenant, quand j’y pense, c’est assez fou comme nous nous prenions au sérieux avec nos armes à billes ! Enfin bref, un de mes potes m'avais reperé alors que j’approchais de leur base. Je tirai quelques fois, mais étant en infériorité numérique et plus à découvert, je dus déguerpir en me baissant pour éviter leurs rafales. En ayant voulu traverser un fossé, je sentis ma cheville craquer violemment après avoir raté mon appui.
Pour la première fois de ma vie, je compris que je subissais une blessure assez sérieuse. Impossible de poser le pied par terre ni de le bouger ; la douleur était extrêmement forte. Mes copains étaient aussi très inquiets devant l’apparence complètement désaxée de mon pied. Ils me portèrent jusqu’à chez moi alors que je voyais la scène au ralenti, dans un état de choc.
Pour ne pas perdre de temps, la mère d’un de mes amis, qui était chez elle, m’emmena directement aux urgences les plus proches. Je n’ai plus de souvenirs précis de la suite, comme si mon esprit avait refusé d’enregistrer cet épisode douloureux.
Toujours est-il que deux mois plus tard, alors que je me portais déjà mieux, j’avais rendez-vous chez un spécialiste pour qu’il analyse l’évolution de mon état au vu des dernières images faites quelques jours plus tôt.
« Il y a de fortes chances pour qu’un déséquilibre dans la structure de la cheville persiste après la fin de la croissance, mais cela ne devrait pas causer de douleurs dans le futur », avait dit l’homme en blouse blanche.
Et en effet, quand je comparais mes deux pieds sous la douche, il était vrai qu’un certain décalage persistait, visible à l’œil nu. Finalement, mon corps n'était une simple machine, qui pouvait très bien subir des ennuis mécaniques.
Malgré tout, je reprenais tranquillement mes activités habituelles, jusqu’à ce que mon médecin acceptât de me délivrer le certificat médical nécessaire pour participer au cross du collège. Je n’avais jamais couru très sérieusement, seulement en jouant au foot ou au basket avec mes amis, mais je remportai à ma plus grande surprise la course. Apparemment, le plus étonnant était mon style de course très peu conventionnel, qu’on attribua rapidement à mon pied blessé quelques mois plus tôt.
Intéressé par ce sport, je m’inscrivis dans un club sans tarder : la révélation ! Je gravis les échelons de la compétition rapidement, passant des cross de village aux courses départementales, puis régionales, avant de participer à mes premiers championnats de France Jeunes juste avant mes dix-sept ans et de me spécialiser dans le sprint.
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