Chapitre 6

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Écrit en écoutant notamment : Blackmore's Night - Under A Violet Moon [Folk]

Sur le moment, Alexia n’a pas le même discernement que moi :

— Et toi Lucas, personne en vue ?

— Euh… non… je ne trouve pas grand monde en ce moment.

— Si tu devais embrasser quelqu’un ici, ce serait qui ? demande-t-elle de but en blanc.

— Euh… peut-être Baptiste !

— Ah ouais ! En même temps, difficile de faire plus beau gosse ! Si j’avais été un mec gay, j’aurais essayé direct d’en profiter. On se demande juste ce qu’il nous cache sous sa ceinture !

Fasciné par cet échange, je dévisage Alexia puis Lucas successivement. Pendant quelques instants, j’avais cru que la raison du soin apporté au rangement par Lucas était l’envie de faire bonne impression aux deux filles pour tenter un rapprochement ! Ce dernier ne trouve pas le moindre mot pour réagir, comme s’il disqualifiait immédiatement toutes les justifications qui lui passaient par la tête. Il se lève tout d’un coup en bafouillant des excuses, prend ses affaires et claque la porte derrière lui. On entend ses pas vifs s’éloigner rapidement.

— Je suis vraiment désolée, je ne pensais pas du tout à mal ! reprend Alexia après quelques secondes de consternation.

— Non non, c'est pas du tout de ta faute ! dis-je en même temps qu'Andreas.

— Mais vous saviez qu’il était gay ?

— J’avais une intuition pour, répliqué-je, mais je ne m’attendais pas du tout à ça ! Il a sûrement paniqué, je vais lui envoyer un message tout à l’heure.

— Je sens que cette affaire va se terminer avec toi dans son lit ! sort Andreas en plein milieu de cette discussion, qui se voulait sérieuse.

— Oh non… c’est pas le moment ! Enfin, je t’excuse, c’est un peu ta soirée finalement, avec ta sélection.

Je ne souhaitais pas avouer que Lucas me plaisait un minimum pile à ce moment. Mais au moins, je suis tout désigné pour éclaircir ce départ précipité.

***

Lundi, 8h35.

Toujours pas de Lucas en vue, alors que le cours est sur le point de démarrer. Pourtant, j’ai eu la confirmation hier qu’il a bien vu mon message, lequel se voulait rassurant et bienveillant. Je sors rapidement mon téléphone pour vérifier que je m’étais bien exprimé.

« Il n’y a rien de mal à ce que tu nous as dit à la soirée ! C’est plutôt nous qui aurions dû mieux faire pour te mettre à l’aise. Tu veux qu’on se voie demain pour parler ? »

Est-ce que je l’intimiderais au point qu’il n’ose même pas me répondre ?

— C’est étonnant que Lucas ne soit pas là, non ? me confié-je à Andreas.

— Ouais, bien d’accord ! Enfin, il paraissait vraiment super mal à l’aise quand il est parti samedi soir.

Alors que le prof a commencé son exposé du jour depuis presque vingt minutes, j’entends soudain un grand battement de porte et vois mon Lucas grimper les marches de l’amphi afin de s’installer tout au fond, malgré mes gestes pour lui signifier de venir à notre rangée.

Pas non plus moyen de lui mettre la main dessus à la pause. Je préfère attendre la fin de la journée et passer directement chez lui. Peut-être que plus d’intimité lui siéra mieux… à moins que ce ne soit en réalité le contraire. Tant pis, je frappe quand même à sa porte.

Il m’ouvre avec précaution, mais je sais que sa politesse ne lui permettra en aucun cas de me renvoyer chez moi.

— Ah Baptiste…

— Je peux entrer ?

— Oui, viens… Et du coup, je crois que je ne voulais pas vraiment dire ça hier soir… c’est juste que tu m’impressionnes !

Sa précipitation pour se justifier m’amuse déjà, mais je reste sérieux.

— Eh mais il ne faut pas ! Je suis comme tout le monde à la fac… peut-être juste un peu meilleur en course à pied.

— Oui, mais t’as toujours l’air super confiant, super fier de toi, c’est assez incroyable !

Eh ben ! Reste un peu passif sans paraître trop mystérieux.

— Merci pour tous ces compliments ! Après, il faut dire que c’est un genre que je me suis donné quand certains mecs me faisaient chier en Première… et que je conserve depuis.

— Juste parce que t’étais gay ? Enfin… tu l’es toujours, hein ! bafouille-t-il.

— Ouais… et puis avec ma démarche un peu particulière – à cause de ma cheville, tu sais bien – n'a pas arrangé les choses... Ça y allait bien avec les remarques du style : « Putain Baptiste, essaye de marcher droit, tu t’es trop fait enculer ou quoi ? ».

— Oh merde, c’est vraiment pas cool… J’ai jamais eu ce genre de souci.

— Je confirme, on a déjà vu plus gentil. Mais j’ai fini par fermer leur grande gueule, et tout seul ! T’aurais dû voir leur tête en cours de sport quand je leur mettais raclée sur raclée. À la limite, c’étaient même eux qui regardaient mon corps dans les vestiaires ; ils étaient jaloux !

— J'adore ! Quand je me regarde à côté, je ne pense pas du tout que je puisse être le genre de gars pour toi...

Ah oui ! Mais il est super direct en plus ! Et il a bien compris qu'il pouvait m'intéresser...

Une fois n'est pas coutume, je dois avouer que je suis pris de court. Enfin, Lucas manque réellement de confiance en lui, et c’est bien le premier point auquel s’intéresser !

***

Deux semaines plus tard.

Notre train a quitté la région parisienne tôt ce matin, direction Lyon. Nous prendrons ensuite un bus qui nous amènera jusqu’à Trente en Italie. Évidemment, je suis installé à côté d’Andreas, qui a failli oublier la moitié de ses affaires tant il était excité de participer à ce déplacement.

Ces deux dernières semaines ont été intenses, entre notre semaine de stage avec les autres athlètes de l’équipe de France et les différentes formalités administratives. Je regrette de ne pas avoir eu beaucoup de temps à consacrer à Lucas depuis cette fameuse soirée où il a déclaré à demi-mot ses sentiments pour moi. Enfin, j’ai tout de même réussi à le rassurer sur son orientation sexuelle et sur le fait que je ne suis pas obligatoirement un modèle à suivre ; c’est le principal, car le sujet avait l’air de peser lourd sur ses épaules. Je peux comprendre qu'avoir passé de trop nombreuses années sans oser révéler cette partie de son identité soit difficile.

Au cours des jours qui ont suivi, j'ai été assez surpris de ne pas ressentir l'envie de le draguer sérieusement malgré mes quelques fantasmes sur lui. On verra en rentrant d’Italie comment je le sens ; mon instinct primaire de compétiteur a sûrement pris le dessus.

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