Chapitre 13
Écrit en écoutant notamment : DJ Mad Dog - Energy 1996 [Hardcore]
Notre train du retour est arrivé il y a une heure en Gare de Lyon. Je ne pensais pas pouvoir apprécier le retour dans ma banlieue parisienne, mais force est de constater qu’entendre s’égrener les noms des stations du RER me fait un bien assez inespéré. Je ne m’agace même pas des quelques minutes que nous passons arrêtés sur la voie pour « régulation de trafic ». J’ai hâte de retrouver mon appartement et mon lit.
Juste avant notre départ d’Italie, j’ai eu le courage de tout raconter à Andreas, même les actions que je regrette horriblement. Vraiment pas facile quand on a l’habitude de ne montrer que ses succès… Il m’a écouté attentivement sans me juger de quelque manière que ce soit. Pourtant, selon lui, il n’est pas impossible que j’aie été « trahi » par quelqu’un de plus proche, de notre propre équipe.
C’est vrai que Jordan était là… L'an passé, juste avant qu’il ne change de club d’athlétisme, nous nous étions battus sur le parking du stade alors qu’il m’avait une fois de plus traité de tapette. J’avais aussi terminé avec un beau cocard, mais c’était nécessaire. Ce connard absolu ne supportait pas qu’un mec gay puisse lui voler la place de numéro un…
Malgré tout, j’ai du mal à concevoir que j’aie pu agresser Ilya sans aucune raison. Pour moi, il reste beaucoup plus suspect. Enfin, je ne saurai probablement jamais… Je crois que j’ai simplement besoin d’une courte pause dans ma course à la performance pour pouvoir repartir de plus belle plus tard. J’espère aussi que Stéphane pourra se montrer plus à l’écoute qu’il y a quelques jours, car actuellement, je n’ai juste aucune envie de suivre bêtement ses directives.
La douceur de ma couette et de l’écoute de mon ami me permettent un sommeil bien plus léger que ces derniers jours. Étonnamment, l’Italie m’a déjà l’air d’un souvenir très lointain, comme un brouillard dans lequel il ne fait pas bon s’aventurer.
***
Le lendemain matin, je retrouve le chemin de la fac pour un cours d’économie du sport, avant de poursuivre cet après-midi le cycle de tennis de table. J’ai bien envie de remettre une petite raclée à Andreas et Lucas, comme il y a quelques semaines ! Une heure après que le cours a démarré, je reçois un message d’Andreas qui me décrit « une panne de réveil » l’ayant empêché de se lever à l’heure. Je rigole doucement, espérant quand même le voir cet après-midi.
Lucas m’a lui jeté de nombreux regards pendant le cours et semble impatient de me poser plein de questions sur ma semaine. Je ne peux pas lui en vouloir, mais aimerais éviter autant que possible de raviver certains mauvais souvenirs au moment même où je retrouve mon enthousiasme habituel.
Après qu’il est allé poser une dernière question au prof à la fin du cours, nous prenons tous les deux le chemin du self. Il s’étonne de me voir choisir des frites en accompagnement, mais j’ai décidé que cette semaine, il me fallait quelques plaisirs simples ! Cela n’inclut pas forcément de voir quelques mecs ; je me rends compte que je n’ai toujours pas réinstallé mon application. Si c’est pour tomber sur des gens aussi mal intentionnés…
Une fois assis, je lance la conversation sur un sujet pas trop sensible :
— Du coup, on n’a pas raté trop d’infos importantes à la fac cette semaine ?
— Non, rien à signaler ! Seulement des cours que tu aurais trouvés barbants pour la plupart ! Pas de nouvelles de notre dossier en histoire du sport… en même temps ça fait même pas trois semaines qu’on l’a rendu.
— Ouais, pas très étonnant.
— Et sinon, tu te sens mieux depuis ta demi-finale ? Tu m’avais pas dit que t’avais fait un malaise ? Rien de grave ?
Je souffle de mécontentement. Qui est l’abruti qui s’est senti obligé d’aller raconter ma défaillance ? En tout cas, les nouvelles se propagent vite… Comme ce n’est absolument pas de la faute de Lucas, je préfère ne pas surréagir :
— Ouais, je ne voulais inquiéter personne. Mais je suis à peu près sûr qu’il n’y a rien ! Je me sens parfaitement bien.
— Tant mieux ! Je ne voudrais pas qu’il arrive quoi que ce soit à mon athlète préféré, dit-il avec un sourire.
Est-ce que je rêve ? Ou est-ce qu’il est réellement en train de me draguer ? Le petit a pris du poil de la bête ces derniers temps.
Une violente bourrade s’abat sans transition dans mon dos :
— Comment se passe ce repas en tête à tête ? lance Andreas.
— À vrai dire, on s’ennuyait presque, sans toi !
— J’ai posté la vidéo hier soir ! Déjà deux mille vues, c’est un record !
— Stylé ça ! Ça fait plaisir de voir qu’autant de monde peut s’intéresser à nos conneries, réponds-je.
— J’ai aussi quelques prises sympas de l'Italie, mais je pense pas pouvoir en faire une vidéo complète…
Je quitte mes amis après les cours de l’après-midi pour me rendre à l’Institut National du Sport de Vincennes. Je parcours les immenses installations sportives à la recherche du bâtiment où j’ai rendez-vous pour mon test d’effort. Savoir que de nombreux grands athlètes français s’entraînent ici et que je pourrai peut-être un jour y gagner me place me donne presque le vertige.
La spécialiste, accompagnée d’un assistant et d’un jeune stagiaire de lycée, m’accueille gentiment et me présente rapidement les installations ainsi que le test à venir. Je vais ensuite me changer et reviens dans la grande salle d’examen, très serein par rapport aux futurs résultats. C’est même une bonne occasion de faire un point sur ma forme actuelle avec des outils perfectionnés.
L’assistant s’occupe de placer des électrodes sur mon torse, tandis que la médecin commande au stagiaire de ramener le gros ventilateur à roulettes devant le tapis de course. Je pense qu’il sera bien utile, car courir sur place et en intérieur donne très vite chaud ! Le principe est relativement simple : je devrai accélérer d’un kilomètre par heure toutes les deux minutes jusqu’à l’épuisement. Alors que je commence à courir tranquillement pour m’échauffer, le stagiaire vient se placer derrière les écrans d’ordinateur et suit les explications de sa tutrice :
— Donc ici, on a la fréquence cardiaque au cours du temps, ici la tension artérielle, systolique et diastolique, et sur l’écran de droite, tu vois l’électrocardiogramme se tracer. Heureusement, ici, on n’a plus à s’embêter avec les vieilles machines papier. Je t’expliquerai plus tard les différentes dérivations et le triangle d’Einthoven, mais tu vois, 100 battements par minute à l’échauffement, on a affaire à un sportif très entraîné.
Malgré le souffle d’air qui me rafraîchit tout au long de l'effort, je termine le test dégoulinant et m’excuse pour les nombreuses gouttes de sueur qui tâchent le tapis.
— Normalement, les résultats des analyses complètes devraient être transmis sous quarante-huit heures, mais à première vue, ton cœur ressemble à une machine parfaitement huilée.
— Merci beaucoup !
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