Chapitre 21

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Écrit en écoutant notamment : Hydrokick - It's Time To Be Angry [Hardcore]

Je me réveille en poussant un grand cri. Les souvenirs vivaces de mon cauchemar font battre la chamade à mon cœur. Calme-toi ! Ce n’est qu’un mauvais rêve !

J’attrape mon téléphone pour m’ancrer dans le monde réel et me rassurer. Quelle horreur ! Malgré mes efforts et les quelques pas que j’ai faits dans ma chambre, impossible de retrouver le sommeil. Le rapport à ma propre déchéance, ma propre mort, dont je viens d’avoir l’expérience, me terrifie absolument. Comme lorsque j’avais huit ans, fermer les yeux me donne le sentiment de replonger directement dans l’épouvante. J’ai presque envie d’aller vérifier que la porte de ma chambre ne s’ouvre pas sur un affreux corridor infini.

La seule solution qui me vient est d’enfiler mes baskets et d’aller me changer les idées dans la nuit. Juste un quart d’heure à fond devrait suffire… J’essaye en même temps de me persuader que ce genre de cauchemar est juste un trop plein d’émotions, sans qu’il faille chercher une interprétation précise.

***

Je suis presque heureux du réveil brutal provoqué par la sonnerie de mon téléphone, que j’avais laissé trop proche de mes oreilles. Malgré la coupure de cette nuit, je me suis reposé convenablement et les souvenirs glauques de mes aventures oniriques sont déjà en train de s’estomper.

Sport le matin et cours magistral l’après-midi, voilà le programme de la journée à la fac. J’essaye d’afficher le visage le plus détendu possible lorsque j’arrive dans les vestiaires, où Andreas et Lucas sont déjà en train de se changer. Les discussions avec les autres gars du groupe tournent principalement autour du match de ligue des champions de ce soir, qui opposera Paris au Borussia Dortmund. Je ne suis pas un grand adepte du foot, mais j’ai des connaissances suffisantes pour ne pas passer pour un con lors de débats.

— Ça pourrait être sympa qu’on ne se fasse pas sortir lamentablement… dit Lucas.

— Au contraire, je vous le souhaite ! s’exclame Andreas. Désolé, mais je reste allemand pour certaines choses. Je donnerais tout pour un petit penalty dans le temps additionnel qui élimine le PSG ! Perdre Sans Gloire, comme on dit !

— Attention, tu vas pas te faire des amis par ici !

Nous nous autorisons une dizaine de minutes de retard pour partager nos analyses sur les enjeux du match.

— C’est pas trop tôt ! lance la prof d’acrosport lorsque nous daignons enfin quitter les vestiaires. Je sais bien que vous vous foutez royalement de ce cours, mais moi, je suis là à 8h30 ! Aujourd’hui, vous devez commencer à mettre en place votre chorégraphie pour l’évaluation. Vous pouvez évidemment reprendre des éléments travaillés en cours, mais j’impose au moins deux figures originales de niveau de difficulté 2 ou plus.

Notre groupe se compose bien sûr de Lucas, Andreas et moi-même, ainsi que de deux filles que nous avons intégrées pour respecter le critère de mixité des équipes - accessoirement parce qu’elles sont assez sympathiques. J’essaie de m’impliquer pour faire avancer les choses et réduire le temps qu’on devra passer sur cette activité stupide :

— Pour commencer, est-ce que vous avez une idée pour la musique et le thème de notre chorégraphie ?

— Je pense qu’un morceau de musique épique doit pouvoir le faire, du style Two Steps From Hell si vous connaissez, propose Lucas. Il y a pas mal de choix, ça peut être cool !

— Parfait… si tout le monde est d’accord, on te laisse choisir le plus adapté !

Andreas, que je ne sentais pas particulièrement concerné jusque là, s’écrie soudainement :

— Il y a une figure qui devrait bien marcher vu vos gabarits, à toi et Lucas.

— Ah ouais ?

— Je pense qu’elle possède le score de difficulté maximal : ça s’appelle la « grande pipe inversée » !

— Oh putain… comment ai-je pu croire un instant que t’allais sortir un truc sérieux ? Je vais te faire la peau ! dis-je avec un regard complice.

Alors que Lucas et les filles éclatent de rire, je me lance à sa poursuite à travers les vestiaires, puis les gradins du gymnase. Il se retourne pour estimer son avance sur moi, mais trébuche sur les marches qui redescendent vers le terrain et s’écrase au sol la tête la première dans un grand bruit, qui fait se retourner la majorité des groupes. Il se roule difficilement sur le dos tout en se tenant l’épaule et en proférant une suite de jurons.

— Allez, relève-toi, gros tas ! lancé-je.

— J’ai trop mal…

— Fais pas ta tapette !

La prof accourt évidemment pour s’assurer que tout est en ordre. Andreas lui désigne son épaule douloureuse, et après quelques manipulations qui lui arrachent des cris peu encourageants, elle déclare :

— Je m’en fiche de savoir qui est responsable ou pas, mais tu vas devoir aller illico aux urgences, ça ressemble fortement à une clavicule cassée. Est-ce que quelqu’un peut t’emmener ? Sinon, j’appelle le 18.

Je me décompose sur place. Pourquoi ai-je eu besoin de le poursuivre comme un gamin ? J’espère vraiment que la douleur apparente n’est pas représentative de son état physique... Si la prof a raison, il en a pour au moins six semaines de repos, uniquement par ma faute.

Je file au vestiaire et lui ramène son téléphone afin qu’il appelle un de ses potes ayant une voiture. Ce dernier arrive vingt minutes plus tard, emmenant Andreas avec lui. Je réagis à peine, oubliant même de proposer de les accompagner. Je me laisse plutôt tomber sur un des bancs placés en bas des gradins, n’ayant pas le cœur à continuer la moindre activité. Bien que son regard exprime le contraire absolu, Lucas garde ses distances et semble hésiter à intervenir.

La horde de sentiments hostiles qui me tenaillait en Italie, et que je pensais avoir surmontée, me revient en pleine figure, accompagnée de la honte du dernier entraînement d'athlétisme et du cauchemar de cette nuit. Une violente tension s'empare de mes cervicales et ma respiration devient saccadée ; si j'étais seul, je hurlerais sans retenue.

La blessure d’Andreas risque de complètement lui gâcher sa saison. Il va m’en vouloir à mort ! Et moi qui suis théoriquement en pleine forme, je ne suis même pas foutu d’en profiter ! Combien de temps avant que je déconne aussi avec Lucas ? S’il avait su comment je me suis comporté en Italie, il m’aurait déjà lâché, tel un fou dangereux dont la place est à l’asile.

Je remarque à peine que la prof d’acrosport vient me voir.

— Baptiste, si vous en avez besoin, je vous autorise bien sûr à rentrer chez vous.

Je la remercie en bafouillant et me dirige vers les vestiaires dans un état second. Je ne comprends plus rien. Tout me paraît hors de portée, incontrôlable. Il faut vraiment que tout s’arrête.

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