Chapitre 23

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Écrit en écoutant notamment : Le Tigre - Deceptacon [ElectroRock]

— Je t’écoute.

— Est-ce que tu promets de ne pas me prendre pour un idiot ?

— Je ne ferai jamais ça !

— D’ici dix jours, je ne serai plus là…

— Hein ? Comment ça ?

Il semble chercher ses mots, puis se lance tout d’un coup :

— Je veux reprendre de nouvelles études en droit à la rentrée prochaine. Et là, dans l’immédiat, je vais partir dans le coin de Montpellier en service civique jusqu’à l’été ; une mission de soutien scolaire et à l’orientation pour des jeunes défavorisés… Voilà, tu sais tout.

— Quoi ? Mais les cours ont pourtant l’air de te plaire !

— Euh… pas autant que je le voudrais. Il y a cette impression de passer à côté de ce qui me plaît vraiment... Mais tu sais, le pire, c’est qu’en quelques jours, t’as failli me refaire changer d’avis. Je me sentais tellement bien avec toi, c’était juste indescriptible ! Désolé de ne pas vous en avoir parlé plus tôt…

— Ne te fais pas de souci pour ça. Si tu sens que c’est le mieux, vas-y !

— Je me rassurais en me disant que notre relation pourrait tenir jusqu’à ce que je revienne en région parisienne l’année prochaine. C’est pas contre toi, mais j’arrive pas à croire que j’aie pu être aussi naïf, on dirait un collégien qui ne connaît rien aux relations. Heureusement que ça ne faisait que quelques jours...

— Mais non, ne te dévalorise pas ! Au contraire, moi, je pense avoir définitivement perdu toute idée du romantisme, et du véritable amour, enfin s’il existe… Je ne me verrais jamais attendre un mec plusieurs semaines, voire plusieurs mois. J’ai été corrompu par le plaisir facile ; maintenant je me lasse trop vite de tout.

— Même de moi ?

— Oui malheureusement, et pour que tu n’aies aucun regret, je dois t’avouer que j’ai déjà vu un gars ce week-end... Bon, il n’était pas aussi beau que toi ! conclus-je en riant pour détendre l’ambiance.

— Je ne sais pas comment le prendre, mais… merci ? Est-ce que je peux juste te prendre dans mes bras un instant ?

— Mais bien sûr !

Il se serre profondément contre mon torse, à tel point que je sens sa respiration s’apaiser au fur et à mesure des minutes que nous passons presque immobiles. J’ai rarement été aussi proche d’un mec sans que ce soit pour des activités sensuelles.

— Tu vas nous manquer, lui dis-je alors à l’oreille.

— Ce n’est que pour quelques mois… et ensuite, même si on n’étudiera plus au même endroit, on se verra toujours, n’est-ce pas ?

— Évidemment.

— Et d’ici-là, t’as intérêt à retrouver ton niveau sur la piste ! T’avais bien réussi à faire taire les moqueries sur ton homosexualité en Première, alors ce ne sont pas quelques regards ou remarques minables qui doivent te freiner. Prouve-leur à tous que t’as un mental d’acier et que t’es le meilleur !

— Ouais !

Je constate en sortant mon téléphone que j’ai enfin des nouvelles d’Andreas. La prof avait raison : fracture simple de la clavicule. Je montre en même temps à Lucas la photo qu’il m’a envoyée.

« Bonne nouvelle, je devrais pouvoir reprendre la course à pied dans un mois si tout se passe bien. Faudra surtout que tu m'aides les premiers jours, par contre ! Je reviens déjà tout à l’heure, si tu veux passer, même avec Lucas, ça serait super cool ! »

À moitié rassuré qu'il prenne cette épreuve avec philosophie, je lui réponds par l’affirmative après avoir eu l’approbation immédiate de Lucas.

***

— Oh putain, je suis trop content de vous voir ! Heureusement que je ne suis pas resté trop longtemps aux urgences, il n'y a pas plus déprimant comme endroit, s’enthousiasme Andreas.

— Je ne saurai jamais comment m’excuser… dis-je dans un souffle presque inaudible.

— Il ne faut pas ! C’est de notre faute à tous les deux !

— Merci…

— Viens ici que je t’embrasse !

Je me laisse attraper par Andreas, bien gêné par son écharpe.

— T’es sûr que ça va ? demandé-je en le sentant me frotter le dos avec une insistance étonnante.

— Comme je peux ! Les médecins ont dit que la codéine pouvait avoir quelques effets… relaxants.

— Je vois ça !

— Enfin bon… j’ai presque mis une demi-heure pour me changer tellement la zone est sensible. Et je ne sais pas comment je vais dormir les premiers jours.

— Faudra que tu restes sur le dos, j’imagine.

— Oui, c’est ce qu’ils m’ont dit, mais je n’en ai pas du tout l’habitude.

— Ah ouais, la galère... De manière générale, si tu as besoin du moindre truc, je suis là pour te choyer, de jour comme de nuit !

— Justement, je voulais t’en parler. Pour l’instant, j’ai le nécessaire, mais vu qu’on n’a pas cours le matin après-demain, ça serait top si tu pouvais faire un tour à la pharmacie. Tiens, je te passe déjà l’ordonnance, ils m’ont prescrit quelques machins solides si je continue à avoir trop mal. Je t’enverrai aussi une liste de courses, si ça te dérange pas, termine-t-il d’un clin d’œil.

Andreas semble au moins aussi surpris que je l'ai été lorsque j'évoque ensuite le départ prochain de Lucas.

— C'est trop triste... Que va devenir notre groupe avec un éclopé et un déserteur ? Allez, toi aussi t’as droit à un gros câlin ! s’écrie-t-il à destination de l’intéressé.

Alors qu’il tente de se relever en grimaçant et en jurant contre sa clavicule brisée, Lucas l’interrompt dans son effort et s’assoit à ses côtés afin d'accéder à ses désirs.

Il faudra vraiment passer le voir régulièrement pour éviter qu’il déprime. Déjà que quelques jours de rhume m’énervent au plus haut point, ne pas pouvoir s’entraîner pendant de longues semaines paraît tout bonnement affreux - en plus de la perspective de devoir rester cloué chez soi pour plusieurs jours.

— Je devrai aussi apprendre à me servir de mon autre main pour mes activités intimes ! lance soudainement Andreas.

— Ou alors un mois d'abstinence, éclaté-je de rire. Non, mieux, tu accélères avec Alexia pour qu'elle te le fasse !

— Pas évident d'aller draguer actuellement ! Enfin bref, trêve de plaisanteries, j’espère que je vais savoir dormir quelques heures… au pire, je passerai mes nuits à réfléchir à des idées de vidéos. Je sens que je vais faire le plein de scripts pour deux ans.

***

Pour la première fois depuis un moment, je me lève à six heures en vue d’une séance sérieuse à la salle de sport. Peut-être que mon très léger manque de puissance, celui qui fait la différence entre un podium ou non, est dû à ma moins grande assiduité au niveau de la musculation. En effet, je constate rapidement que je ne suis plus tout à fait à mon niveau pré-championnats d’Europe. Il me manque la force et l’endurance nécessaires pour terminer les dernières répétitions proprement avec mes charges habituelles, mais le fait d’au moins cerner des pistes d’amélioration est rassurant !

Je suis tellement concentré sur mes séries que je ne remarque pas avant un moment que quelqu’un attend devant la machine que j’utilise, probablement pour me proposer d’alterner nos séries.

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