Chapitre 24

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Écrit en écoutant notamment : Anamorphic - Titanium

Un frisson plutôt agréable me traverse quand je relève la tête et reconnais devant moi le mec que j’avais repéré il y a quelques semaines. Étant assis, mon visage se retrouve plus ou moins à hauteur de son entrejambe : c’est à la fois déroutant et très excitant.

Il prend ma place sur le banc et rajoute directement vingt-cinq kilos ; je me souviens qu’il n’était pas là pour rigoler. J’observe d’abord sans aucune arrière-pensée ses mouvements, très propres, mais ça ne dure qu'un instant... Il doit avoir entre vingt-trois et vingt-cinq ans, possède des cheveux noirs courts ainsi qu’un visage et une attitude presque militaires. Je pourrais accepter de tomber mon rôle d’actif pour ce genre de gars.

Comme je me l’étais promis si l'occasion se représentait, je décide d’agir sans attendre et l’interpelle dès qu’il a terminé sa série :

— Mec, t’as l’air vraiment chaud, tu penses que tu pourrais venir voir ma position sur le développé-couché, juste après ?

— Euh oui, je termine mes séries ici et j’arrive dans dix minutes.

— Je dois avoir une mauvaise posture, parce que j’ai toujours une gêne aux coudes.

— Ok, on va essayer de régler ça, t’inquiète pas.

Je vais alors me rafraîchir quelques instants aux vestiaires en attendant qu’il finisse. J’en profite pour me recoiffer sommairement et soulève mon débardeur pour observer avec satisfaction mes abdos, que je sais tellement désirables pour n’importe quel mec intéressé par ses comparses.

Alors que je joue à descendre très légèrement mon short pour laisser apparaître le prolongement de mes lignes de l'aine, la porte s’ouvre brutalement. Je me tourne dans un instant de panique et fais semblant de commencer à m'étirer. J'y mets pourtant vite un terme, conscient que je ne suis sûrement pas le seul mec à se contempler dans ce vaste miroir... L’éclairage semble parfaitement étudié en vue de mettre les muscles des adhérents en valeur et de les convaincre que leur travail porte leurs fruits.

En sortant, j’attrape ma cible du regard et vais m’installer sur le banc de développé-couché – un exercice dont l’utilité est discutable pour moi, mais pas mauvais pour mon plan.

— C’est combien ton max une rép’ là-dessus ? me demande-t-il.

— Je crois… 70 kilos, peut-être.

— Ok, c’est un bon début ! Du coup, on va mettre 40 pour bien travailler le mouvement. Trop léger, t’auras aucune sensation, trop lourd, tu vas forcer.

— D’accord !

— Tout d’abord, avant de démarrer, les points de contact. Il faut impérativement que les fesses, les épaules et la tête reposent sur le banc. Tu dois sentir que tes genoux sont légèrement fléchis, sinon on le baisse.

— Ok !

Je me saisis de la barre en faisant exprès de positionner mes mains trop à l’extérieur. Évidemment, l’erreur ne passe pas inaperçue :

— Oulah, pas besoin de prendre aussi large !

Avec toi, prendre large ne me dérangerait même pas tellement !

Je le laisse replacer mes mains à sa guise en profitant du contact avec les siennes. Son application me plaît beaucoup !

Nous passons ensuite sur quelques séries avec plus de fonte sur la barre. Je donne mon maximum aussi bien pour chercher quelques compliments que pour l'obliger à me soutenir les bras lors des dernières répétitions. Satisfait de moi, je me relève en lui demandant :

— Et donc, tu viens souvent ici le matin ?

— Ouais, 3 ou 4 fois par semaine, plus ou moins à cette heure-ci. N'hésite pas si t’as des questions, d’autres fois.

— Ok merci ! Là, je vais bientôt me changer, faut que j’aille en cours après. Et sinon, moi c'est Baptiste, dis-je avec un sourire évocateur.

— Moi Antonin ! Je vais aussi passer deux secondes aux vestiaires, histoire de prendre quelques photos pour ma meuf. Mes muscles sont juste congestionnés comme il faut, y a même la veine qui apparaît sur le bras, regarde !

— Ah… euh... très sympa, réponds-je alors que mes fantasmes s’effondrent.

— Ne me dis pas que tu le fais pas ! Je sais très bien que ça leur plaît beaucoup plus que ce qu’elles n'admettront jamais.

— Ça m’arrive, mais pas forcément avec le même objectif…

Il ne semble pas relever ma dernière remarque et me salue d'un check de la main avant de s'éloigner. J’ai parfois tendance à oublier que dans la vraie vie, contrairement aux applis que j’utilise, tous les mecs ne sont pas gays et ne s’extasient pas devant mon physique athlétique. Au moins, je sens que la séance d’aujourd’hui a été complète et me profitera bien. Je regarde l'heure et constate que j'ai le temps de prendre une douche express avant de me rendre à la fac.

Regarde-toi ! me dis-je en me dévisageant dans le miroir de tout à l'heure. Tu es fait pour courir : tout ton corps, toute ton âme, y sont destinés. Comment pourrais-tu choisir de perdre ton identité et ta fierté ; l’essence même du jeune homme que tu es ? Comment pourrais-tu te passer de l’adrénaline qui accompagne le départ des courses, de la plénitude qui succède à une victoire ne dépendant que de ta volonté ? Regarde ces mollets affûtés, ces cuisses puissantes, ce caractère de pur-sang indomptable, tu ne peux pas abandonner !

Je vois mon double serrer son poing si fort que même son cou se raidit. Je m’approche dans un instant de doute, me plonge dans ses yeux verts et replace une mèche qui n’est pas à sa place : c’est bien le regard d’un garçon provocant, mais déterminé, qui me met au défi.

***

Lucas semble bien triste lorsque je le retrouve en train d’attendre, les yeux rivés sur son téléphone, dans le couloir devant l’amphi. Il ne remarque mon arrivée que lorsque je me plante vraiment devant lui.

— Ah… salut Baptiste.

— T’as pas l’air dans ton assiette. Je suis encore désolé, mais heureusement que ça s’est fait comme ça, non ?

— Oui, j’essaie de m’en convaincre. Je sais même pas ce que je fais encore ici…

— Maintenant que j’y pense, tes potes étaient quand même au courant que tu pars avant moi ?

— Certains oui… Ils ont bien essayé de me faire comprendre que ça allait être difficile avec toi, mais je voulais juste pas les écouter.

Je fais tourner mes méninges pour essayer de lui faire voir le verre à moitié plein. Si je suis capable de me relever avec ce que j’ai enduré, il n’y a pas de raison qu’il ne parvienne pas à passer à autre chose non plus.

— Tu m’avais pas parlé d’un gars qui… suit l’histoire que t’écris ? Tu lui parles toujours ?

— Un peu moins… je me suis vite rendu compte que par rapport à du réel avec toi, il n’y a rien de comparable.

— Ouais je peux comprendre ! Mais si jamais tu trouvais un moyen de le rencontrer… qui sait ?

— Oui, peut-être une fois que je serai revenu… parce qu’il habite aussi en région parisienne.

— Et ton livre avance bien ? demandé-je.

— Ça va ! Je suis assez content ! Il y a de plus en plus de gens qui s’y intéressent, c’est trop cool.

— Et tu vas le publier ? Je veux dire comme un vrai livre, en papier.

— Oh, je sais pas… je pense pas. Je fais ça pour mon plaisir ; j’ai jamais réfléchi à vouloir gagner de l’argent comme ça. De toute façon, pas sûr que les histoires d’amour à l’eau de rose entre mecs intéressent assez de monde.

— Ok, tu t’y connais mieux que moi ! Et... faut vraiment qu’on fasse une dernière soirée avec Andreas et les filles avant que tu partes. Je m’occupe d’organiser ça !

***

Après avoir fait un crochet chez Andreas, je passe prendre une collation et rassemble mes affaires pour l’entraînement d’athlétisme de ce soir. Que les débiles qui voudraient se moquer de moi ne se privent pas, je m’en ficherai comme de mon dernier plan ! Je vais leur montrer la définition de ce qu’est un véritable guerrier.

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