Chapitre 27
Écrit en écoutant notamment : Jr. Stit - Am I Wrong x Levels [House]
— Et donc, quel est le programme maintenant ? demandé-je.
— Je te propose de faire comme s’il s’agissait de notre premier date. D’ailleurs, ça risque pas de changer grand-chose à notre discussion, dit-il en riant.
Il me reconduit à la porte et me demande d’attendre deux minutes pour vraiment se mettre dans l’ambiance. Et si c’était juste un moyen de me foutre dehors ? Non, quand même pas…
Lorsque j’estime avoir attendu assez longtemps, je frappe trois coups secs à la porte et entends immédiatement ses pas pressés se rapprocher. Il m’ouvre prudemment et pose un regard intense sur moi, comme s’il me voyait réellement pour la première fois. C’en est presque déstabilisant.
— Euh… enchanté… je suis honoré de te rencontrer ! me lancé-je pour jouer le jeu.
Je m’approche pour lui serrer la main, mais remarque en levant la tête qu’il se retient difficilement de rire. D’habitude, j’ai plutôt tendance à impressionner les mecs ; que peut-il trouver de si drôle ?
— Désolé… C’est le décalage entre ton attitude et le langage que t’utilises, c’est juste incroyable !
— Homme qui rit à moitié dans son lit, j’ai envie de dire.
— Bien dit ! Monsieur a-t-il fait bon voyage jusqu’à ma modeste demeure ?
— Excellent ! Ma bonne fortune m’a épargné la plèbe bruyante véhiculée par le Réseau Express Régional. Et puis entre les touristes sans gêne et les affreuses alarmes de fermeture des portes, quel tintamarre !
— Vous avez bien raison. Permettez-moi de vous débarrasser de votre manteau ‘Nike’ ; vos souliers trouveront eux leur place à côté des miens.
— Je vous remercie. Ma trotte à travers le bourg m’amène littéralement assoiffé, qu’auriez-vous à me proposer ?
— Mmh, que diriez-vous d’un gorgeon d’eau-de-vie ?
— Au grand jamais ! La gnôle ne sied pas au respectable athlète que je suis… Un simple verre d’eau fera l’affaire.
— Très bien !
Je m’assois sur son canapé et l’observe sortir des verres. Il est tout aussi bandant habillé que nu ! Son jean noir ajusté fait ressortir ses formes les plus attirantes et on devine la courbure de son dos à travers son t-shirt. Je pourrais me délecter de ce spectacle pendant des heures sans me lasser...
Il se retourne brusquement avec un sourire :
— Tiens donc, aurais-je affaire à un inverti qui se rince l’œil dans mon dos ? J'ai comme l'impression que vous fantasmez d’enfoncer ma croupe de votre impatiente virilité.
— Bah ouais, tu te rends pas compte du cul que t’as ! C’est une torture de savoir ce que tu caches sans pouvoir y toucher. Tu me manipules !
— Oh, quel vocabulaire de pourceau !
— Tu vas vraiment faire toute la soirée en mode dix-neuvième siècle ?
— Non non, t’inquiète ! Mais ça m’a bien fait marrer.
Nous buvons notre verre en échangeant quelques banalités qui me dépriment quant à mon manque d’inspiration pour relancer une conversation intéressante. À ma décharge, je n'ai que très peu de vrais dates à mon compteur et les derniers doivent remonter à l’époque où je n’avais pas encore compris que les relations stables ne m’intéressaient pas. Comme Enzo sent bien que je n’ai pas grand-chose à rajouter, il va chercher son ordi et s’installe à mes côtés.
— Alors on a la fin de Liverpool – Real si tu veux, il y a encore un peu de suspens… sinon si tu connais quelque chose à voir sur Netflix, n’hésite pas.
— Allez, va pour le foot, faut que je me tienne un minimum au courant.
Nous nous retrouvons donc sur son canapé, avec un coussin pour séparer nos cuisses. Malgré moi, mon regard se pose plus volontiers sur lui que sur les coéquipiers de Modric ou de Salah, et les commentaires me traversent les oreilles sans que j’y prête attention. Je n’entends d’ailleurs pas le coup de sifflet final et suis presque surpris lorsqu’Enzo claque son ordinateur.
Il se permet de m’effleurer les fesses lorsque je me relève, mais m’interdit de l’imiter d'un subtil signe de l'index. Il n’y a qu’à accepter…
***
Simplement vêtu d'un boxer, Je me glisse à ses côtés dans le lit en espérant enfin un rapprochement. Je crois que j'ai suffisamment joué le jeu ! Malheureusement, il veille à ce que nous conservions quelques dizaines de centimètres d’écart, comme deux potes hétéros forcés de partager leur couche. Tout en fixant le plafond, je lance :
— C’était marrant comme soirée.
— Elle n’est pas forcément finie, si ?
— T’as pas l’air super motivé… mais tu m'avais prévenu, alors je fais avec.
— C’était comment, ta première fois ?
Ok, la question qui sort de nulle part !
— Euh… rien de transcendant. Un gars rencontré sur une appli à dix-sept ans ; je voulais juste me prouver que j'en étais capable, pareil pour lui d'ailleurs. Et toi ?
— Moi à seize, avec mon mec de l’époque. On avait attendu presque trois mois, mais je ne regrette absolument pas ! Les derniers temps, je me demande si je devrais pas me remettre en couple... Mais en même temps, j'aurais peur de ne pas assez profiter de ma jeunesse. C’est vraiment pas évident…
— Moi j’ai choisi, je peux te le dire ! Sinon, t’as toujours l’option d’un couple libre, mais ça semble être un équilibre difficile à maintenir.
— Ouais éventuellement... Et sinon, comment se passe l’athlétisme ? Tu fais de la compétition à haut niveau, c’est ça ?
— Ça peut aller. J’ai eu un passage à creux mais je suis de nouveau à fond sur mes objectifs. J'ai un bon pressentiment pour mon meeting du week-end prochain.
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