Chapitre 31
Écrit en écoutant notamment : Phaxe – Yeke Yeke [Trance]
Je préfère m’installer dans mon lit avec une série. Après quelques recherches, je lance un documentaire Netflix récent, qui raconte apparemment la vie d'un célèbre marathonien kenyan. Rien de tel que de regarder les autres courir après une journée intense comme celle-ci !
***
Je fais une pause au milieu du film et déverrouille machinalement mon téléphone. Encore deux messages d’Enzo… il ne va pas me lâcher. J'avais plus ou moins accepté son invitation tout à l’heure, donc il faudrait au moins prendre la peine de répondre. Je rédige et efface successivement plusieurs messages ; il faut dire que ça reste embarassant de décliner seulement un quart d'heure avant.
Je commence en même temps à avoir faim, mais tombe presque en dépression devant la pauvreté de ce qu’il me reste dans mes placards et le frigo. La supérette du coin est ouverte jusqu’à vingt et une heures, mais j’ai tellement la flemme de m’y traîner… et encore plus de me préparer quelque chose de correct.
Dans un soupir, je me résigne à envoyer une réponse positive à Enzo. Il a l’air d’avoir prévu un bon repas, alors autant en profiter. Par contre, il ne faudra pas tarder à mettre les choses au clair. J’hésite un moment à me changer, mais décide de garder mon jogging et mon sweat : tant pis s’il n’est pas satisfait !
J’arrive une vingtaine de minutes plus tard chez lui. Une odeur particulièrement agréable atteint mes narines, sans que je puisse deviner précisément ce qui est en train de mijoter dans sa cuisine. Allez, j’ai bien fait de venir.
— Eh ben, j’ai presque cru que tu m’avais oublié ! dit-il en riant.
— Non, je te rassure, j’avais juste quelques trucs à faire.
— Parfait, on peut mettre la table, alors ! J’imagine que tu ne bois toujours pas d’alcool ?
— Ah non, vraiment, je peux pas.
— Je vais te suivre alors. Et puis je joue aux échecs demain, alors ce n’est pas plus mal. Ce seront les championnats d’Ile-de-France, pas loin d’ici. Si tu veux découvrir, c’est le moment !
— Euh ouais, peut-être… Mais faut que je te dise quelque chose… C’était sympa de venir au stade cet après-midi, mais je ne vois pas trop notre relation comme ça, tu comprends !
Il baisse subitement les yeux, déçu, comme s’il réalisait que ses envies n’avaient aucune chance d’aboutir. J’ai presque de la peine pour lui, mais avec moi, il ne peut pas dire qu’il n’était pas prévenu…
— Bah ouais, je suis con ! s’écrie-t-il. De toute façon, toi t’es là que pour baiser, tu penses à rien d’autre ! Mieux se connaître, non, jamais ! Je demande pas qu’on soit le petit couple parfait, non plus !
— Eh, pas besoin de s’énerver, c’est pas de ta faute.
— Il faudra quand même que tu m’expliques pourquoi t’as accepté de rester dormir chez moi l’autre fois… ajoute-t-il d’un ton plus apaisé.
— Je pouvais bien faire quelques concessions.
Il hausse les sourcils et retourne vers sa cuisine. Dans quelle soirée de galère est-ce que je me suis fourré ? Il revient quelques instants plus tard avec un sous-plat et une casserolle, qu’il laisse lourdement tomber sur la table. Visiblement énervé, il me dévisage d’un air mauvais et me sert avec la « délicatesse » habituellement réservée aux employés du restaurant universitaire. Assez excitant, ce petit air contrarié.
D’ailleurs, son risotto semble très appétissant... Il se laisse tomber sur sa chaise et pose ses deux coudes sur le rebord de la table.
— Et donc, tu veux quoi ce soir ? Il faut que je trouve un troisième gars, au cas où tu te serais déjà lassé de moi ?
— Euh… tu veux que je m’occupe de deux mecs ? Déjà pour un, je me sens limite un peu fatigué.
— Ah ouais ? Et pourquoi t’es venu alors ?
Il hoche la tête plusieurs fois en me jaugeant, puis sort son téléphone et ouvre son appli de rencontre.
— Allez, ch’est parti ! lance-t-il la bouche pleine. Je te laisse faire la conversation, mais dans une heure, je veux avoir un chibre entre les mains.
— Trop facile… lâché-je en acceptant de fait le défi. Fais-moi voir tes nouvelles photos… Ah oui, ça sera pas compliqué, je confirme. Très bon ton risotto, d’ailleurs !
— Merci…
— Je vais même me resservir pour prendre quelques forces, si tu veux bien. Est-ce que je peux modifier ton profil ? On aura que des mecs actifs, sinon.
— Bah c’est très bien aussi ! Tu sais que le fait de me baiser t’empêche pas d’avoir un cul d’enfer ! Le nombre de gars qui se régaleraient en te passant dessus... T’as déjà essayé de te faire prendre, au moins ?
— Ouais, une ou deux fois ! Mais faut vraiment, alors vraiment que je trouve le mec qui me donne envie.
— Tu sais, j’aimerais beaucoup regarder ça…
Quand je pense qu’il y a une heure, j’étais encore allongé tranquillement… C'est incroyable de voir comment quelques évocations de la sorte suffisent à me mettre sur les rails. Mon sexe forme déjà une bosse très visible qu’Enzo ne devrait pas tarder à remarquer, et je suis à deux doigts d’accepter sa proposition. Étonnamment, la perspective de mettre mon corps à disposition d’un inconnu, sous ses yeux, me paraît tout d’un coup très attrayante. Par contre, il faudra que je le prenne en retour, histoire de montrer qui reste le patron de cette affaire ! Si Stéphane savait comment je m’apprête à « fêter raisonnablement ma victoire » ...
— Bon, si l’occasion se présente, ce n’est pas impossible, dis-je.
***
— J’en ai deux qui pourraient correspondre à tes envies.
— Mes envies ? T’es tout aussi excité que moi ! dit-il en riant.
— Du coup, le brun avec ses jolis boucles, 1m75 et 60 kilos, ou alors le franco-brésilien, un peu plus musclé ?
— Euh… remontre… Franchement, ils ont chacun leur petit style, comme tu veux !
— Dans ce cas, c’est parti pour la séance de capoeira. Je vais juste avoir besoin de ta salle de bain pour me faire propre. Si déjà je me porte volontaire pour me faire ramoner l’intérieur, autant que ça se passe sans accroc.
— Pas de souci ! Et donc, on lui dit de venir tout de suite ?
— Ouais, vas-y !
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