Chapitre 4

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Theos se redressa et passa la main dans ses cheveux. Il avait passé une nuit agréable, après avoir bu et mangé autant qu’il le souhaitait. Il se sentait prêt même s’il n’était pas au mieux de sa forme. Il n’avait aucune raison d’échouer à cette deuxième épreuve. Celle-ci testait leur agilité d’esprit et leur courage. Ils devraient montrer les capacités de leur corps et de leur esprit, leur façon de comprendre et d’aborder les choses, mais aussi leur soumission inconditionnelle.

Il ne restait plus que cinquante Prétendants. Edaïs souriait près de lui, fier d’avoir passé la première épreuve.

-T’as vu, je suis pas si mauvais.

-Tu avais toutes tes chances pour la première épreuve, mais celle là va être plus compliquée pour toi, répondit calmement Theos.

-Je sais. Je suis pas aussi intelligent que toi et j’aime pas me battre. Je voulais simplement réussir la première épreuve. J’ai atteint mon but alors je te laisse la place.

Theos hocha la tête, rassemblant ses idées. L’épreuve de la veille l’avait fatigué. Ses muscles étaient encore un peu endoloris mais il s’était entrainé dans de pires conditions. Il devrait y arriver.

-Allez Theos, soit pas si tendu, elle est sympas cette épreuve !

-Tu ne prends peut être pas les choses au sérieux, mais moi si, répondit Theos en fronçant les sourcils.

Edaïs eut un petit rire, habitué au caractère de son ami, et se tut pour écouter le Grand Maitre qui venait d’arriver. Ils étaient à l’orée de la grande forêt où aurait lieu la deuxième épreuve. Cette forêt transperçait le temple telle une longue épine, et rare étaient ceux à l’avoir explorée en entier. De nombreuses légendes y étaient nées, et personnes ne savaient si elles étaient vraies ou non.

-Bravo à tous les Prétendants qui ont passé la première épreuve, commença le Grand Maitre en les dévisagent tour à tour, mesurant la motivation et la peur dans leurs yeux. Vous y avez montré votre courage et votre volonté. Aujourd’hui, l’épreuve sera bien différente. Chacun de vous recevra une énigme, qu’il devra résoudre. Le faire vous permettra de passer aux différents tests qui composeront cette épreuve. Vous avez jusqu’au coucher du soleil pour finir l’épreuve. Que Nah’Skaar vous garde.

Les Grands Prêtres passèrent alors dans les rangs, et distribuèrent à chaque prétendant un petit parchemin. Theos récupéra le sien, et remercia la Grande Prêtresse aux cheveux noirs qui lui tendait avec un sourire.

Tous les Ygdriens étaient noirs de peau, et leurs cheveux étaient plus sombres que l’ébène. Theos était si différent, avec sa peau blanche et ses cheveux blonds. Il se savait à part, mais il ne s’était jamais senti rejeté. Le peuple d’Ygdrae ne jugeait ni par le genre, ni par la couleur de peau, mais uniquement par les actes, les efforts et le mérite. Contrairement aux Wat’s, qui vénérait un Dieu à la peau noire d’ébène. S’il était né chez eux, il aurait été tué dès la naissance, car ils considéraient que porter une couleur différente était un affront à leur Dieu.

Il s’était souvent demandé pourquoi il était différent, mais il n’avait jamais voulu changer. Il se souvenait bien de sa discussion avec Nah’Skaar, lorsqu’il lui avait demandé s’il aimait la couleur de sa peau. Il l’avait d’abord effleuré de ses tentacules, il l’avait fait frémir, puis il avait répondu.

-Je l’aime beaucoup, Theos. Mais nous les Dieux, pensons différemment. Je ne te vois pas comme toi tu te vois, ou comme les autres te voient. Ton apparence extérieure est futile, comparée à la lumière qui s’échappe de ton âme.

Theos secoua la tête et porta les yeux sur le parchemin qu’il tenait entre les mains. Autour de lui, des exclamations d’incompréhension retentissaient, attisant sa curiosité. Quelle était donc cette énigme ? Il déroula le parchemin, impatient, et se figea.

Il était vide, plus vierge qu’une feuille venant à peine d’éclore. Absolument rien n’y était inscrit. Il releva les yeux, épia Edaïs qui le regardait lui aussi avec incompréhension et lui montra son parchemin, vierge également.

Theos sourit. Une énigme ardue, mais il s’attendait à ce que les épreuves soient difficiles.

Il effleura le parchemin de ses doigts, concentré. La matière était rugueuse, légèrement cartonnée, et humide à certains endroits… Theos fronça les sourcils. Humide ?

Il continua son investigation. Le parchemin n’avait pas d’odeur particulière… Le goût alors ?

Il le porta à ses lèvres, sous les yeux intrigués d’Edaïs. Sa langue effleura la surface rugueuse, dévala le parchemin, et s’arrêta sur les parties plus humides. Theos écarquilla les yeux. Un gout légèrement amer, et très salé. Comme une algue du Lac Perdu, qui se trouvait caché au milieu de la forêt.

Une algue qui servait à faire une encre très spéciale, qui ne se dévoilait que lorsqu’on la plongeait dans l’eau de ce lac !

Sans réfléchir une seconde de plus, Theos s’élança. Il ne devait pas être le seul à avoir réussi à résoudre l’énigme. Mais trouver le Lac Perdu serait une tâche ardue. A cet instant, il bénissait sa curiosité enfantine qui l’avait poussé à explorer chaque recoin du temple et de la forêt.

En fouillant dans ses souvenirs, il retrouverait le chemin vers le lac ! Il n’hésita pas, courant sur le chemin de sable, sautant au dessus des racines, se frayant un passage entre les branches basses, mettant sans hésiter tout son corps en action. Combien de fois avait il couru dans cette forêt ? Combien de fois était il tombé sur le chemin à peine tracé ? Avant de se relever et de continuer sa course folle ? Il ne s’en souvenait pas. Mais son corps était devenu agile et fort, habitué à cet exercice. Il était musclé et élancé, taillé pour la course.

Soudain, un sifflement retentit à quelques mètres de lui, suivit par un cri, qui le fit sursauter. L’écart qu’il fit lui permit d’éviter la flèche de peinture qui fonçait droit sur lui et qui alla finalement échouer contre un arbre, comme un fruit pourri s’écraserait sur le sol. Theos serra la mâchoire. Courir en cherchant le Lac était possible. Mais courir en évitant des flèches qui venaient de derrière lui était vraiment difficile. Il fronça les sourcils, scrutant les fourrées, les arbres… Pourrait-il se débarrasser de celui qui le visait ?

Non. Cette épreuve testait leur soumission autant que les autres. Il devait accepter les tests comme ils étaient, ne pas déroger à la règle. Il se retourna, tous sens aux aguets, pour entendre le moindre sifflement de flèches, le moindre pas derrière lui. Le vent glissait dans les branches des arbres, les faisant frémir, craquer.

Il ferma les yeux. Il connaissait cette forêt. Là, à quelques mètres de lui, un immense boulot, suivit de plusieurs petits érables, à gauche un petit buisson sous lequel se trouvait un trou de renard, et à droite de longues fougères sauvages. Il devait absolument être dans la bonne direction.

Il souffla. Il entendait les battements effrénés de son coeur, sa respiration, son sang taper dans ses carotides, soufflant dans ses veines un courage nouveau. Concentres-toi. Un craquement retentit, quelques mètres derrière lui.

Il se baissa d’un coup, évitant une flèche sifflant au dessus de sa tête, et s’élança à nouveau.

Le temps que l’archer mettrait à encocher une nouvelle flèche lui offrirait quelques secondes de répit. Il devait prendre de l’avance, et tenter de le semer tant qu'il le pouvait. Le vent filait dans ses cheveux, fouettant son visage alors qu’il poussait sur ses jambes, mobilisant tous ses muscles, sautant pour s’accrocher aux branches basses des arbres et utiliser cet élan pour bondir plusieurs mètres plus loin. Une flèche siffla près de son oreille, l’effleurant. Mais pas assez pour que le sac de peinture accroché au bout n’éclate.

Il se mit à zigzaguer, imprévisible, aussi vif qu’il en était capable, pour troubler l’archer. Il ne l’aurait pas ! Il en était hors de question.

Concentré sur les flèches qui pouvaient arriver à tout moment, il faillit ne pas remarquer l’éclat bleu entre les arbres, et l’écoulement délicat de l’eau. Il n’était plus très loin ! Il bifurqua, avant de changer brusquement de direction, évitant une nouvelle flèche de justesse. Son poursuivant était doué, et sa précision redoutable. Theos ne tenait sa victoire que d’un cheveux, et celui-ci pouvait se casser à tout moment.

Il accéléra encore, bondissant comme un chevreuil, esquiva une autre flèche visant son côté, et sauta à travers un mur de feuilles. Il tomba à plat ventre, le nez dans l’herbe.

A deux mètres de lui se trouvait le Lac Perdu. Il roula sur lui même pour éviter une nouvelle flèche, se relevant d’un bond puissant et agile. Il franchit la distance qui le séparait de l’eau claire et y plongea le parchemin, guettant le moindre bruit derrière lui.

L’encre apparut, d’un vert brillant.

Il n’eut pas le temps de lire l’énigme car une voix retentit derrière lui, le faisant sursauter à nouveau.

-Bravo, tu as trouvé le lac et esquivé mes flèches

Theos s’était retourné d’un bond. Un soldat le dévisageait, le regard amusé, il dévala son corps du regard et se lécha les lèvres. Theos frissonna.

Les yeux du grand soldat se plissèrent et il posa les mains sur ses hanches, mettant les muscles saillant de son torse en valeur. Son corps était puissant et fort, et il était à peine essoufflé par la course, contrairement à lui. Les Soldats Ygdrien ne portaient pas la tunique de voiles classique d’Ygdrae, mais une combinaison légère et souple, de tissu résistant. Courir dans le bois devait avoir été bien plus facile pour ce soldat entrainé, que pour le Prétendant qu’il était.

-Il est temps pour toi de passer à la suite de l’épreuve. Je m’appelle Calhan et avant de pouvoir résoudre cette énigme, tu dois d’abord me battre.

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