,Avertissement: Psychatanalyse 4 peut être lu indépendamment de Psychatanalyse 1, 2 et 3, mais pour mieux faire connaissance avec Sirius, Daisy, Bob et aussi Déclan, je vous propose de lire le début du premier chapitre de Psychatanalyse 1, intitulé "Sacrée famille", peu importe que ce soit avant ou après avoir lu le chapitre ci dessous.

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Le soir de son dernier anniversaire Daisy avait invité quelques amis, dont deux qui sont aussi ses confrères. Le premier est psychanalyste, tout comme elle, et s'intéresse beaucoup au chamanisme. Le deuxième est psychiatre et, lorsque la situation l'exige, Daisy le recommande à ses patients, mais je reviendrai sur ce point un peu plus tard. D'habitude les anniversaires de Daisy sont un vrai régal, et c'est le cas de le dire, non seulement parce que Bob est un grand chef patissier, mais aussi parce qu'il aime beaucoup cuisiner. D'ailleurs, à chacune des fêtes d'anniversaire, Déclan et moi avons toujours le droit de déguster un plat préparé par Bob, au lieu de nous contenter de nos croquettes et pâtées habituelles. Mais cette fois-ci la soirée avait dégénérée, à cause d'une dispute entre Daisy et ses confrères, à tel point que Déclan et moi nous étions réfugiés à l'étage, tellement nous avions eu peur des éclats de voix du psychiatre, qui avait un peu trop abusé de la Guiness*, et que Bob avait oublié de servir la part de délice de saumon, qu'il avait réservé pour nous deux. Malgré tout j'étais resté fidèle à mes habitudes, et bien que je m'étais éloigné du groupe de discussion, je n'ai pas manqué une miette de la conversation. Cependant je me dois d'être honnête avec vous, car je n'ai pas compris tous les termes que ces messieurs utilisaient pour parler du cas de Luis et de Maya, les deux patients de Daisy, qui seront les principaux protagonistes de ce récit, mais je ferai de mon mieux pour vous exposer les faits.

Luis et Maya sont deux trapézistes de renommée internationale, mais en l'espace de quelques mois ils ont été dans l'obligation d'annuler plusieurs contrats, à cause du comportement de Luis, qui prétendait qu'une voix lui demandait de ne pas attraper les mains de Maya, lorsqu'ils présentaient leur effet final du trapèze brisé. Ce final les avait conduit au succès, car les spectateurs avaient l'illusion que les cordes du trapèze se dénouaient à une allure vertigineuse, au moment clé où Maya s'élançait dans le vide, et que Luis voltigeait à son tour pour la rattrapper de justesse. Luis et Maya avaient visionné l'une de leur vidéo à Daisy, pour qu'elle comprenne mieux l'ampleur du problème, et j'avoue que j'étais fasciné par autant de beauté. Les symptômes de Luis s'étaient aggravés au fil des jours, et deux mois avant sa première séance avec Daisy, il avait été incapable de prendre son envol, et il avait hurlé en regardant le sol, parce qu'il voyait une trapéziste au visage ensanglanté et au corps désarticulé, à la place de sa partenaire. Il lui arrivait aussi d'appeler Maya par un prénom différent du sien, et de faire d'affreux cauchemards. En outre il refusait de communiquer avec son père, alors qu'il avait toujours été proche de lui, et il avait développé une telle phobie de l'avion, que le couple avait renoncé à retourner en Argentine, leur pays d'origine. Luis et Maya avaient choisi de s'installer temporairement à proximité de Birmingham, lieu de leur dernière représentation, et ils avaient pris rendez-vous avec Daisy, pour qu'elle les aide à prendre un nouveau départ, car à ce moment précis il était hors de question que Luis prenne le risque de remonter sur un trapèze.

En principe les psychanalystes ne sont pas habilités à établir un diagnostic, aussi Daisy avait confié Luis aux mains de son confrère et ami psychiatre, qui pensait sans toutefois en être sûr, que leur patient était en train de développer des troubles schizophréniques, et il lui avait prescrit un traitement médicamenteux. Mais au bout de quelques mois Luis avait grossi de plus de dix kilos, et s'il n'avait plus d'hallucinations auditives, il restait prostré sur lui même à longueur de journée, il devenait agressif, et il n'avait plus goût à rien. Maya faisait tout son possible pour l'aider, mais il continuait à l'appeler par un autre prénom, et quelquefois il ne semblait même plus la reconnaître. Daisy était furieuse contre son confrère, qu'elle rendait responsable de l'aggravation de l'état de santé de Luis, et la conversation s'était envenimée le soir de son anniversaire. Je dois vous avouer que le plus jeune frère de Daisy avait été diagnostiqué schizophrène, lorsqu'il était adolescent, et que ce diagnostic s'était avéré totalement erroné. Et si le jeune homme avait tout de même recouvré la santé, Daisy montait sur ses grands chevaux, dès lors qu'on lui parlait de schizophrénie. Elle s'était fait traiter d'inconsciente par le psychiatre, un comble pour une psychanalyste, parce qu'elle proposait de faire un travail de psychogénéalogie avec Luis, voir même d'utiliser l'hypnose dite éricksonienne. Le psychanalyste qui s'intéresse aussi au chamanisme avait donné sa version des faits, et il avait perdu toute crédibilité auprès du psychiatre, qui haussait de plus en plus le ton de sa voix. Fort heureusement Bob a eu l'excellente idée de servir sa spécialité, un merveilleux gâteau irlandais chocolat caramel whisky, et tout est rentré dans l'ordre.

Contre toute attente Daisy est une véritable entêtée, mais il faut bien reconnaître que ses patients l'apprécient beaucoup, parce qu'elle est capable d'aller jusqu'au bout de ses idées, et lorsque l'une de ses fameuses intuitions pointe le bout de son nez, elle déploie une formidable énergie pour trouver les preuves, qui lui permettront de valider ses théories. J'ai été à très bonne école avec elle, et dans le chapitre suivant vous constaterez que ma propre intuition a aussi joué un rôle important dans la résolution du problème de Luis. Car Daisy avait bel et bien l'intention d'envisager un travail de psychogénéalogie, tant avec Luis qu'avec Maya, mais elle avait oublié de tenir compte d'un tout petit détail. Je vous avais promis de vous faire le récit d'une histoire d'amour qui se termine bien, et je vais tenir parole, mais pour l'instant j'ai besoin de me dégourdir un peu les pattes et de rendre visite à ma chère petite Marquise**.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

* Bière irlandaise

** Voir Psychâtanalyse 3