Le médaillon d'émeraude, partie 2

5 minutes de lecture

Lorsque je suis arrivé chez Daisy et Bob pour la première fois j'avais peur de tout: peur lorsque Daisy se mettait en colère, et croyez moi cela lui arrivait très souvent, peur de l'aspirateur, peur des orages, peur de la sonnerie du téléphone, et même peur des souris. Pour couronner le tout je me laissais toujours marcher sur les pattes par les chats du quartier. Et lorsque tout allait de guingois et que je me sentais malheureux, je me réfugiais sur l'une des étagères de la bibliothèque du bureau de Daisy, ce lieu sacro saint où elle a l'habitude de recevoir ses patients. Je me blotissais derrière une rangée de gros livres, et je me sentais totalement en sécurité. Plus tard, lorsque j'ai commencé à grandir, je n'avais pas suffisamment de place pour m'installer à mon aise, et je faisais systématiquement tomber les piles de livres. J'avais beau changer d'étagère, rien n'y faisait, je ne pouvais plus me mettre à l'abri. Et puis un jour j'ai entendu Daisy dire à l'un de ses patients que les peurs sont des prédictions réalisantes, et j'ai arrêté d'avoir peur d'un seul coup, car il était hors de question que je serve de dessert aux souris, ou que je me fasse courser par le gang des frères Siam. J'ai décidé de marcher la tête haute et de m'installer sur le canapé ou le fauteuil, mais j'avais passé tellement de temps à inspecter toutes les étagères de la bibliothèque, que je connais l'emplacement des livres de Daisy par coeur. Ce petit détail aura son importance dans le dénouement de l'histoire de Luis et Maya, mais avant d'aller plus avant je vais partager avec vous les idées clés de Daisy.

Daisy a une façon très particulière d'aborder les problèmes de ses patients. Elle commence par les faire parler de choses et d'autres, de la pluie et du beau temps, de ce qu'ils aiment ou n'aiment pas manger, de leurs acteurs ou actrices préférés... Bien entendu les patients sont très surpris, parce qu'ils s'attendent à ce qu'elle leur demande de parler de leur père ou de leur mère, ou bien qu'elle aborde directement le problème. Mais le moment que j'aime par dessus tout, c'est lorsqu'elle prétend qu'elle va passer aux choses sérieuses, et qu'elle leur demande de penser à une bonne fée et d'imaginer que la bonne fée va réaliser trois de leurs souhaits, trois et seulement trois. En principe ils sursautent, un peu comme s'il sortait d'un long sommeil. Elle leur demande ensuite de prendre le temps et de bien réfléchir, et de lui faire part de leurs souhaits, sauf si ces souhaits sont top secret. Eh bien figurez-vous que la plupart du temps ses patients ne savent pas du tout ce dont ils ont envie. Vous avez bien lu, ils sont incapables de décider de leurs propres choix. Et, selon moi, c'est tout à fait normal, parce qu'ils ont tellement souffert qu'ils ont peur de croire qu'ils ont droit à leur petite part de bonheur. Et ils sont tout aussi incrédules lorsque Daisy leur explique que ce n'est pas parce qu'il leur arrive des malheurs qu'ils ne vont pas bien, mais plutôt parce qu'ils ne vont pas bien qu'il leur arrive des malheurs. Vous conviendrez avec moi que cette idée est aussi dur à avaler qu'une souris de laboratoire. Pourtant elle réussit toujours à convaincre les plus sceptiques que rien, absolument rien, n'est suceptible de se réaliser sans avoir été imaginé auparavant. Et elle lance tout un processus pour aider ses patients à découvrir ce dont ils ont envie au plus profond d'eux mêmes.

Mais pour Luis et Maya les choses étaient totalement différentes, tout simplement parce qu'ils savaient déjà qu'ils souhaitaient présenter à nouveau leur numéro de trapézistes, que c'était leur voeu le plus cher. Bien entendu, Luis était incapable de croire que les choses pouvaient s'améliorer, et au cours de ses premières séances il était même désagréable avec Daisy. Mais lorsqu'elle lui a demandé de parler de ses grands parents son visage s'est éclairé. Il était intarissable, et se souvenait avec délice des moments agréables passés avec son grand père, lorsqu'il était enfant. Il avait même les larmes aux yeux en évoquant ce fameux jour où il l'avait accompagné au cirque pour la première fois. C'était ce même grand père qui l'avait défendu contre son père, lorsque celui ci l'avait menacé de le chasser de la maison, s'il continuait à fréquenter Maya, et à s'attacher à cette stupide idée de devenir trapéziste. Les gens du cirque étaient plutôt malvenus dans cette famille où l'argent était roi, mais Luis n'en avait fait qu'à sa tête. Et un beau jour son père avait fini par lui avouer qu'il avait été éconduit par une jeune fille, dont il était éperdument amoureux, parce que les parents de la demoiselle le trouvait trop quelconque pour leur fille. Cette jeune fille était promise à une belle carrière de danseuse, tout comme l'avait été Maya, qui s'était fâchée avec sa mère, parce qu'elle avait refusé de suivre la voie qu'elle lui avait tracée. Maya avait à peine dix sept ans, lorsque le père de Luis avait accepté de la rencontrer pour la première fois, l'âge de la jeune fille qu'il avait aimé autrefois. Certes il savait que sa futur belle fille avait été danseuse, mais il ignorait encore qu'elle lui rappellerai autant son amour de jeunesse, et qu'elle était sans domicile, mais une fois le premier effet de surprise passé, il lui avait ouvert la porte de sa grande maison, et il l'avait choyée comme si elle avait été sa propre fille. Ensuite le père et le fils étaient devenus les meilleurs amis du monde, car en rencontrant Maya, Luis avait répondu à la demande inconsciente de son père, qui n'avait jamais réussi à renoncer à celle qu'il avait tant aimée. Il s'était entièrement consacré à sa carrière d'avocat, il avait rencontré la mère de Luis et avait souhaité oublier la belle danseuse, tout en caressant l'espoir de la retrouver un jour. Mais peu après la naissance de son fils, il avait appris que la jeune femme faisait partie des victimes d'un crash aérien. Il avait eu le coeur brisé, une deuxième fois, tout comme son grand père avant lui...

Et c'est à ce moment précis qu'intervient l'histoire de l'arrière grand mère de Maya et le terrible secret de famille que le père de Luis avait caché à son fils.

FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE

Annotations

Vous aimez lire Irène Martinelli ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0