Elizabeth

Je suis tellement choquée que je reste aussi immobile qu’une statue, les yeux rivés sur le nouvel enseignant. C’est inimaginable pour moi que le mystérieux inconnu du club soit le nouveau professeur de physique et d’astronomie.

Il faut que Cassidy me donne un coup de coude pour que je sorte de ma léthargie. Je remarque alors les murmures qui traversent l’amphithéâtre pendant que le professeur sort ses feuilles.

- Je sais que le nouvel enseignant est canon mais je ne pensais pas que tu allais complètement craquer pour lui, murmure mon amie en riant.

- Ce n’est pas ça… C’est juste que… Laisse tomber.

Je ne préfère pas m’enfoncer plus longtemps dans cette histoire très malaisante. Lorsque l’agitation des étudiants est passée, je n’ai pas d’autre choix que de serrer mon stylo entre mes doigts et reporter mon attention sur le professeur.

Il se poste debout devant son bureau et nous détaille un à un avec un air de défis. Je remarque qu’il porte des lunettes carrées qui lui donne un air sérieux ainsi qu’une chemise blanche dont le col est parfaitement droit. Je note également que son pull bleu marine laisse entrevoir une musculature développée.

Lorsque son regard se pose sur moi, je cesse de respirer. Le professeur ne montre aucune réaction mais j’ai l’impression que notre échange visuel dure une éternité. Quand il rompt enfin notre échange, il se décide à prendre la parole :

- Bonjour à tous et à toutes, je suis le professeur Timothy Grayson. C’est la première année que je travaille en tant qu’enseignant puisqu’avant cela j’étais chercheur. Mes recherches ont été reconnu par le doyen de l’université qui m’a proposé ce nouveau poste.

Sa voix est grave mais sans aucune chaleur. J’ai beaucoup de mal à reconnaitre l’homme avec qui j’ai partagé un slow ce week-end. Je préfère me convaincre qu’il ne m’a pas reconnu et je me tourne vers Cassidy.

- Je ne me sens pas à l’aise dans ce cours, je chuchote.

- Mais tu ne peux pas changer car c’est un cours obligatoire, m’explique-t-elle. Les quatre groupes de TD sont dirigés par Grayson donc tu n’as pas le choix.

- En tant qu’étudiant de Cambridge, j’attends de vous un comportement irréprochable, insiste-t-il en haussant le ton.

Son regard se porte sur nous lorsqu’il prononce cette phrase. Ses yeux glacials me forcent à m’enfoncer dans mon siège et à regarder ma feuille. Visiblement rien ne lui échappe et il n’apprécie pas qu’on parle pendant son cours.

Le professeur inscrit le titre du premier chapitre au tableau que je m’empresse de noter. Il commence à nous expliquer en quoi consiste son cours mais je prends mécaniquement des notes sans vraiment enregistrer ses paroles. Tout le monde l’écoute et il n’a pas besoin de parler dans le micro pour se faire entendre.

A un certain moment, il s’arrête de parler. Je lève enfin la tête vers lui pour comprendre ce qui se passe.

- Si mon cours ne vous intéresse pas mademoiselle, je ne vous force pas à rester, s’exclame Grayson d’une voix tranchante.

Je me retourne vers Cassidy qui range son téléphone dans son sac. C’est la première fois que je la vois aussi gênée de se faire prendre. Mais il faut dire que tous les regards de l’amphithéâtre sont tournés vers elle. D’habitude, les professeurs ne font pas attention à ce genre de détails insignifiants.

- Pardon professeur, bafouille mon amie en reportant son attention sur ses notes.

- J’attends de vous un meilleur comportement la prochaine fois, single-t-il avant de saisir une craie pour écrire sur le tableau noir.

Non mais j’hallucine c’est quoi ce professeur ? Je ne peux m’empêcher d’être en colère contre lui. Je sais que Cassidy ne supporte pas d’être humiliée en cours et pour cause mon amie garde le nez dans ses notes.

Monsieur Grayson semble de mauvaise humeur et inscrit à toute allure des formules ainsi que des calculs au tableau. Il nous laisse à peine quelques minutes de répit pour noter tous les chiffres qui recouvrent la surface noire.

En relisant rapidement mes annotations, je constate qu’il y a une erreur de calcul. Mon cerveau de surdoué est un véritable ordinateur quand il s’agit de calculer. Le professeur aurait pu éviter cette erreur s’il avait pris plus de temps pour écrire.

Je n’aime pas parler en cours mais je vois dans cette erreur une manière de rendre la pareille à notre cher professeur. Je prends mon courage à deux mains puis je lève la main. Il faut dire que personne n’a osé poser une question depuis le début du cours. Le professeur se tourne et me fait signe de parler.

- Avec tout le respect que je vous dois professeur, vous avez fait une erreur de calcul à la quatorzième ligne de la seconde opération, je proclame d’une voix claire et miraculeusement assurée.

Certains élèves chuchotent entre eux tandis que le professeur Grayson continue de me regarder sans ciller. Il semble bouillir de rage mais il fait preuve d’un self control déconcertant. Cet homme est né avec un visage de statue ou quoi ? Impossible de lire la moindre émotion sur son visage.

Grayson se retourne vers le tableau puis modifie son calcul sans prononcer un mot. Cassidy me donne un coup de coude pour que je vois son pouce en l’air ainsi que son sourire qui a repris place sur son beau visage.

- Vous viendrez me voir dans mon bureau après le cours, finit par dire le professeur en se tournant vers moi.

Quoi ? Les étudiants me regardent sans comprendre ce que j’ai bien pu faire de mal. J’avoue que cette annonce me scotche sur place et je ne sais pas quoi répondre. Heureusement pour moi, le professeur reprend son cours.

Impossible de me concentrer sur ce que dit Grayson même si cela est intéressant. C’est trop en une seule après-midi. D’abord je découvre que le mystérieux homme sexy du club est mon nouvel enseignant. Ensuite, je fais rebelote en découvrant que dans le milieu professionnel c’est un tyran. Pour finir, je touche le joker en me retrouvant dans son bureau le jour de la rentrée. Franchement, c’est avec amertume que je me félicite car je pense qu’il n’y a pas beaucoup de personnes qui parviennent à un combo pareil.

Lorsque le professeur annonce la fin du cours c’est comme une délivrance. J’ai l’impression d’avoir passé vingt-quatre heures enfermées dans cette pièce aussi grande soit-elle. Les étudiants s’empressent de quitter l’amphithéâtre tandis que je prends tout mon temps.

Le professeur quitte la pièce sans un regard en arrière alors que Cassidy enfourne avec force ma trousse dans le sac avant de me faire signe de la suivre. Une fois arrivé dehors, je respire l’air frais à grandes inspirations.

- Je peux savoir pourquoi Grayson s’est acharné sur nous comme ça ? demande mon amie irritée.

Je reste silencieuse mais je n’ai pas le temps de réfléchir à une réponse.

- Arrête de me regarder avec des yeux de merlan frit et dis-moi la vérité, s’exclame-t-elle vraisemblablement en colère. Je l’ai vu te jeter quelques coups d’œil pendant que tu avais le nez plongé dans tes notes au début du cours.

Cassidy est trop intelligente, je ne peux pas avoir de secrets pour elle. Je ne sais pas pourquoi le professeur m’observait en cachette mais je n’ai pas le temps d’émettre des hypothèses.

- J’ai juste… dansé avec lui au club samedi soir, j’explique à voix basse. Comment aurais-je pu savoir que c’était notre nouveau professeur ? Les chances étaient tellement minces.

- Merci pour ta franchise mais honnêtement ce n’est pas un drame, temporise mon amie.

- Si ça avait été plus loin ça aurait été une véritable catastrophe ! je m’écris.

Mon amie m’intime de me calmer puis me prend dans ses bras. Cela m’apaise un peu pour ma encontre en tête à tête avec Grayson.

- Je dois y aller, je te tiens au courant, je soupire en m’écartant d’elle. Il faut que je passe à la bibliothèque ensuite donc ne m’attend pas.

Cassidy me souhaite bon courage puis quitte le jardin de l’université. Je serre les lanières de mon sac à dos puis je me dirige dans le bâtiment de science. Je grimpe jusqu’au dernier étage où se trouve le bureau des enseignants.

Je regarde la liste des professeurs pour trouver le bureau que je cherche. Une fois la chose faite, je marche lentement jusqu’à la porte. Le nom et prénom de l'enseignant sont gravé sur une plaque en or dans une élégante police. J’inspire un bon coup puis je me décide enfin à frapper.