Chapitre 6 - Marché conclu
Elizabeth
La journée du mardi s’est déroulée très vite. Je n’ai eu qu’un seul cours de deux heures et j’ai passé l’après midi à travailler. J’ai préféré prendre de l’avance sur mon option science de l’ingénieur car j’ai un dossier à rendre à la fin du semestre. J’ai réussi à choisir mon sujet d’analyse pour le projet et je suis plutôt contente.
Aujourd’hui, j’ai demandé à Cassidy de venir plus tôt avant notre cours de huit heures. Elle n’était pas très enchantée mais la curiosité l’a emporté sur son sommeil. A cette heure-ci, les cafés sont fermés donc j’ai pris deux boissons au distributeur du bâtiment de sciences. Mon amie arrive peu de temps après et je lui tends son gobelet.
- Tu as intérêt à tout balancer petite cachotière, s’exclame-t-elle enthousiaste. J’espère que je ne vais pas regretter d’être sortie du lit en avance.
J’aimerais bien qu’elle regrette mais ce que j’ai à dire est trop inédit pour ça.
- Le professeur Grayson ne m’a pas engueulée, je commence doucement.
- Sérieux ? Pourtant on aurait dit qu’il allait t’envoyer dans les flammes de l’Enfer pour le reste de ta vie tant il était en colère, me coupe Cassidy.
- Il était bien en colère mais il a surtout remarqué mon intelligence et il m’a proposé un poste d’assistante pour ses recherches.
Cassidy stoppe tous mouvements puis se tourne vers moi les yeux écarquillés.
- C’est une blague ? s’écrit-elle. Je ne pensais pas que les professeurs de cette université étaient du genre à offrir ce genre d’opportunité à des étudiants de licences. Ce n’est même jamais arrivé dans l’histoire de cette université !
- Je ne sais pas si dois accepter, je me confie en baissant les yeux au sol.
- Bien sûr que tu dois accepter ! Une information pareille sur ton CV peut te faire gagner pas mal de points lors d’un entretien d’embauche. Une opportunité comme celle-là ne se représentera pas.
Cassidy n’a peut-être pas tort sur ce point. Etant donné que je ne bénéficie pas de piston pour me trouver un travail après mes études, j’ai intérêt à prendre toutes les bonnes cartes qui passent sous mon nez.
- J’irais voir Grayson à la fin des cours pour lui donner ma réponse, je conclu.
- Je suis très contente pour toi ! s’exclame mon amie en se jetant dans mes bras. Peu importe que Grayson soit grincheux et sévère, je suis sûre que tu arriveras à le supporter.
Une fois que nous avons terminé notre café, nous rejoignons notre salle de classe. Le professeur vient juste d’arriver pour ouvrir la porte aux étudiants.
- J’aurais préféré prendre un autre horaire, grommelle Cassidy.
- Les autres créneaux ne concordaient pas avec notre emploi du temps, je lui fais remarquer.
Nous nous asseyons au milieu de la salle mais j’ai l’impression d’être trop près du professeur. Il faut vraiment que j’arrête d’être mal à l’aise lorsque je suis dans la même pièce que lui sinon ça va être difficile de travailler ensemble. Je lisse ma robe puis je sors mon bloc de feuilles vierges. Bien sûr, aucune mouche ne vole dans la pièce. Les étudiants ont compris de quel bois se chauffe le professeur Grayson. De plus, mon spectacle de la dernière fois avait pour résultat une convocation dans le bureau a dû dissuader les derniers récalcitrants.
L’enseignant se présente avec la même posture imposante que lundi. Il porte une chemise avec une cravate sans pull et cela met encore plus en valeur sa musculature. Ses éternelles lunettes sont encore perchées sur son nez tandis qu’il sort son cours de sa mallette en cuir. Je n’avais pas remarqué cela la dernière fois mais il exhibe à son poignet une montre de marque qui doit coûter une fortune. Il n’y a pas à dire, le professeur Grayson a beaucoup de classe et de goût.
- Bonjour à tous, commence-t-il avec le même voix grave qui ne transporte aucune émotion. Durant nos cours de TD, nous nous concentrerons sur les calculs et les formules vu pendant le cours magistral. Cette fois-ci, ce sera à vous de vous entrainer. Je ne vous cache pas que nos séances vont être intenses mais au moins vous serez prêts pour les examens.
Après sa longue tirade, le professeur ne perd pas de temps et commence à écrire trois calculs. J’ai déjà appris les formules par cœur et il ne me reste plus qu’à les appliquer. Les opérations sont longues à poser mais mon cerveau ne connait pas la lenteur. Toutes les réponses me viennent naturellement et j’entoure les résultats finaux en rouge.
Lorsque je lève la tête, je remarque que tous les élève sont concentrés sur leur feuilles. Le professeur me lance un coup d’œil à travers ses lunettes puis reporte son attention sur son ordinateur.
Grayson claque des mains pour signifier la fin de l’exercice, provoquant ainsi un sursaut général. Une lueur amusée passe dans ses yeux puis il reprend son sérieux.
- Qui veut commencer ?
Plusieurs élèves lèvent la main et le professeur en choisit trois pour écrire les opérations au tableau. Je me suis enfoncée dans mon siège pour ne pas qu’il m’interroge contre ma volonté.
Lorsque le tableau est recouvert de chiffres, Grayson se tourne vers l’ensemble de la classe.
- Y a-t-il des remarques sur le travail de vos camarades ? questionne le professeur.
Personne ne dit rien et le professeur pivote vers moi.
- Mademoiselle Davinson, vos camarades ont-ils fait des erreurs selon vous ?
Je ne m’attendais pas à ce retournement de situation et je pique un fard. Mais, voyant que tous les regards sont tournés vers moi, je reprends vite mes esprits.
- La première opération est fausse, je déclare en posant mes yeux sur le tableau. Il y avait un piège, le calcul est faux à partir de la huitième ligne.
- Merci de nous avoir éclairés mademoiselle Davinson, conclut le professeur. Je vous invite à refaire le calcul maintenant que vous avez vu la faute.
Une fois la correction faite, Grayson nous redonne encore des opérations. Cette fois-ci, je baisse la tête pour ne pas qu’il remarque que j’ai encore fini avant les autres. J’espère qu’il va oublier ma présence car je ne supporte pas être le centre d’attention.
Je soupire de soulagement lorsque j’entends que je ne fais pas partie des personnes qui vont souffrir au tableau.
A la fin du cours, je prends le temps de ranger mes affaires. Je fais signe à Cassidy que je la rejoins pour notre prochain cours. Un groupe de trois filles viennent piailler devant le professeur en lui faisant des yeux doux. Je lève les yeux, me tenant en retrait en attendant qu’elles partent. Une fois la chose faite, le professeur se tourne vers moi.
- J’ai réfléchi et je vais accepter votre proposition, je déclare d’un ton neutre.
- Je suis content que vous répondez par l’affirmative, avoue-t-il en me décochant l’ombre d’un sourire.
Le professeur m’a offert un petit sourire mais c’est toujours ça de gagner. Visiblement, il semble soulager d’un poids. L’idée de ne pas trouver quelqu’un pour l’aider devait surement le préoccuper.
- Concernant les horaires, reprend-t-il. J’aimerais que vous veniez dans mon bureau tous les mardi, jeudi et vendredi après les cours. Si cela vous convient, vous pourrez rester deux heures avant de partir chez vous. Je n’ai pas envie de vous prendre trop de temps non plus.
Le marché est correct, cela me prendra six heures en plus par semaine. Etant donnée que je travaille assez vite, je ne vais pas crouler sous les devoirs en retard.
- Ça me va, j’accepte en hochant la tête.
- Voici un double des clés de mon bureau au cas où je ne sois pas là, explique-t-il en me les déposant dans la main. Je ne veux pas que ce job entraine des jalousies de la part des autres élèves alors je vous serai grée de vous montrer discrète.
- Bien sûr professeur Grayson.
Je me détourne en mettant les clés dans l’une des poches de mon sac à dos.
- Une dernière chose, m’arrête le professeur.
Je me retourne vers lui avec inquiétude.
- J’aimerais que vous participiez plus en classe au lieu de tout faire pour ne pas être interrogée. Faites profiter les autres de vos connaissances, cela aidera tout le monde à progresser.
- D’accord professeur, je réponds avec timidité.
Je tourne les talons pour rejoindre mon prochain cours qui se trouve à quelques couloirs de là. Je marche lentement tout en réfléchissant à ma conversation avec Grayson. Finalement, notre collaboration va peut-être bien se passer. Mais je dois quand même avouer que j’ai une petite appréhension. Le professeur est très intimidant et je ne sais pas si j’arriverais à avoir un comportement normal avec lui.
Lorsque j’arrive dans la classe, je me faufile vers Cassidy car le cours a déjà commencé. Je lui explique en chuchotant les aboutissants de mon entrevue avec l’enseignant. Elle semble moins sceptique que moi sur mon nouveau travail. Mon amie fait toujours preuve d’optimisme et cela m’aide à avancer. Lorsque je parviens à me rassurer pour demain, je peux enfin me concentrer sur le cours.
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