Chapitre 22 - L'envol
Elizabeth
Lorsque nous arrivons près du professeur, celui-ci nous salue chaleureusement. Ce voyage semble le rendre de bonne humeur et je finis par me détendre.
- Bonjour, professeur Grayson, je lance en même temps que Jason.
- Nous attendons Louis, nous sommes arrivés en avance, nous renseigne l’enseignant.
Un silence pesant s’installe entre nous jusqu’à que Jason continue de me parler de ses différents voyages en Europe. Je suis très intéressée d’avoir le point de vue d’un étudiant sur les pays européens. En revanche, je remarque que le professeur nous observe discrètement en fronçant les sourcils.
Lorsque Louis arrive enfin, Grayson s’est refermé sur lui-même. Il le salut sombrement avant de nous ordonner sévèrement d’enregistrer nos bagages. Nous suivons donc le professeur dans la zone prévu à cet effet et Jason me lance un regard désapprobateur.
- Je trouvais ça étrange que le professeur soit de si bonne humeur, chuchote-t-il pour que je sois la seule à l’entendre.
- Les bonnes choses ont toujours une fin, je réplique sur le ton de l’humour.
Jasons sourit à ma réplique avant de poser sa valise sur le tapis roulant.
- Les dames d’abord monsieur Wright, résonne la forte voix de Grayson.
Mon ami se recule puis d’un signe de la main m’indique de poser ma valise. Il ne semble pas offusquer de cette remarque, juste surpris. L’enseignant est le dernier à enregistrer sa valise puis nous indique promptement de rejoindre la zone de sécurité.
- J’espère que vous n’avez rien de compromettant dans votre sac sinon j’étripe la personne qui nous attire des ennuis, nous menace-t-il les yeux teintés d’éclairs. Les américains ne rigolent pas et le moindre détail peut nous empêcher de rejoindre les Etats-Unis.
Face à la réplique de l’enseignant, nous nous sommes tous montrés sous notre meilleur jour devant les contrôleurs. Nous avons passé le contrôle de sécurité sans problème mais la mauvaise humeur du professeur ne cesse de s’accroitre.
Nous attendons ensuite dans la zone d’embarquement sur des sièges peu confortables. Afin de ne pas donner mon exclusivité à Jason, je décide de parler également à Louis. Nous sommes les deux meilleurs élèves de la promo et pourtant je ne lui ai jamais adressé la parole.
- Est-ce que tu es déjà allé aux Etats-Unis ? je demande pour apprendre à le connaitre.
Louis semble heureux que j’entame la conversation avec lui au lieu de le laisser de côté. Il arbore un look BCBG à la française que les anglais admirent. Son visage enfantin lui donne un âge plus jeune alors qu’il a à peine un an de plus que moi. Sa carrure grande et maigre n’est pas très attirante alors que son visage est plutôt mignon.
- J’ai passé un trimestre de ma terminale dans un lycée américain, explique-t-il avec un léger accent français. Je n’ai pas trop aimé mon expérience là-bas. La nourriture est vraiment horrible pour quelqu’un qui est habitué à manger de bonnes choses. Les américains sont sympathiques mais ils s’habillent mal et mangent n’importe quoi, ce qui explique leur surpoids. Quand je suis revenu en France j’ai dû rattraper une partie du programme scolaire qui est plus lourd qu’aux Etats-Unis. A part cet aspect négatif, c’est un très joli pays.
Je suis étonnée par la franchise de Louis mais je suis heureuse qu’il ait répondu avec honnêteté. Je n’ai pas le temps de répliquer car une voix dans l’interphone annonce l’embarquement des passagers pour Washington.
- Voici vos places, dit le professeur en nous tendant nos billets.
Nous passons ensuite scanner notre bout de papier puis nous pénétrons dans le bras qui nous amène dans l’avion. Le Boeing est grand et spacieux, nous offrant un certain confort même en seconde classe. Je cherche soigneusement ma place que je trouve au milieu de l’avion. Je remarque que Jason et Louis sont assis sur la rangé gauche. Je ne pourrais pas discuter avec eux car la rangée du milieu nous sépare.
Je pose mon sac sous le siège côté hublot puis je retire mes vêtements d’hiver pour garder uniquement mon pull rose. Ensuite, je m’installe confortablement dans mon fauteuil en sortant un coussin ainsi que le livre d’Anna que je souhaite relire. J’envoie un message à ma mère puis à Cassidy pour les informer que l’avion va bientôt décoller.
Je sens une grande carrure s’asseoir près de moi alors je lève la tête de mon portable. Merde, c’est quoi ce délire !?
- Nous allons partager cet espace commun mademoiselle Davinson, m’indique Grayson en se tournant vers moi un léger sourire aux lèvres.
Je me rembrunis dans mon siège, les joues incontestablement rouges. Comment se fait-il que nos places soient aussi éloignées de celles de mes camarades ? Je suis sûre que ce n’est pas un hasard mais ce serait étrange que le professeur ait fait exprès alors qu’il était aussi froid qu’un iceberg ces dernières semaines.
Je me remémore les scènes depuis mon entrée à l’aéroport. Grayson s’est montré méprisant envers Jason et s’est immédiatement mis de mauvaise humeur lorsqu’il a compris ma complicité avec lui. Maintenant que ce dernier n’est plus là, il semble de meilleure humeur. Merde, mais à quoi joue le professeur ?
Je jette un coup d’œil discret à sa personne. Son pull gris Ralph Lauren met en avant sa musculature et des mèches de cheveux brunes retombent exceptionnellement sur son front. Il ouvre son MacBook puis chausse ses lunettes de vue.
Le professeur se retourne soudainement vers moi pour me sonder du regard. J’ai l’impression d’être un lapin pris dans les phares d’une voiture. Je me retourne les joues rouges vers la tablette tactile mise à notre disposition pour le trajet.
Je vois la main du professeur passer dans mon champ de vision et attraper le livre posé sur ma table. Quoi ? Non, je ne veux pas qu’il voit se livre. D’une part, je ne tiens pas à ce qu’il pense que je suis une romantique en herbe et le décevoir dans le choix de mes lectures personnelles. D’un autre côté, je ne veux pas qu’il fasse de rapprochement entre l’histoire d’Anna et la nôtre.
Le professeur commence à lire le résumé mais je lui prends brusquement le livre des mains. Il est très surpris par mon geste mais je me tourne vers le hublot pour ne pas être soumise à son regard. Je serre le livre contre ma poitrine puis je le range dans mon sac. Il va être impossible de le lire sans que Grayson essaye de distinguer ce qu’il y est écrit.
- Je suis désolée mais je ne vois pas pourquoi mes lectures personnelles vous intéresse, je bredouille en regardant le ciel par le hublot.
- Je ne tenais pas paraître impoli avec vous, s’excuse-t-il. Je voulais juste constater par moi-même que vous ne lisiez pas que le physique durant votre temps libre.
Je ne vois pas en quoi mes lectures personnelles peuvent intéresser un homme aussi brillant que lui. Je pense que si ça continue dans ce sens, je vais devoir en discuter avec lui car ce n’est pas un comportement qu’un enseignant doit avoir avec son élève.
- Vous avez pu le remarquer en regardant la couverture, je réplique.
- J’étais curieux de découvrir le résumé de l’histoire.
- Désolé de ne pas avoir pu assouvir votre curiosité mais je ne pense pas que ce genre d’histoire puisse vois intéresser.
Je jette un léger coup d’œil dans sa direction. Mauvaise idée, il me regarde avec intensité. Je pose mes écouteurs sur mes oreilles pour ne pas poursuivre cette conversation gênante. L’enseignant se tourne ensuite vers son ordinateur. Je crois qu’il est en train de revoir le programme de notre séjour à Washington.
La voix dans le haut-parleur nous indique que l’avion est sur le point de décoller et des hôtesses de l’air nous montre les gestes de sécurité en cas de problèmes. Je regarde avec intérêt leur mouvement puisque je découvre le voyage en avion.
J’observe par le hublot, l’avion qui commence à s’élancer plein gaz sur la piste. C’est incroyable, j’ai l’impression d’être un pilote de Formule 1. Quand le Boeing s’élève, je sens un flottement, signe que nous avons quitté la terre ferme. Je regarde peu à peu s’éloigner les bâtiments qui deviennent rapidement aussi petits que des fourmis.
Lorsque nous avons atteint notre vitesse de croisière, je ferme les yeux pour essayer de méditer et d’oublier que Grayson se trouve à côté de moi. Impossible de déconnecter mon cerveau car mon odorat s’enivre du parfum viril du professeur. Je perçois quand même sa présence et je ne peux m’empêcher de voir son visage apparaitre dans mon esprit. Je fronce les sourcils de mécontentement et je secoue la tête plusieurs fois.
- Est-ce que tout va bien mademoiselle Davinson ? demande mon voisin.
- Oui, j’ai juste un peu mal à la tête, je mens sans le regarder.
- C’est normal si c’est votre première fois dans un avion. Si vous avez encore mal, j’ai des médicaments dans le sac.
Je ne réponds rien et me concentre sur la musique. C’est partie pour huit heures de vol au côté du professeur Grayson.
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