Elizabeth

Le professeur Grayson se redresse en m’observant avec intensité. Il s’apprête à dire quelque chose mais il est coupé dans son élan :

- Excusez-moi messieurs dames, je dois fermer l’espace bien être car il est dix-sept heures.

Je reviens immédiatement à la réalité et la panique m’envahit. Je me précipite dans les vestiaires en bousculant presque l’employée au passage. Ensuite, je laisse tomber ma serviette par terre et active le jet d’eau froide pour me remettre les idées en place. Mon corps frissonne à cause des écarts de températures.

Pour une fois, je n’arrive pas à réfléchir. Mes pensées s’entremêlent et traversent mon esprit à toute vitesse. Je ferme le robinet puis je me sèche en quatrième vitesse. Après avoir enfilé les mêmes vêtements que ce matin, j’ouvre discrètement la porte. L’employée vient de fermer à clé le sauna et se tourne vers moi.

- Puis-je fermer les vestiaires ? demande-t-elle poliment.

Je hoche la tête en rejoignant le couloir. Je ne croise pas monsieur Grayson mais je préfère prendre les escaliers par précaution. Je serais incapable d’aligner trois mots en sa présence après avoir partagé un tel moment avec lui.

Je grimpe rapidement les marches pour arriver dans ma chambre. Lorsque je ferme la porte, je lâche un soupir de soulagement. Mon cœur bat rapidement et je décide de m’allonger sur mon lit pour éviter de faire un malaise par terre.

Bon sang ! J’ai l’impression que tous ce que je viens de vivre était un rêve. Comment ai-je pu me laisser dominer par mes émotions ? Je n’ai pas pu résister et ça ne me ressemble pas. Je suis toujours dans la maitrise de moi-même.

Je repasse les évènements dans ma tête pour mieux comprendre ce qui est arrivé. Monsieur Grayson est bâti comme un dieu et n’importe quelle étudiante aurait payé cher pour être à ma place. Cette image inédite a provoqué en moi une sensation nouvelle mais que j’ai parfaitement reconnu : le désir.

Pour la première fois j’ai eu envie d’aller plus loin avec un homme et c’est terrifiant car je ne peux pas contrôler ce que j’éprouve. Sans réfléchir, j’ai embrassé mon professeur d’une passion ardente. Emporter par un désir incontrôlable, je l’ai laissé faire ce qu’il voulait de moi. Je sais qu’il n’en a pas profité parce qu’il est conscient de ma virginité. En revanche, j’ai connu mon second baiser et mon premier orgasme le même jour.

Il va me prendre pour une fille facile maintenant ! Je pose mes mains sur ma tête dans l’espoir d’arrêter le flot de scénario qui s’infiltre dans mes pensées.

Le professeur a eu envie de moi et il n’a pas non plus résisté à mes assauts. D’ailleurs, je vois très bien Cassidy me dire :

- En même temps, quel homme peut dire non à une jolie femme à moitié nue dans un endroit clos ?

Et elle aurait raison de me dire cela. En repensant à nos précédentes conversations, je me rends vraiment compte de l’attirance que l’enseignant éprouve pour moi. Aucun de nous ne peut plus nier l’évidence à présent.

Toutefois, je ne sais pas comment réagir quand nous nous verrons pour le diner. Sans me torturer plus longtemps, j’appelle celle qui peut m’aider à surmonter ça.

- Que puis-je faire pour toi ma douce Lise ? questionne Cassidy d’un ton séducteur et enjouée.

- C’est partie en cacahuète avec le professeur, je soupire avec moins d’enthousiasme.

- Il t’ignore carrément cette fois ?

- Pire que ça. Nous étions seuls dans le sauna et nous nous sommes embrassés avant que je reçoive un doigt tu sais où. Je ne pensais pas que c’était possible de vivre son premier orgasme dans un endroit pareil.

Un silence me répond à l’autre bout du fil puis un rire tonitruant me vrille les oreilles.

- Bordel Lise ! Le professeur iceberg t’a donné un orgasme ! Quelle chance ! Je suis sure qu’il est super doué au lit et en bonus tu as pu admirer son corps.

- Je garde les détails pour moi, je l’informe en grommelant.

- Pas besoin d’avoir les infos, je vois parfaitement à quoi il pourrait ressembler à moitié nu, calme-t-elle avec malice. N’oublie pas de me dire s’il en a une grosse.

- Cassidy ! je m’indigne.

- Ben quoi ? demande-t-elle innocemment.

- Inutile de partir dans cette direction, je rajoute avec gêne. De toute façon, je dois me préparer psychologiquement pour le repas de ce soir.

- Fais comme si rien ne c’était passé, me conseille ma meilleure amie. Si jamais tu as peur de te trahir, ne le regarde pas et discute avec les deux autres gamins.

Ce mépris envers les jeunes de notre âge existe depuis que son copain de lycée a rompu avec elle. Désormais, elle préfère les hommes plus âgés.

- Très bien, je vais suivre tes conseils, je la remercie avant de raccrocher.

Heureusement que ma meilleure amie est là pour me soutenir. D’après ce que je vois, elle va beaucoup mieux et reprend des forces. La période où elle était dans le coma me parait si loin maintenant. J’ai vraiment cru la perdre…

Je bondis du lit lorsque mon alarme se met à sonner. Il est déjà six heure trente ? C’est vrai que j’ai passé beaucoup de temps à me prendre la tête sur mon lit et au téléphone avec ma meilleure amie.

Mon pull rose est un peu humide et semble ternis. Ça ne sert à rien de se vêtir chaudement alors que le chauffage tourne dans tout le bâtiment. Je garde mon jean puis je sors du placard une paire de basket de ville ainsi qu’un t-shirt vert à manche courte. Je me recoiffe pour ne pas avoir l’air d’un hérisson.

Je regarde les notifications banales sur mon téléphone avant de partir. Le temps est passé tellement vite : plusieurs heures se sont déjà écoulé entre toutes les péripéties de la journée. Peu avant dix-neuf heures, je prends l’ascenseur pour rejoindre le hall. Je retrouve les garçons mais l’enseignant est toujours absent. Jasons semble à nouveau en forme et vient me saluer chaleureusement.

- Bien dormi ?

- Sommeil réparateur, conclu-t-il en me lançant son plus beau sourire.

- Ça se voit puisque tu as ronflé, rajoute Louis amusé.

- Si tu continues comme ça, je te jure que c’est toi qui ne vas pas dormir de la nuit, réplique Jason sans méchanceté.

- Notre table est réservée dans le restaurant principal, intervient une voix qui fait battre mon cœur plus rapidement.

Je me tourne vers le professeur pour paraitre normale et je manque d’échapper un cri. L’enseignant a revêtu un polo gris qui met en valeur sa musculature et il semble beaucoup plus détendu que d’habitude.

Nous suivons Grayson jusqu’à une table ronde où un couple de sexagénaire est déjà installé. Il ne se serait pas trompé de table ?

- Les jeunes, je vous présente le professeur Georges Higles et sa femme Dorothy Higles, s’exclame-t-il avec enthousiasme.

- Je suis heureux de rencontrer tes meilleurs élèves Timothy, réplique l’homme en nous souriant.

Je prends place autour de la table en m’installant avec précaution loin de Grayson.

- Nous faisons partie des organiseurs de la Convention, explique Georges Higles. J’ai été pendant plusieurs années, le professeur d’astronomie de Timothy à Cambridge et je l’ai aidé pour sa thèse. Après ses études, nous sommes restés en contact et devenus de grands amis.

En effet, les deux hommes s’apprécient et je vois dans les yeux de l’enseignant de l’admiration pour monsieur Higles. Je suis contente de rencontrer une personne de son entourage car j’ai l’impression de me sentir plus proche de lui.

Après cette brève introduction, je m’éclipse avec les garçons pour me servir au buffet. Nous laissons le professeur discuter avec son ami pour partager nos opinions sur l’hôtel. De temps à autre, le professeur Higles s’intéresse à nous et nous pose des questions personnelles.

- Quel est cette blessure sur ton bras Timothy ? questionne le sexagénaire amusé. Je ne savais pas qu’il y avait des animaux de la jungle dans l’hôtel.

Je m’attarde sur le biceps du professeur mortifiée. Les manches courtes du polo se sont relevés et révèlent des marques faites par mes ongles. L’enseignant me lance un bref coup d’œil puis se retourne vers son ami en souriant.

- En effet, il faut toujours sortir protéger dans cette satanée jungle, s’amuse-t-il.

Les garçons sont assez surpris de découvrir une autre facette du professeur. Toutefois, je suis la plus chanceuse puisque j’ai découvert un monde merveilleux grâce à Timothy Grayson.

A la fin du repas, Louis interpelle le professeur qui salue le couple Higles qui est en train de s’éloigner.

- Nous aimerions nous balader dans Washington de nuit.

Le professeur fronce légèrement les sourcils avant de reprendre un ton neutre.

- Ne vous éloignez pas trop, évitez les rues désertes et soyez rentrés avant minuit, réplique-t-il clairement. Si vous avez un problème contactez moi et surtout ne vous séparez pas. Soyez à table demain à neuf heures pour le petit déjeuner et prêts à partir.

Nous sommes tous assez surpris par cette tirade protectrice mais nous ne voulons pas contrarier l’enseignant qui s’est montré ferme. Nous partons nous changer avant de rejoindre le froid glacial de la nuit.