De l'intérêt du réel
Car, à un certain degré d'abstraction, il est nécessaire, du moins pour ceux qui ne s'inquiètent pas uniquement de jouer à pratiquer leur gymnastique mentale, de trouver un sens à ce que l'on recherche. Car trouver du sens, c'est gagner du même coup un pouvoir de transitivité, de partage. Or, écrire, c'est partager.
C'est partager ce que l'on a conçu en pensée, ce que l'on a mûri et poli avec ingéniosité.
La pensée est l'organisation consciente de notre rapport au monde, notamment grâce au langage.
Or, les premiers contours de ce monde sont façonnés par notre expérience sensible du réel, à travers l'ensemble de nos perceptions. Toutefois, l'appareil-monde qui sert de chambre à nos existences comprend d'étroites limites. Tout ce qui échappe à notre perception directe n'en est pas nécessairement moins réel, et tout ce que nous percevons ne reflète pas nécessairement une appréhension efficace du réel, au sens où ces perceptions-là peuvent engendrer des interactions inabouties entre l'être et le réel. La pensée vient compenser cet écart, faisant le pont entre l'appareil-monde et le réel, en rendant intelligible, et donc indirectement perceptible, ce qui échappait à notre expérience sensible primaire.
Or, nous postulons que s'il existe autant d'appareils-monde que d'agents-percepteurs, le réel est un. C'est cela même qui permet de partager une pensée, et de se rassembler autour d'elle - à partir du moment où les langages cessent provisoirement de dysfonctionner - là où les appareils-monde, eux, s'éloignent. Par conséquent, celui qui se soucie du réel au-delà de son appareil-monde a vocation à se rapprocher d'autrui. Ce rapprochement provient d'un accord. Et l'accord... c'est l'harmonie naissante, la musique-monde.
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