IX
Les deux fugitives progressaient plus rapidement que ne l'aurait espéré Astal, mais malheureusement, elles étaient loin d'être discrètes. Élentir, bien que semblant totalement absente, envoyait valser tout ennemi s'approchant trop à l'aide de violente vague de magie. Quiconque s'approchait des deux femmes avec une intention hostile se retrouvait assommé par la violence du choc. Astal ne savait plus vraiment comment sortir de là. La discrétion, elles pouvaient oublier, avec la traînée d'homme qu'elles laissaient dans leur sillage, si elles se dirigeaient vers une sortie officielle, un grand comité d'accueil les y attendrait, prêt à les recevoir et surement capable de résister au pouvoir d'Élentir. Alors qu'elle menait Élentir au hasard des couloirs, ne sachant quelle décision prendre, une voix connue les apostropha :
— Dame Astal, cheffe !!! Attendez !!!
Gwindor déboucha d'un couloir tout essoufflé. L'air inquiet du jeune médecin s'aggrava quand il aperçut Élentir. Son attitude changea aussitôt, passant de son attitude timide à l'attitude plus autoritaire du médecin.
— J'ai entendu une rumeur, heureusement que je suis venu, déclara-t-il avec assurance. Élentir, tout va bien ?
Élentir bien qu'elle se soit arrêtée, ne semblait toujours pas être en mesure de répondre. Gwindor remarqua très vite qu'elle n'avait aucune blessure et que le sang qui la couvrait était celui du pauvre scribe.
— Elle est dans cet état depuis que... Lómelindi est...
La maîtresse d'arme ne sut finir sa phrase.
— C'est bon, j'ai compris.
Il saisit les épaules de son amie fermement et ordonna d'une voix claire :
— Élentir, pose maitre Lómelindi à terre immédiatement. Il faut que je vérifie son état.
Devant dame Astal surprise, la jeune femme s'exécuta d'un geste mécanique, mais avec une grande douceur. Le jeune médecin n'eut besoin que de quelques secondes pour poser son sombre diagnostique. Il ferma juste avec respect les hommes du pauvre homme avant de se relever :
— Je suis désolé, il n'y a plus rien à faire.
Élentir se baissa pour récupérer le corps, mais la main ferme du médecin l'arrêta :
— Non, déclara-t-il avec douceur, mais fermeté. Nous ne pourrons pas nous enfuir si on l'emmène. Je sais que c'est douloureux, mais il l'aurait voulu. Partons !
Durant un instant, la jeune femme ne bougea pas, son regard éteint posait sur le corps de son père. Cependant, elle ne résista pas quand Gwindor l'entraina au loin.
Tandis que son corps se faisait entrainer au loin par ses compagnons, l'esprit d'Élentir s'était réfugiée dans son palais intérieur. Elle avait retrouvé une apparence enfantine, elle ne semblait pas avoir plus de quatre ans. Elle était prostrée dans sa couche faîte de dizaine tissue précieux tel un nid, le souffle saccadé, pleurant toutes les larmes de son petit corps.
Un souffle chaud et apaisant lui fit redresser la tête légèrement. Les rideaux qui la séparaient du reste de la grotte avaient été repoussés et les doux yeux dorés d'un dragon étaient posés sur elle, la regardant avec beaucoup de compassion et de tristesse.
— Que se passe-t-il, mon enfant ? Pourquoi me rends-tu visite aussi accablée ?
La douce voix du dragon a apaisé la fillette, dont les larmes se tarir légèrement. La petite Élentir se redressa et avec lenteur s'approcha du dragon. Elle se blottit contre son long coup, ne craignant pas l'immense animal dont la tête était plus grande que son petit corps. Ce contacte rassurant lui permit d'articuler difficilement quelques mots :
— Mon papa... Et ma maman... Ils m'ont encore laissée seule... J'ai perdu mon papa... Et c'est ma faute... Si...
La fin de la phrase fut étouffée par un nouveau spasme de larme, rapidement calmé par une caresse mentale du dragon :
— Chut mon enfant, Sèche tes larmes. Le fait que tu sois autant chérit et aimer est un véritable don des treize. Accepte que ceux qui t'aiment te protègent.
— Mais moi, je ne veux pas ! Cria soudainement Élentir. Je ne veux pas qu'ils meurent pour me protéger !
— Si tu ne l'acceptes pas, alors relève-toi et deviens plus forte pour que protéger à ton tour ceux qui t'aiment.
La colère laissa la place au doute. La petite Élentir avait séché ses larmes et si la douleur de la perte et la grande culpabilité qu'elle ressentait n'était pas encore partie, le dragon avait su la calmer.
Elle semblait maintenant être légèrement plus vieille.
— Tu crois que j'en suis capable ?
Elle eut le droit à une nouvelle caresse mentale.
— Je suis sûr que tu en es capable. Et, je suis sûr que tu le sais. Lómelindi et Hylde ont eu aussi foi en tes capacités, en te protégeant une dernière fois.
— Tu vas m'aider à devenir plus forte ?
Élentir paraissait à présent avoir dix ans et elle avait retrouvé un air déterminé.
— Je ne peux pas vraiment t'aider de là où je suis. Mais, il faut que tu viennes me retrouver. Physiquement. Je sais bien que ce ne sera pas facile, qu'il y aura beaucoup d'embuches, mais il faut que tu viennes me rejoindre. Tu seras celle grâce à qui l'alliance entre humain et dragon renaîtra.
— Comment je saurai que je dois me rendre chez toi, alors que je vais encore oublier notre conversation ?
Le ton de la jeune femme dont l'apparence était revenue à la normale était légèrement accusateur.
— Tu auras l'instinct de venir nous trouver, il fit un sourire de dragon. Tu es devenue encore plus malicieuse. Tu sais bien que j'aimerais tant que tu puisses te souvenir de ta jeunesse.
— C'est vrai que j'ai hâte de tous vous retrouver. Ivris doit savoir bien voler maintenant.
— Tu nous manques à tous.
Élentir se blottit de nouveau dans le coup du dragon.
— Tu ne vas pas me laisser toi, hein ? Tu es le dernier que je puisse considérer comme un père.
— Je serais toujours à tes côtés, ma petite dragonne. Toutefois, il est temps pour toi de me quitter. Tes amis ont besoin de toi.
Le souffle chaud du dragon réchauffa une dernière fois la jeune femme et elle reprit conscience.
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