XI

18 minutes de lecture

 L'après-midi était bien avancé quand Dune revint avec des papiers prouvant que Gwindor était bien un médecin itinérant reconnu. Elle mena ensuite les trois compagnons à une charrette et les aida à mettre Élentir sous le faux plancher. La cache était facilement accessible tout en étant parfaitement dissimulée. Dune leur avait même mis suffisamment de réserve pour trois jours de voyage. Astal ne sut comment remercier la femme. Ces réserves qu'on leur donnait auraient pu être très utiles aux gens des quais, surtout en ces temps troublés :

— Nous vous sommes vraiment reconnaissants, je vous assure que si vous avez besoin d'aide, moi ou un de nos compagnons viendra si vous nous appelez. Si vous avez besoin, chercher Astal de Lamvole.

— Je ne fais pas seulement ça pour vous, répliqua fièrement Dune. Je sais que vous allez œuvrer pour libérer la capitale. Et, quoi qu'en pense mon petit frère. Notre situation risque fort d'empirer. J'espère vraiment que vous puissiez réussir contre l'empire.

 Dame Astal hocha la tête, souriant amicalement, même dans ces temps sombre, de belle rencontre pouvait avoir lieu. Elle se jura de ne jamais oublier le repaire de petit voleur et leur protecteur Salvin ainsi que Dune. Mais, pour l'heure, il était grand temps pour eux de partir.

 Gwindor tenait les rênes de la vielle jument qui tirait vaillamment la charrette et Astal marchait à côté d'un pas rapide et ferme. Bien qu'elle ne fût guère habituée aux longues marches, elle avait su entretenir son endurance avec ses durs entrainements. Elle pouvait tout de même ressentir la fatigue de ces deux semaines de privation dans les cellules du palais. Ils avancèrent le plus longtemps que le soleil déclinant le leur permirent, il leur fallait mettre de la distance entre eux et Prémil.

 Malheureusement, si la bretteuse avait de l'endurance, son manque d'expérience en tant que mercenaire ne lui permit pas de repérer la troupe de soldats ennemis suffisamment tôt pour les esquiver. Sous le soleil couchant, une troupe de soldat s'approchait d'eux d'un bon pas. Elle ne fut cependant pas inquiétée en les apercevant, elle prévint le médecin qui hocha la tête ne faisant pas changer le rythme et le trajet. Quand la troupe les rattrapa enfin, Gwindor obéit immédiatement et arrêta la carriole.

— Déclinez votre identité, déclara le chef avec un très fort accent.

 Cet homme avait plus répété cette phrase qu'il avait apprise par cœur plus qu'il ne la comprenait. Il ne comprit donc pas quand Gwindor répondit qu'il était un simple médecin itinérant en lui montra son insigne. Cependant, il avait des ordres.

— Descendez, aboya-t-il.

 Astal commençait à trouver les choses louches, cela ne ressemblait pas à un contrôle d'identité, puisque le zhikerhote semblait totalement les ignorer. Alors quand Gwindor descendit du chariot, elle lui fit signe de faire attention. Si les zhikerhotes n'avaient visiblement pas eu de vraies formations en langue draconienne, ce n'était pas réciproque et les deux chevaucheurs comprenaient parfaitement le zhikerhote. Ils purent parfaitement entendre la discussion :

— Toi montes et trouves la cachette. Elle devrait s'ouvrir derrière le conducteur.

 Les deux compagnons réagirent aussitôt sans se concerter. Gwindor sortit un poignard habilement dissimulé qu'il plantât d'un geste fluide dans la carotide du soldat le plus proche. S'il n'était pas vraiment doué au corps-à-corps, il avait l'avantage de connaître parfaitement le corps humain. Il eut du mal à retirer son arme de sa victime et trébucha en évitant le coup d'un autre soldat.

 De son côté, Dame Astal avait choisi de s'attaquer à l'homme qui s'apprêtait à monter dans la charrette. Ce dernier n'eut aucune chance, bien qu'il l'ait vu arriver, il ne réussit pas à esquiver le coup fatal. La maitresse d'arme se plaça ensuite entre les ennemis et la charrette.

— Descendez-les-moi, aboya de nouveau le chef zhikerhote. Ce n'est qu'une femme et un gosse !

— Tu ne devrais pas sous-estimer les femmes de ce royaume, miaula Astal prête au combat. Cela risque de te perdre.

 Sans un mot de plus, elle passa à l'attaque. Elle contre six soldats zhikerhotes. Étrangement, Astal était celle qui menait le combat.

 De son côté, Gwindor n'avait qu'un adversaire. Pourtant, il avait du mal. Il avait bien réussi à se remettre debout, mais il avait rapidement perdu son poignard. Son sabre étant resté dans la charrette, il était totalement démuni. Son adversaire semblait s'amuser de la situation. Au lieu de mettre un terme au combat, il le faisait durer. Ce n'était pas forcément pour déplaire au jeune médecin qui tenait à la vie. L'esprit de ce dernier tourné à toute allure. Ce n'est que quand il attrapa le bras de l'homme pour l'empêcher de le toucher qu'il eût une idée. Dans un combat de force ou d'endurance, il n'avait aucune chance. Mais, avec sur son terrain, il était le meilleur. Le poignet de son adversaire toujours en main, il se concentra et chuchota quelques mots et la poigne ennemie s'ouvrit, laissant échapper son arme.

— Que m'as-tu fait, s'exclama en zhikerhote l'homme tout pâle.

 Une horrible douleur venait de la saisir au niveau de poignet et il ne pouvait plus bouger les doigts.

— Mon pouvoir sert normalement pour réparer le corps, répondit doucement Gwindor dans un zhikerhote presque sans faute, mais avec un lourd accent. Cependant, je m'en suis servi pour couper tes tendons du poignet. Approche-toi et je te ferais bien pire.

 Il y avait une grande partie de bluff dans ces paroles. Il n'avait jamais usé de ses capacités sous une si grande pression. Il ne savait pas s'il pouvait refaire appel à se pouvoir. En plus, le fait de s'en servir pour faire du mal et non soigner, changeait l'approche même du sort, ce qui pouvait le rendre inutilisable. Toutefois, son ennemi l'ignorait et la grande douleur que lui avait provoquée le frêle jeune homme le fit hésiter une seconde de trop. Le coup que lui asséna le médecin était certes dénué de pouvoir, mais suffisamment précis pour l'assommer.

 Gwindor se tourna alors vers sa camarade. Astal avait déjà éliminé quatre de ses adversaires sans prendre de graves blessures. Le jeune homme hésita à la rejoindre, elle semblait parfaitement s'en sortir toute seule. Et, il n'eut pas tort rapidement, il ne resta plus que le chef qui ne mit pas très longtemps à vouloir fuir. C'était sans compter sur Astal qui lança un poignard qui coupa les tendons du cheval du fuyard. En instant, la femme le rattrapa.

— Comment vous nous avez retrouvés ? demanda Astal en zhikerhote.

 L'homme la regarda, ne cachant pas vraiment son mépris.

— Très bien, laisse-moi deviner, un chevaucheur plutôt grand et rustre du nom de Dayan est venue nous dénoncer.

 Le tic qui parcourut le visage du zhikerhote donna la réponse.

— Qui est au courant, demanda alors la bretteuse.

— Tu crois que je vais répondre à une sale dragonniste ! Une femme combattante ne peut être qu'une barbare, un monstre !

— Du calme, je n'ai pas le temps d'entendre toutes les insultes que tu peux débiter. Tu es le seul au courant ?

 Alors qu'il allait recommencer à hurler, Astal l'assomma. Elle se tourna vers Gwindor. Son regard plein de volonté fit frissonner le jeune homme. La femme devant lui habiller avec des vêtements usés seulement prévus pour optimiser les capacités combative, couverte du sang de ses ennemis et dont le regard ne montrait aucune pitié, aucun regret, ne ressemblait en rien à la dame Astal, maitresse d'arme qu'il connaissait.

— Sais-tu entrer dans la tête des gens ? Demanda alors la femme sèchement.

— Euh, oui, mais... répondit-il avec hésitation.

 Rentrer dans l'esprit des gens, était une technique qu'il avait apprise pour venir en aide à des personnes possédant de lourd traumatisme. Il avait des patients, surtout ceux venant de zone côtière qui ne pouvait plus vivre normalement avec certain de leur souvenir. Si peu de médecin ne s'était intéressé à la médecine de l'âme dans le royaume, avec l'aide de prêtre de Médys ou de Nuxys_ la conscience de la nuit étant également celle à qui l'on s'adressait pour connaître les profondeurs de l'esprit et de l'âme _ et de bien d'autre spécialiste, Gwindor s'était formé lui-même à l'art de soigner l'esprit et c'est à cette occasion qu'il a appris à se plonger dans l'esprit d'autre personne. Quelques autres personnes s'étaient par ailleurs formées à l'art de pénétrer l'esprit humain dans la garde princière, mais il était le seul à l'avoir fait pour des raisons médicales. Jamais, il ne se serait imaginé de se servir de ces dons de médecin ainsi.

— Fais-le ! Insista la guerrière d'un ton sans appel.

— Doucement, protesta Gwindor. Qu'est-ce que cela nous apporterait de savoir si oui ou non quelqu'un autre et aux courants. Que d'autre soit au courant ou non, cela ne change rien ! Il faut que l'on change de déguisement.

— Nous n'avons pas le temps pour ça. Si d'autre sont au courant, on sortira des routes avec tous les risques que cela comprend. Sinon, on suit le plan.

— Et quand ils vont se réveiller ? Ils vont sans aucun doute prévenir les autres.

— Il vaut sûrement mieux pour eux qu'ils aient prévenu quelqu'un.

 Au regard froid de la femme, Gwindor comprit le sous-entendu. Malgré la chaleur de la journée, Gwindor eut soudain froid.

— Je suis un médecin. Je peux encore concevoir que nos ennemis meurent en combat. Mais, achever un homme inconscient, je refuse.

— Écoute-moi, coupa sèchement la femme. Cela ne me fait pas plus plaisir qu'à toi. Mais, nous devons nous donner toutes les chances pour s'en sortir et gagner du temps. S'il est trop tard, que notre couverture est grillée, il faudra s'adapter. Mais, passer par les plaines en sortant de la route serait dangereux et nous ferait perdre un temps précieux. Si ce n'est pas le cas, garder notre couverture, nous fera gagner un temps précieux.

— Mais pas à condition d'enlever une vie.

 Il était rare que le jeune homme parle avec autant de fermeté alors qu'il n'était plus dans son rôle de médecin. Le regard de la femme se radoucit légèrement.

— Peux-tu au moins modifier leur mémoire ? concéda-t-elle.

 Elle ne pensait toujours pas que c'était une bonne idée de laisser des soldats ennemi vivant, qu'ils soient au sol ou non. Pourtant, il n'était pas l'heure d'avoir des dissensions dans le groupe. Si le médecin était en effet capable de leur retirer la mémoire, le risque à les laisser en vie serait moindre.

— Je... Hésita Gwindor. En théorie, je peux le faire. Je ne sais cependant pas si j'y arriverai parfaitement. Je ne l'ai jamais fait.

 En effet, même s'il connaissait la théorie et qu'il se savait capable de le faire, même avec les patients les plus malades, il ne s'était jamais résolu à modifier les souvenir, conscient que faire cela pouvait entrainer d'autres dégâts potentiellement irréversibles.

— Dans ce cas, soit, tu modifies leur mémoire, soit ils passent par mon épée.

 Après un dernier regard vers la femme au regard froid, Gwindor hocha la tête et s'avança vers l'homme. En réalité, apprendre à rentrer dans l'esprit de quelqu'un ou à modifier sa mémoire était facile pour lui. Il avait su rapidement prendre cette magie en main. Finalement, elle n'était pas si éloignée que celle qu'il utilisait pour ausculter et soigner. C'étaient les deux versants de Médys. Il répugnait cependant de se servir d'un tel pouvoir. Un médecin ne devrait pas faire du mal. Toutefois, il ne lui restait guère de choix.

 Accroupis près de l'homme inconscient, il posa les mains sur ses tempes et marmonna quelques phrases en draconniques. Il se glissa dans la tête du zhikerhote, et ce ne fut pas agréable. Cet homme était plein de haine pour les chevaucheurs. Pour lui, ils étaient des barbares, suppôts des dragons et de leur créateur Attessus. En plus d'être des hérétiques, ils étaient un affront au Dieu créateur qui ne pourrait revenir tant que les peuples serviteur du mal existaient. Il fallait réduire à néant les chevaucheurs, le peuple de la mer, les insulaires de Féänor ainsi que les tribus de la grande forêt primitive.

 Gwindor essaya d'ignorer tout ça, et plus encore, cet homme qui méprisait les femmes, les étrangers et tout ce qui n'était pas comme lui ou qui remettait en question sa vision du monde. Il se concentra sur le passé proche. Les souvenirs bien que récent avait déjà était modifié par l'égo de cet homme. Rien que Dayan était bien plus moche et lâche qu'il ne l'était réellement. Toutefois, Gwindor fut rapidement sûr que le zhikerhote n'avait rien dit. Il avait à peine dit à ses hommes qui ils recherchaient. Bien trop heureux de pouvoir gagner en avancement en capturant cette méprisable gamine et ses acolytes. La vision qu'il avait d'Élentir révolta Gwindor qui resta cependant concentrée. Il lui fallait modifier les souvenirs. Il se servit du mépris naturel de l'homme pour les femmes et les chevaucheurs pour modifier la partie du combat. L'esprit de l'homme accepta facilement la nouvelle version.

 Alors que lui et ses hommes étaient en patrouille, ils étaient tombés sur des dragonniste, des suppôts d'Attessus possédants la magie maudite. Bien qu'il ait résisté avec bravoure, ne s'enfuyant pas, faisant face jusqu'au bout, ces lâches avaient fini par l'avoir grâce à leur pouvoir hérétique. Gwindor effaça totalement la rencontre avec Dayan la remplaçant par une soirée de beuverie. Fière de son travail minutieux, Gwindor se retira de l'esprit de cet homme, oubliant un instant la honte qu'il éprouvait pour avoir commis un tel acte.

 Il ne restait que deux hommes encore vivants et sans même un regard pour sa camarade, il se rendit à leur chevet pour leur modifier à leur tour leur mémoire. Il fut un peu rassuré de voir que ces hommes étaient meilleurs que leur chef. Bien qu'ils fussent persuadés que leur action était parfaitement juste, que leur croyance sur les chevaucheurs était avérée, ils étaient surtout juste des hommes qui chercher à vivre. Faire partie de l'expédition leur rapportait beaucoup d'argent à eux et à leurs familles. Si leur éducation faisait qu'ils ne pouvaient pas imaginer qu'une femme puisse faire les mêmes choses qu'un homme, ils avaient tous deux des femmes qu'ils respectaient et aimaient sincèrement. L'un d'eux avait même une fille qu'il chérissait plus que tout. Gwindor se sentit coupable de devoir bafouer leur intimité et modifier leur mémoire.

 Dès qu'il eut fini, il se redressa, sentant un léger vertige à cause d'un manque de magie. Mais, il ne leur fallait plus trainer. Le ciel s'était obscurci et les premières étoiles pointées. Il se tourna vers sa camarade dont le regard s'était adouci. Ils reprirent la route rapidement, lui dans sa charrette, elle a pied.

 Astal marchait de bons pas, ignorant la fatigue du combat. Elle était consciente qu'elle avait blessé le jeune Gwindor. Si elle ne regrettait en rien ses actes et ses mots, elle comprenait que le jeune homme ait besoin de temps. Elle était bien plus pragmatique que lui et n'hésiterait pas plus la prochaine fois qu'elle se trouverait face à un ennemi. Beaucoup oublié qu'elle avait était en son temps sur les champs de batailles, et que le fils de son épée avait fait tomber plus d'un pirate. Étant jeune, elle avait même rêvé d'être une chevalière, malheureusement pour rentrer dans l'ordre de chevalerie, il fallait posséder de la magie et elle faisait partie des rares chevaucheurs à ne pas pouvoir se servir d'une seule once de magie. Elle était donc devenue une soldate et avait combattu jusqu'à ce qu'on lui propose le poste de maître d'arme royal. Ce n'était donc pas de la haine et de la cruauté qui l'avait poussé à vouloir tuer un homme à terre, mais plutôt de la prévoyance. Cependant, elle comprenait que c'était une chose difficile à admettre pour quelqu'un qui avait dédié sa vie à sauver des vies. Elle le comprenait et le respectait, et c'était parce qu'elle avait confiance en ses capacités qu'elle avait épargné les zhikerhotes.

 Cela ne faisait qu'une demi-heure qu'il s'était remis en route que le jeune médecin fit soudainement une pause. Il porta son regard sur la bretteuse. Sa démarche sûre trahissait son épuisement. Un éclair de culpabilité le prit un instant. La maitresse d'arme lui rendit son regard avec toute franchise. Il retrouvait enfin la Dame Astal qu'il connaissait.

 Leur voyage dura deux jours, ils réussirent à ne pas se faire remarquer. POur réduire les soupçons des rares patrouilles qu'ils croisèrent, ils s'arrêtèrent à plusieurs reprises pour que Gwindor joue son rôle de médecin itinérant. Ce qui n'était pas pour lui déplaire, bien que ces arrêts inquiétèrent Astal qui craignait que l'on ne puisse les rattraper.

 Gwindor commençait cependant à s'inquiéter de l'état d'Élentir. Cette dernière demeura inconsciente tout au long du voyage. Même, une fois arrivé au pied d'une petite cabane au bord d'une falaise, elle ne donnait pas signe de réveil. Bien que cela n'affolait pas le médecin, Élentir n'avait jamais était si longtemps endormi lors d'une de ses crises.

 Une fois arrivés, Gwindor et Astal la déplacèrent à l'intérieur de la cabane. Dame Astal ne voyait pas de trace pour indiquer la présence des héritiers, cependant elle faisait confiance au jeune Gwindor. C'est pourquoi, elle l'aida sans rechigner à vider la carriole et à détacher la jument. Une fois, que se fut fait, Gwindor l'entraîna dans la cabane.

 Malgré son manque de force, il n'eut aucun mal à déplacer une lourde armoire, libérant un trou s'enfonçant à perte de vue dans le sol. Des barreaux en métal roulé avaient été placés à distance régulière dans le mur pour permettre la descente. Avec l'aide de Gwindor et de draps, certes vieux, mais encore solide, trouvé dans la cabane, Astal fabriqua un harnais pour attacher Élentir dans son dos. Pour plus de sécurité, elle descendrait en première, attachée par la taille à Gwindor.

 Elle n'osait pas le dire, mais le lieu lui semblait étrange. Elle n'avait jamais entendu parler d'une telle maisonnette sur les côte et pour ce trou plongeant vers l'inconnue et les barreaux en métal qu'elle descendait paraissait très ancien et fait avec minutie.

 La descente lui parut interminable. Le poids de la jeune fille qui l'a fatigué encore plus vite s'ajoutait à la fatigue et le stress du voyage. La concentration qu'elle devait avoir pour faire attention de ne pas blesser Élentir tant le tunnel était étroit. Elle finit cependant par arriver dans une caverne sombre et froide. Elle crut un instant qu'elle était seule, mais deux torches éclairèrent soudain des visages familiers.

— Dame Astal, s'exclama Élédhwen, c'est un plaisir de vous voir !

 Un peu plus mesuré, Palantir salua la maîtresse d'arme avec politesse. Cependant, un grand sourire illuminé son visage. Sourire qui se décomposa quand il découvrit qui se trouvait dans le dos de la femme. Il l'aida avec douceur et inquiétude à se défaire de son fardeau.

— Qu'est-ce qu'elle a ? Demanda anxieuse Élédhwen.

— Ne vous inquiétez pas trop, elle a fait l'une de ces crises liées à ses pouvoirs.

 Gwindor essoufflé venait de passer à son tour la trappe. Son ton calme et sûr de lui apaisa les jumeaux. Élédhwen aida Astal à installer Élentir dans une couche. Après que Gwindor ait fait un dernier, diagnostique pour rassurer tout le monde, ils allèrent s'installer au bord de la falaise, là où débouche la grotte. La vue sur l'océan était magnifique, on en oublierait les pirates qui y pullulent. Cette vue les détendit et leur permit de partager leur mésaventure à la capitale.

 Quand tout fut dit, qu'un morceau fut mangé, tous se mirent au lit, hormis Palantir qui prit le premier tour de garde. Ce n'est que quand tout le monde fut endormi qu'Élentir ouvrit enfin les yeux. Elle se redressa doucement, étrangement elle se sentait plus calme et comme toujours après ce genre de malaise, elle se sentait en pleine forme. Elle jeta un regard sur ses amis endormis et voyant qu'ils allaient tous bien, elle se sentit rassurée, bien qu'elle ne puisse oublier cette culpabilité qui lui nouait la gorge. Elle remonta l'échelle et rejoint Palantir dans la cabane.

 Le jeune homme était assis par terre en tailleur, son épée sur les genoux et les yeux fermés. Son esprit surveillait les alentours. Si la technique pour projeter son esprit pour surveiller les alentours était en soi une technique de base ne nécessitant pas de mot pour être utilisé, il n'en restait pas moins impressionnant de rester ainsi concentré longtemps. Le fait que Palantir puisse tenir ainsi tout son tour de garde démontré de lui qu'il avait une grande volonté et une puissance stable. Il sourit en sentant son amie sortir la tête du trou. Et, sans ouvrir les yeux, il l'accueillit :

— Bienvenue dans le monde des vivants.

 Il ne parvint pas à dissimuler son soulagement à Élentir qui s'installa à côté de lui.

— Merci, j'ai été inconsciente si longtemps ?

 Palantir sourit, les yeux toujours fermés. Élentir était encore plus impressionné de le voir continuer sa surveillance malgré leur discussion.

— Cela fait trois jours. Bien que l'on connaisse le phénomène, Gwindor commencé à être inquiet.

— Et si Gwindor est inquiet, c'est qu'il y avait des raisons, marmonna Élentir. Il faut dire que je devais également être en sacret carence magique.

— Et tu te sens comment maintenant ?

— Bien, comme toujours. Je me sens pleine d'énergie.

 Le jeune homme savait très bien que l'enthousiasme de son amie servait juste à cacher la blessure profonde qu'elle devait ressentir.

— Tant mieux, répondit-il cependant. Nous pourrons repartir demain. Et, il faudra que l'on discute.

 Élentir fit la moue. Il était rare que Palantir hausse le ton, mais elle ne pourrait pas y couper cette fois.

— J'ai hâte, maronna-t-elle. Rien de mieux de recevoir des reproches en se promenant sur une terre connue devenue ennemie. Mais, tu devrais plutôt aller te reposer comme les autres. Je vais prendre ton tour de garde. Je suis trop en forme pour pouvoir dormir.

 Un instant plus tard, Palantir ouvrit les yeux pour les plongées dans ceux d'Élentir. Cela faisait longtemps que la jeune fille s'était habitué aux yeux vairons de son ami, pourtant l'intensité de ce regard la fit frissonner.

— Tu as raison, tu sembles être pleine d'énergie, déclara-t-il en se levant. Je vais donc aller me reposer. Cependant, ne prends pas tous les tours de garde. Demain, la journée sera longue, il faudra que tu sois également reposée.

 Élentir se leva à son tour en souriant, hochant la tête, confirmant qu'elle allait suivre le conseil. Palantir la serra alors dans ses bras, transmettant son soulagement et son amitié. Élentir l'accepta avec joie. Les effusions de sentiments étaient rares chez Palantir, elle savait qu'elle avait dû beaucoup l'inquiéter et qu'elle l'inquiétait sûrement encore.

 Palantir disparut par la trappe, laissant Élentir seule avec sa culpabilité. Comme le prince un instant plus tôt, elle s'installa en tailleur sur le sol froid de la cabane. Elle maronna quelques mots qu'ils lui permirent d'élargir sa zone de sensibilité. Elle était devenue quasi omniprésente dans une zone d'un kilomètre.

 Elle utilisa le temps qui lui restait avant que l'on ne vienne la relever pour mettre de l'ordre dans son esprit. Étrangement, bien que le vide laissé par la disparition de ses parents soit toujours accompagné d'une grande tristesse et d'une profonde culpabilité, elle restait sereine en pensant à eux. Elle revit quelques instants des souvenirs heureux qu'elle avait avec ses parents. Les temps qu'elle avait passés en cuisine quand elle avait terminé ses tâches, les grandes discussions sans fin avec Lómelindi...

 Puis ses pensées se tournèrent vers l'avenir. Qu'allait-elle devenir ? Qu'allait-elle faire ? Elle ne voulait pas que le royaume tombe aux mains de l'empire. Un instant, elle avait espéré que les zhikerhotes ne soit pas le pire qu'il puisse arriver au royaume. Que peut-être, ils auraient pu apporter une réelle aide. Mais, ses faux espoirs n'avaient pas duré longtemps. Elle avait vu le méprit qu'avaient les zhikerhote pour les chevaucheurs et leur culture. Elle avait vu leur dégout devant tout ce qui rappelait la religion des chevaucheurs, leurs regards lancés aux femmes. Ils étaient là en conquérant et ils s'imposeront leur culture et leur religion à ceux qui n'auront pas le choix de se plier.

 Elle avait conscience que l'empire cherchait à mettre la main sur des secrets ancestraux et draconniques, chose qui ne devait jamais arriver. Mais, elle ne trouvait pas de raison qui les ait poussées à agir maintenant et de cette manière. Pourquoi vouloir découvrir des rituels certes puissants, mais pour la plupart oublié ? L'empire était sans aucun doute la plus grande puissance du continent. Peu de pays serait en position de résister.

 Et, d'ailleurs, si aucun autre pays n'avaient pu résister, comment on résistait à une si grande puissance ? Une résistance se créait en ce moment même. C'était dans la culture même des chevaucheurs de rechercher la liberté et de refuser l'oppression. Mais, avaient-ils une chance ? Pouvaient-ils seulement gagner ?

 Et, surtout, quel serait son rôle à elle ? Elle ne souhaitait pas faire partie des dirigeantes de cette résistance, être à la tête d'un groupe de vingt était largement suffisant. Mais, elle savait qu'elle ne supporterait pas être aux ordres d'autre personne. Elle était devenue chevalière en partie pour la liberté inhérente à ce titre. Une chose dont elle avait pourtant l'infime conviction, c'était que sa mission serait d'aller au nord, à la rencontre des dragons. Elle ne savait d'où venait cette soudaine certitude, mais il était temps recontacté les dragons.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Alexianehb ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0