XVI
La route ne serait pas des plus faciles, le désert ne pardonnait aucune erreur. L’automne tirait sur sa fin et les nuit devenait glacial même si les journées gardaient encore une chaleur agréable. Le désert était le lieu où rien ne semblait suivre une logique. Même en hiver, alors que les plaines étaient recouvertes d'une lourde couche de neige, le désert gardait une chaleur presque insoutenable. Ce n’était pas la première fois pour Narmacile et Élentir, elles avaient par plusieurs reprises traversées le désert. Et, si aucune d’elles ne pouvait se targuer d’être des expertes, elles restaient confiantes malgré les dangers. Élentir se sentait même sereine. Elle avait appris à apprécier le calme du désert en compagnie des nomades durant son apprentissage.
Palantir et Gwindor étaient moins rassurés. Pour les deux leur seule connaissance venait des livres et des récits de leur compagnon. Et, rien de tout ce que l'on y racontait était rassurant, les zones abandonnées de Stelasys bien plus fréquentes et imprévisibles, les tempêtes et le temps inconstant, ou encore les créatures plus féroces qu'ailleurs. Rien qui donnait envie de le traverser, surtout quand l'on savait que même des personnes très expérimentées n'en revenait jamais...
Dael restait calme, comme à son habitude. Il ne savait que peu de chose sur le désert et ne s’y était rendu qu’une fois, pourtant il faisait confiance en ses camarades qui semblaient sûres d’elles. Parfois, l'ignorance est une bénédiction.
Le voyage avait été bien préparé et pensé, et l'itinéraire était réfléchi pour être le plus sûr. Cette sûreté s'était faite sans aucun doute au sacrifice de l'efficacité et ils devaient faire de nombreux détours. Détours qui leur permettaient de faire le plus d’étape par des villes oasis, mais qui leur ferait perdre deux ou trois jours par rapport au trajet le plus court. L'équilibre de ce voyage était précaire, ils devaient arriver le plus rapidement possible aux montagnes aux risques de ne pouvoir les traverser, mais il leur fallait également éviter les dangers de la nature sauvage.
La première partie de leur voyage dans le désert se déroula heureusement mieux qu'ils ne l'avaient espéré. Ils ne rencontrèrent que de rare créature hostile, le temps fut plutôt clément pour la saison. Ils purent avancer rapidement et atteindre la première ville au bout de seulement trois jours.
Dans cette cité régnait une atmosphère étrangement sereine et joyeuse. Ils furent accueillis très généreusement. Ils n’eurent pas le temps de se présenter que déjà, on s'occupait de leur monture et on les trainait au bain public dont l’eau qui venait directement de l’oasis avait, disait-on, de grande vertu. Les bains étant mixe, les compagnons pour faire ensemble connaissance avec leurs hôtes.
Élentir remarqua rapidement un détail qu'elle n'avait jusqu'alors pas remarquer. Contrairement aux gens des plaines, les gens du désert avaient gardé plus de traditions en commun avec le peuple nomade. Elle remarqua notamment les tatouages représentant les consciences protectrices. Cette tradition voulait qu'à la naissance chaque enfant naisse sous la protection d'une des treize consciences. Et, pour le signifier, l'on tatouait alors l'enfant du signe de sa conscience protectrice. Plus tard, au passage à l'âge adulte, l'enfant pouvait choisir de se placer sous la protection d'une deuxième conscience. Dans les villes des plaines, cette tradition avait été abandonnée depuis longtemps. Cependant, il semblait que dans le désert ou du moins dans cette ville, les gens portaient encore ses tatouages, même s'ils étaient bien moins visibles que chez les nomades.
D'ailleurs, si elle avait pu remarquer ses dessins d'encre, c'est bien parce qu'ils étaient aux bains et dans leur plus simple appareil. Heureusement, pour éviter que tout le village vienne se baigner avec leurs visiteurs, seuls les membres du conseil et quelques autres personnes avaient été autorisés à rentrer. Tout comme on les avait accueillis sans se poser de question, bien que leurs hôtes paraissaient savoir qu'ils étaient, on ne leur posa pas plus de questions, les aidant à profiter de ce temps de repos et à se décontracter après leur fatigant voyage.
Cette ambiance chaleureuse et joyeuse perturbait un peu Palantir qui avait encore du mal à oublier son stress et son deuil. C'est donc tout naturellement qu'il demanda tout en douceur :
— Vous êtes au courant pour la situation du royaume ?
— Bien sûr, répondit tristement une femme. Ce genre de nouvel voyage plus vite que Valys. Cependant, malgré que nous compatissions, nous ne sommes que très peu impacter pour l’instant. Le désert nous protège comme toujours et nous remercions Grays pour cela.
Il était vrai que l'empire semblait hésiter à mettre les pieds dans le désert, mais Palantir doutait que ce puisse être toujours vrai. Il ne doutait pas que l'empire connaisse les légendes sur la capitale en ruine et il ne doutait pas non plus que les soldats finissent par se rendre compte des vagues de réfugiés qui rentraient dans ce désert. Ce n'était qu'une question de temps avant que l'empire ne trouve un moyen de voyager dans le désert sans prendre trop de risque. Ou plutôt, d'après les connaissances qu'il avait sur l'empire, ce dernier n'hésiterait pas longtemps avant d'envoyer de pauvres soldats comme chair à canon pour tester le désert. Toutefois, il était en effet sûr que les gens du désert étaient bien moins en danger que ceux des plaines.
— Je ne suis pas d’accord, s’exclama un jeune homme. Nous ne pouvons pas ne rien faire ! Nous sommes chanceux de vivre protéger, nous devons apporter notre aide !
Devant le discourt enflammé du jeune homme, Palantir et Élentir sourirent. C’était également pour cela qu’ils s’arrêtaient dans le plus de village. Il leur fallait trouver le plus de volontaire prêt à venir en aide.
— Si tu le souhaites vraiment, il y a plusieurs choses que tu peux faire, commença le prince.
— Bien sûr que je le souhaite, répéta fièrement le garçon.
D'autre jeune personne parmi les baigneurs, homme comme femme, hochèrent la tête en soutien. Seuls les plus anciens semblait avoir de la retenue sur la question. Non qu'ils ne souhaitaient soutenir le reste du royaume, ils étaient autant désolés que tous les chevaucheurs et portait le deuil comme beaucoup. Non, c'étaient plutôt qu'ils étaient plus conscients des pertes que leur village subirait si les jeunes s'en allaient. La guerre n'était pas une chose dont il fallait se réjouir.
— Dans ce cas, tu peux rejoindre le campement des réfugiés aux vieilles ruines, proposa avec gentillesse Élentir. Il y a beaucoup de gens des plaines qui ont du mal avec la vie dans le désert. Une aide ne serait pas de refus.
Cette proposition sembla soulager une partie de l'auditoire qui ne s'attendait donc pas aux paroles suivantes :
— Cependant, tu ne parais pas être étranger aux armes, je me trompe, demanda avec sa brusquerie habituelle Narmacile.
— Oui, pour vivre dans le désert, il faut savoir se défendre, la nature n'est pas tendre.
— Dans ce cas, quand tu arriveras au campement, tu pourras demander à rejoindre les combattants qui vont en soutien à la confrérie.
Ces paroles mirent un froid. Même dans le désert, la confrérie n'avait pas une bonne réputation. Les frères et sœur n'était pas arrêté par le désert et il n'était pas rare que l'on doive cacher les enfants dans les maisons dans l'espoir qu'ils ne se fassent pas emmener.
— Pourquoi leur apporter notre soutien, demanda sèchement un ancien. Il ne nous apporte jamais le leur malgré leur savoir.
— Nómin les a voulus ainsi. Et, je comprends bien votre méfiance, répondit d'un ton apaisant Palantir. J'ai même eu peur de perdre une amie chère plus jeune.
Élentir leva les yeux au ciel. Elle avait un instant pensé rejoindre la confrérie étant jeune, mais elle n'avait pas pu s'y résoudre, ne voulant pas perdre sa liberté. Palantir le remarqua et il fit un léger sourire avant de poursuivre plus sérieusement :
— Cependant, si l’empire met la main sur notre savoir millénaire que protège la confrérie, nous ne pourrons plus résister. Tant que la confrérie résiste, le royaume ne tombera pas.
Le silence se fit. Une tension planait. Il n'était pas difficile de comprendre la rationalité du discours du prince mais peu de gens était capable de mettre de côté leur sentiment. Le silence plana encore un temps avant que Palantir lance d'un ton plus léger
— Dites-moi, quelle est donc la légende de votre ville ?
Dans le royaume, la plupart des villes et des villages avait leur légende sur leur création. Mythes mélangeants souvent réels et légende. Palantir et Élentir étaient particulièrement friands de ces histoires, non qu'ils les prennent aux sérieux, mais plutôt que c'était passionnant et révélateur sur l'endroit.
— Ce serait un honneur de vous les conter, mais autour d’un bon repas. Sortons du bain avant que le temps ne se rafraichisse trop.
Tout le monde réagir au mot de l’ancienne, on leur proposa des habits simples, mais de bonne confection. S'ils protestèrent, voulant user de leur propre vêtement, on ne leur laissa pas vraiment le choix. Cependant, les tenues furent agréables pour supporter le froid de la nuit. On les entraina ensuite jusqu’à un grand bâtiment au centre de la ville, entouré d'une grande place pleine de monde plein de joie. Ils eurent du mal à poursuivre leur chemin tant ils étaient approchés. Beaucoup voulaient leur parler de leur inquiétude vis-à-vis de l'empire, d'autre était curieux sur la raison de leur présence. Mais, la grande majorité entourée Élentir qui n'avait pas remis son bandeau après le bain. Elle réussit néanmoins avec habilité à éviter le sujet et enfin, ils purent entrer dans la grande maison commune.
À l’intérieur, un véritable banquet avait été dressé, témoignant de l'hospitalité des gens d'ici. Sur une table centrale, des cuisiniers s'afféraient encore dans les rires et les chants, entouré par des enfants curieux.
Élentir apprécia tout de suite cette ambiance bon enfant. Elle qui avait grandi dans le palais, son enfance lui sembla bien froide quand elle observait la vie dans les différentes cité et village. Bien sûr, elle avait reçu beaucoup d'amour de la part de son entourage. Mais, ce n'était pas semblable à ce qu'elle pouvait voir, elle voyait ici une grande famille.
Elle savait qu'habituellement, elle commencerait à fatiguer d'autant de contact social et qu'elle chercherait un moyen de s'éclipser. Pourtant, pour une fois, elle profitait de ce monde pour oublier son malaise constant qui la suivait depuis son départ de Prémil.
Il fut bientôt l'heure d'aller se servir et la profusion de tant de denrée inquiétait les invités qui ne souhaitait pas dévaliser les réserves du village, l'hiver arrivant.
— N’allez-vous pas manquer de vivre avec un tel excès, demanda timide, mais soucieux Gwindor.
— Ne vous inquiétez pas, mangez de tout votre soul, nous avons suffisamment de denrée. Le désert est bien plus clément que les plaines.
— Vraiment, interrogea Dael véritablement surpris. Même l'hiver arrivant ?
Pour lui, comme pour beaucoup de gens des plaines, le désert était un lieu hostile ou la vie était difficile. Et, bien que, jusqu'alors, leur voyage ce déroulé plutôt bien, il ne pouvait s'imaginer que la vie fut simple dans cet enfer.
— Apprend, jeune homme, que le désert offre à celui qui sait l’écouter de nombreuses merveilles, répliqua énigmatique une vieille dame avant de le pousser vers le banquet.
Rassurés par les paroles de leurs hôtes, les voyageurs profitèrent de la soirée dans la joie et les rires. Oubliant tous, le temps d'une soirée, leurs inquiétudes, leurs deuils et leur fatigue. Dael cessa un temps de s'inquiéter pour sa petite sœur, restait à la capitale sous la protection d'Hoel et Lidoire. Palantir oublia sa tristesse de la perte de ses parents, son inquiétude pour son jeune frère et sa jeune sœur gardé en otage par l'empire et la douleur de sa séparation avec sa jumelle. Élentir réussi à mieux supporter mieux la lourde culpabilité qui lui pesait sur le cœur et le deuil de ses parents ainsi que son inquiétude pour le reste de leur quête impossible. Gwindor était sûrement celui qui voyageait avec le moins d'inquiétude, sa famille étant loin de la capitale et la plupart de ses amis faisant partie de la garde. Mais, il put oublier un instant les images horribles qu'il avait vu leur de la prise de Prémil. Même Narmacile, habituellement taciturne et sérieuse, se détendit et profita de la soirée. Les anciens leur contèrent beaucoup de mythes locaux dont beaucoup tourné autour de Coclys.
Cependant, à la fin de la soirée, un vieux prêtre de Grys, conscience du désert, vint à leur rencontre.
— Je vous conseille de retarder votre départ de plusieurs jours. Grys ne sera pas à vos côtés si vous partez dans les jours qui viennent.
Tous avaient un grand respect pour le prêtre. Les prêtres ne recevaient pas leur magie de la conscience qu'ils priaient, mais au contraire la mettait à leur service. Ainsi, les prêtres et prêtresses possédant des pouvoirs se spécialiser pour servir leur conscience, ce qui faisait d'eux les plus grands savants dans leur domaine. Ainsi, même Élentir qui n'avait jamais eu de foi envers les consciences, savait parfaitement que la parole d'un prêtre sur son domaine de prédilection était souvent juste et sage. Si un prêtre spécialisé dans l'écoute du désert prévoyait que celui-ci ne serait pas clément dans les prochains jour, l'on ne pouvait remettre sa parole en doute.
Cette prédiction fit rentrer toute la troupe dans une grande réflexion. Les paroles étaient sages, mais pouvait-il se permettre de les écouter ? Car, après le désert, c'étaient les montagnes qui ne seraient pas clémentes s'ils laissaient trop filer le temps. Et Narmacile fut celle qui révéla tout haut ce que tous pensaient :
— Nous ne pouvons nous permettre d'attendre. Plus nous tarderons, plus la traverser des montagnes sera longue et difficile.
— Si je peux me permettre, déclara doucement Dael. Si nous partons par de mauvaise condition, nous perdrons plus de temps que nous en gagnerons.
— Tu te trompes. Je ne suis pas aussi grande experte du désert que ses habitants ou les nomades, mais je viens du nord et chez nous l’on dit « la montagne par tout temps est bien plus dangereuse que le désert ». Plus nous tarderons ici, moins nous aurons de chance de survivre à la montagne.
— Je suis plutôt de l’avis de Dael, soutien Gwindor. La patience peut sauver bien des vies.
Alors, tous se tournèrent vers Palantir et Élentir qui n’avait jusqu’alors pas parler. Les deux se concertèrent du regard. Leurs compagnons n'étant pas d'accord et ayant de bons arguments, ce serait à eux de trancher. Le désert comme la montagne était dangereux. Palantir lui fit comprendre qu'il lui laissait la décision finale. Après tout, la jeune chevalière avait bien plus voyagé que lui et avait de l'expérience, tandis que lui n'avait avec lui que le savoir théorique.
Après un instant de réflexion pour résoudre ce dilemme insoluble, Élentir demanda à la chevalière chevronnée, celle qui dans toute l'équipe avait le plus d'expérience :
— Narmacile, tu as de l'expérience avec le désert ? Penses-tu que nous serons capables de traverser le désert même si les conditions ne sont pas de notre côté.
La femme ne répondit pas tout de suite à sa cheffe. Elle avait conscience que la jeune commande était toujours à l'écoute des conseils de ses compagnons et que donc ces prochaines affirmations seraient décisives. Pourtant, ces instants de femme du nord prirent le dessus, la montagne était bien plus dangereuse que le désert :
— J’ai réussi à traverser une zone abandonnée alors qu’elle était si grande que deux fois cette ville pouvait y tenir. Il y a eu plusieurs jours de tempêtes, des hyènes affamées qui m’ont attaqué. Je suis prête à recommencer, tout cela reste bien moins dangereux que la montagne !
Après un dernier regard à Palantir, qui se contenta de hocher la tête, Élentir finit par déclarer :
— Palantir et moi, nous rangeons derrière l'avis de Narmacile. Pour ma part, je préfère un danger que je connais à un encore plus grand qui n'est inconnue.
Dael et Gwindor ne dirent rien. Pourtant, Dael ne semblait pas convaincue, ce n'était cependant pas son genre de protester. Voyant, que la décision ne faisait pas plaisir au deux hommes, Élentir ne put s'empêcher d'ajouter :
— Je ne souhaite pas imposer ce choix, mais nous sommes trois dans l'équipe à penser que nous pouvons traverser les épreuves que nous donnera le désert.
Si cela ne fit guère plus plaisir aux deux hommes, ce fut le vieux prêtre qui reprit la parole :
— Le choix de la majorité n’est pas toujours le meilleur.
Et, le vieux prêtre se retira. La nuit étant avancée, l'assemblée s'était considérablement vidée. Le silence avait repris ses droits dans l'immensité du désert. Alors que la maison commune se vidait petit à petit, Narmacile reprit la parole :
— À en croire le prêtre, la suite du voyage ne sera pas de tout repos, allons-nous reposer tant qu’il est encore temps.
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