XIX
Après avoir quitté ces compagnons, Élentir était rentré dans la petite chambre que le village lui avait mise à disposition. Tout en repensant à la soirée qu'elle venait d'avoir, elle se prépara à se coucher. Déjà, elle sentait la culpabilité lui torturer ses entrailles, elle savait qu'une nouvelle nuit de cauchemar l'attendait. Alors qu'elle allait se glisser dans sa couche, l'on frappa à sa porte. Surprise, elle prit une seconde avant d'inviter le visiteur à rentrer.
Gwindor se tenait dans l'embrasure de la porte, tout gêné et timide, son visage habituellement pâle était tout rouge. Après une seconde hésitation, il rentra d'un air étrangement déterminé, allant s'asseoir sur le lit de son amie sans même lui demander son avis.
Élentir ne put cacher son étonnement. Le médecin habituellement timide et discret ne lui avait encore jamais fais cela. Elle cacha un sourire, elle aimait beaucoup comment cet homme arriver constamment à la surprendre. Elle alla donc s'asseoir à ses côtés, attendant qu'il lui dise pourquoi il était là.
Le jeune médecin plongea son regard vert dans les yeux gris de son amie. Elle y vu sa timidité disparaître et soudain, il prit son air sûr qu'il n'avait qu'avec ses patients :
— Cela fait trois jours que nous sommes partis. Et durant tout ce temps, tu nous as presque ignorés. Je ne t'ai jamais vu aussi froide avec tes compagnons. Et tu as plus parlé aux gens de la ville qu’à nous. Il faut que l’on parle !
Le jeune homme avait dit sa tirade d’une traite sans prendre le temps de reprendre son souffle. Il devait avoir beaucoup réfléchi à ce qu’il dirait avant de venir. Cela fit sourire Élentir, le connaissant, cela lui avait demandé un certain courage pour élever sa voix sur elle. Elle resta silencieuse, sachant que son ami avait raison.
— Je voulais te laisser plus de temps, continua le timide jeune homme avec le ton autoritaire du médecin. Je ne peux que compatir à ta situation. Tu as perdu tes parents. Et en plus, tu t’en sens responsable. Et, rien de ce que l’on te dira ne pourra t’apaiser. Tu as juste besoin de temps. Toutefois, il devient urgent que tu redeviennes toi-même. Je ne te demande pas d’oublier, je te demande de retrouver tes convictions habituelles.
Il fit une légère pause.
— Je ne sais pas ce que t’a raconté Égilon et je ne te cache pas que si je l’avais sous la main, je lui dirais également deux mots ! Depuis que tu lui as parlé, tu es dans un pire état qu’avant !
Élentir le regardait avec un sourire légèrement interloqué. S’il y avait bien quelqu’un qui n’avait jamais élevé la voix contre elle, c'était bien le gentil et timide médecin. Les seules fois où il avait levé le ton c’était en la soignant, mais il ne l’avait jamais repris sur quelque chose qui ne touche pas directement à la médecine. Elle se sentait presque fière :
— Eh bien, pour que cela te fasse autant réagir, je dois avoir l’air dans un sale état…
Elle rigola :
— Je vais tâcher de me reprendre.
Gwindor n’apprécia guère la façon détendue qu’elle avait eue de répondre. Il avait l'impression qu'elle ne le prenait pas au sérieux.
— Ce n’est pas ça que je veux. Des promesses restent des promesses, je veux des actes. Je sais parfaitement que tu préfères souffrir seule et en silence ! Mais, comment veux-tu que l’on t’aide ? Tu dois te confier ! à moi ou à n’importe qui de nos compagnons.
Élentir ne sut que répondre, ce qui était rare chez elle. Elle était hypnotisée par le soudain charisme du médecin et ne put détourner le regard. Soudain, Gwindor perdit de sa superbe, devint tout rouge et baissa le regard, honteux :
— Ce… ce ne doit pas être obligatoirement moi… Je veux juste que tu y réfléchisses.
Et Il se leva précipitamment pour sortir quand Élentir lui attrapa le bras en douceur. Elle était touchée par le discours du jeune homme et sentait qu’il était grand qu’elle s’ouvre un peu à lui.
— Tu pourrais me laisser le temps de te répondre, le taquina-t-elle avant de reprendre plus sérieusement. Est-ce que tu veux bien m'écouter un peu ?
Le jeune homme rougit un peu plus devant le doux sourire de la jeune femme et il se rassit.
— Je ne sais pas par où commencer, déclara-t-elle. C’est un exercice que je fais rarement. Mais, il est vrai que je me sens coupable de la mort de Lómelindi.
Sa voix vacilla. Gwindor lui passa le bras autour des épaules et la serra.
— Je sais bien que ce n’est pas moi qui tenais larme. Mais si… si je n’avais pas été conne, et que j’avais suivi les conseils de tout le monde, il serait toujours là en vie…
Élentir se tut, elle chercha le regard vert du médecin. Elle attendit qu’il lui réponde, mais Gwindor se contenta de lui sourire tendrement, lui montrant qu’il l’écoutait. Élentir s’entendit déverser des flots de mots. Ce flot vida quelque peu le poids qu’elle avait sur son cœur.
— Je n’arrête pas de me répéter les mots d’Égilon. Quoi que tu dises, il n’a pas tort. Je ne devrais même plus être votre commandante. Comment puis-je être une cheffe, si part mes conneries un grand homme est mort ? J’entends qu’on me dise que de toute façon, même sans mon intervention, il allait être… Il allait sûrement… Succomber à la torture. Mais, c'est bien beau de dire cela. Qui peut dire un avenir qui ne se produira ! On m’a appris lors de mon écuage que chacun de mes choix avait des conséquences et qu’elle soit bonne ou mauvaise, il fallait que je les assume et les admette. Mais, comment admettre et assumer que mes actions ont conduit à la mort de mon père ! Je n’ai pas voulu ça… mais c’est ma faute… Et, je ne peux pas l’assumer. Et, pourtant, me voilà repartie pour une mission dont la survie du pays dépend. Suis-je vraiment la mieux placer pour l’accomplir ?
Élentir repris son souffle. Ses yeux humides et remplis de colère autant que de tristesse. De désespoir. Gwindor continuait à la tenir dans ces bras, toujours attentifs, mais restant silencieux.
— Et puis je ne vois pas en quoi je suis une bonne cheffe ! Je ne l’ai pas voulu moi, je suis une solitaire qui a toujours préféré se terrer dans la nature que de partager mon existence avec des humains. En quoi je suis fait pour être cheffe ? Je suis égoïste, impulsive et trop sûre de moi. Je ne placerai jamais ma vie entre les mains de quelqu’un comme moi…
Élentir continua ainsi à déverser un flot de parole sur Gwindor qui se contentait d’écouter avec compassion et sans jugement. Au bout, d’un moment, sa voix finit par se casser et elle resta immobile dans les bras du jeune homme.
Quand Élentir finit par s’endormir, le médecin l’allongea sur son lit et voulut se retirer. Mais, la jeune femme s’agrippa à lui, ne lui laissant d’autre choix que de se coucher à ses côtés.
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