XXIV
Plus loin dans le nord et dans le temps, Gleen se rétablissait rapidement. Il n'eut besoin que de la journée durant laquelle Palantir et Dael était partie pour se réapprovisionner pour se remettre totalement. Bien sûr, Gwindor y était pour quelque chose, il n'était pas l'un des plus jeunes médecins de la cour pour rien. Ils purent repartir dès le lendemain du retour des deux hommes.
Pourtant, malgré le nouvel équipement mieux adapté à la plaine et à la saison, les choses ne firent qu’empirer. En temps normal, il fallait une semaine pour se rendre jusqu’aux montagnes. Néanmoins, il leur en fallut le double. Deux semaines de souffrance. Entre les loups magiques affamés, les zones abandonnées et les zhikerhotes, la petite troupe arriva exténuée, blessé pour certain, au pied des montagnes complètement blanche et la neige blanchissant déjà les plaines malgré tout leur effort.
C’est donc sous-équiper et à bout de force qu’ils durent rejoindre l’ancienne route. Jusqu’à présent, ils avaient tout fait pour éviter les routes, bien trop dangereuse. Mais, se déplacer en montagne n’était pas chose aisée, surtout qu’aucun ne s’y était déjà rendu. Ils ne pouvaient pas faire autrement que de suivre les chemins déjà établis.
Gleen avait préparé des vêtements pour la montagne en se servant de la fourrure des nombreux loups qui les avait attaqués. Une chance pour eux, l’ancien apprenti forgerons avait dû à la demande de son père suivre un apprentissage en tannerie. Pour le père de Gleen, un bon forgeron ne peut pas faire une bonne armure s’il ne connait pas le travail du cuir. Bien sûr, les créations de Gleen étaient loin d’être parfaites, elles ne se vendraient pas bien cher en boutique. Mais, cela serait suffisant pour l’instant.
Malgré ces nouveaux vêtements, Élentir était frigorifiée. Elle n'était même pas sûre d'avoir déjà eu aussi froid. Assurément, elle aurait eu aucun mal à se servir d’un peu de magie pour se réchauffer, mais elle préférait économiser ses forces. Elle s’inquiétait également pour leur monture, ils les avaient gardés malgré leur difficulté à se déplacer dans la neige, mais elle ne savait pas jusqu’à quand elles allaient supporter le froid.
L’hiver venait tout juste de commencer dans les plaines, ils venaient tout juste de commencer leur ascension, mais l’on aurait dit que l’hiver avait déjà commencé depuis plusieurs mois. De la buée sortant de leur bouche, les chevaux s’enfonçant dans une épaisse couche de neige, ils progressaient lentement, ayant du mal à percevoir la route qu'ils suivaient.
Mais, devant les nombreux désagréments que lui apporter la neige, Élentir ne pouvait s’empêcher d’être émerveillée. Jusqu’à présent, elle avait toujours passé ses hivers à Premil, au château, percevant à peine les plaines enneigées. Ce paysage, d’une blancheur éblouissante, lui rappelait ses premiers souvenirs. Les montagnes, se dressant vers le ciel comme une couronne de diamant brillant sous le soleil, semblaient lui lancer un défi. Maintenant qu’elles étaient face à elle, elle n’avait qu’une envie : répondre à ce défi. Grimper sur le plus haut des sommets. Passer le plus escarpé des cols. Franchir ce mur infranchissable.
Dael, avec son regard acéré, fut le premier à remarquer que quelque chose n’allait pas. Il n’eut pas besoin de prévenir sa cheffe qui avait aussitôt comprit. Élentir étendit ses perceptions, capacité naturelle pour elle. Mais, il était trop tard. Palantir et Narmacile ne mirent qu’un instant de plus à réagir.
Ils formèrent un cercle autour de Gwindor. Dael sans détourner son regard mit en place à la corde de son arc avec rapidité. Narmacile se plaça légèrement en avant, sa lourde hache dans ses mains. Gleen surveillait les arrières, son bouclier bien devant lui. Palantir et Élentir essayaient de mettre en place un plan de repli, l’arme en mains.
Mais, comment faire ? Les soldats zhikerhote les entouraient totalement et resserraient petit à petit leur rang, refermant leur piège. Élentir pouvait sentir que son groupe avait l'avantage magique. Pourtant, il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre, également, qu'elle ne pouvait pas sous-estimer ces soldats, ils étaient d’une tout autre trempe que les petites patrouilles qu’ils avaient croisées jusqu'alors. Il y avait parmi eux des chevaliers de l’ordre des élus. Des protecteurs formés dès leur plus jeune âge à la protection des élus. Élentir avait entendu dire de son mentor qu’il fallait se méfier d’eux, que même sans magie, ils étaient des adversaires dangereux.
— Je vous demande de vous rendre, votre altesse !
La voix résonna, Élentir frissonna. Elle la connaissait, elle qui espérait pouvoir s’échapper. Leur chance venait de s’amenuir grandement. Elle amplifia sa voix :
— Je suis désolée, sir Ancalagon, mais nous ne pouvons pas répondre votre demande.
Cet élu et commandant était dangereux, elle gardait un mauvais souvenir de leur rencontre. Mais, elle avait réussi une fois à fuir, elle pouvait recommencer.
— Dame Élentir, vous me voyez ravie que nos routes se croisent de nouveau. Cependant, aussi douée que vous êtes, vous ne vous échapperez pas tous.
Élentir l’ignora. Elle fit signe à ses compagnons de se préparer. Elle souffla doucement, prit une longue inspiration. Elle devait choisir le bon endroit. Quand elle fut prête, elle lança le plus puissant souffle du dragon qu’elle puisse produire. Si puissant qu’elle faillît s’évanouir. Mais elle avait réussi. Une brèche s’était créée dans les rangs ennemis. Aussitôt, sans leur laisser le temps de reformer leur rang, la troupe s’y engouffra. Ils se séparèrent en deux groupes.
Élentir partit plein ouest en compagnie de Dael et Narmacile, tandis que Palantir était accompagné de Gleen et Gwindor.
La montagne était effrayante, le soleil déjà se couchait, la pénombre d’entre chien et loup rendait les ombres étrange. Élentir trébucha plusieurs fois, sans jamais tomber. Seul Dael, devant elle, ne semblait gêné par ce manque de lumière. Il guidait ses camarades habilement entre les crevasses et les cailloux, sans jamais trébucher. Leur poursuivant n’était pas loin. Il fallait mettre de la distance. L’homme n’hésitait donc pas à passer par des passages étroits, moins visible, sûre des capacités de ses compagnes à le suivre. Le garde, en transe, marmonnait en boucle des sorts draconique lui permettant de mieux voir et analyser les différents chemins possibles.
Finalement, après une bonne heure de course poursuite, grâce à l’habilité du garde, les trois amis trouvèrent refuge dans une grotte. Élentir à l'aide de Narmacile mit en place un camouflage sommaire, regrettant les talents d'illusion d'Ode. Cependant, les poursuivants étaient déjà loin et ne paraissaient pas près de les trouver.
Ils en profitèrent pour souffler, ignorant que leurs compagnons au-dehors n’avaient pas eu la même chance qu’eux.
Gwindor faisait de son mieux pour ne pas ralentir ses coéquipiers. La blessure qu'il s'était fait dans les plaines le lançait douloureusement. Il savait qu’elle allait se rouvrir, que dans peu de temps son sang allait se répandre sur la neige blanche. Mais, il ne voulait pas qu’ils soient attrapés par sa faute. Il les connaissait trop bien pour savoir qu’il ne l’abandonnerait pas. Son endurance était, en temps normal, déjà moins élevée que celle de ses compagnons, il restait plus de temps assis à étudier qu’à crapahuter dans les rochers. Crachant ses poumons, la vision obscurcie par la douleur, il récita avec peine une formule qu’il s’était jusqu’alors interdit de prononcer. Il l’avait trouvé accidentellement alors qu’il recherchait une formule d’anesthésie. Et bien qu'il ait eu conscience du danger qu'elle représentait, il avait appris à la pratiquer. Après seulement quelques secondes, le sort fit effet. La douleur disparut, la douleur, mais pas sa blessure, dont une goutte de sang s'échappa. Il ne sentit plus sa fatigue, sa faim et le froid. Ainsi coupait de ses sens, il put ainsi accélérer le pas, suivre ses compagnons sans mal.
Ce sort était dangereux. Trop longtemps utilisé, il entrainait la mort. Mais peu importait. Il fallait continuer.
Pourtant, cela ne suffit pas. Une heure passa et leurs poursuivants étaient toujours sur les talons. Une deuxième, ils n’arrivaient pas à les distancer. Finalement, un mauvais choix mis fin à la course poursuite. Face à un ravin, plus aucune échappatoire possible.
Gwindor et Gleen se placèrent automatiquement devant le prince, prêt à le défendre de leur vie s’il le fallait, malgré les protestations du concerné. Les sachant piégés, ne voulant pas les pousser à faire l'irréparable, Ancalagon s’approcha doucement, faisant signe à ses troupes de rester en arrière, empêchant tout replie.
— Vous ne pouvez plus fuir, constata-t-il sur un ton apaisant. Rendez-vous, et sur mon honneur d’élu, je vous assure que vous serez bien traité.
Les deux gardes raffermirent leur défense, prêt à attaquer. Après un instant de réflexion, Palantir passa devant, en levant une main pour faire signe de baisser les armes. Sur son visage, on pouvait lire toute la douleur et le dilemme qui l'avait amené à cette décision :
— Si je me rends, votre serment protègera-t-il également mes compagnons ? Ils ne seront n’y torturait ni mis en esclavage ? Auront-ils le droit au même respect que moi ?
Le jeune homme sentit la désapprobation de ses camarades, mais il n’y avait aucune chance qu’il s’en sorte en combattant. Il valait mieux déposer les armes temporairement.De plus, il connaissait Ancalagon par les récits d'Élentir et Astal. Si elles le respectaient en tant qu'ennemi, il valait sûrement être entre ses mains qu'entre celle moins respectueuse qu'un autre zhikerhote.
— Tant que vous serez sous ma protection, vous serez tous les trois traiter avec respect, vous avez ma parole.
— La parole d’un zhikerhote, souffla Gleen.
Palantir n’y prêta pas attention.
— Élentir m’a dit que tu étais un homme droit et je fais confiance en mon amie. Je fais donc te confier ma vie et celle de mes amis.
Palantir s’agenouilla, plaçant devant lui ses armes. À contrecœur, ses compagnons firent de même et Gwindor s’effondra.
Ils prirent la direction du campement des zhikerhotes, et comme l'avait promis Ancalagon, ils furent traités avec respect. Une fois, arriver dans un campement qui semblait avoir été établie depuis longtemps, on les plaça dans une tente avec des couchettes tout à fait convenables pour un campement militaire. Gwindor fut également ausculté et soigné, bien que le médecin du campement n'arriva pas à comprendre l'état du jeune homme. La seule chose problématique était les bracelets d'entrave qu’on leur avait passé aux poignets. Même si l'on avait retiré la chaine des entraves, les laissant libres de leur mouvement, les bracelets étaient tout de même problématiques.
Palantir se sentait totalement vider. Habituellement, ce genre de bracelets empêchait juste l’utilisation de la magie, ce qui pouvait être désagréable tout au plus. Pourtant, le jeune homme ne ressentait plus du tout de magie en lui, comme s’il était en carence. Par chance, Dael étant bien moins puissant, en ressentait moins les effets, et Ancalagon refusa qu'on l'en mette au médecin déjà en grave carence magique. L'héritier était donc le seul prit d'une lourde fatigue, d'une envie de plonger dans un lourd sommeil. Chaque mouvement lui demandait en grand effort, et une douleur lui comprimait la poitrine.
— Je suis désolé pour le désagrément, déclara-t-il avec une grande compassion. Nous avons, cependant, dû nous fournir en menotte de meilleure qualité puisque Dame Élentir a résisté à celle que nous utilisions habituellement. Je compatis à votre douleur en connaissant leur effet, mais vous devrez les supporter. Je vous souhaite de bien vous reposer, nous discuterons demain.
L’élu laissa ses prisonniers seuls. Ces derniers, trop épuisés pour faire autre chose, se couchèrent. Ils ne mirent pas longtemps à dormir malgré les circonstances.
Le lendemain, ils furent tous invités à déjeuner avec Ancalagon. Du moins à Palantir et Dael, puisque Gwindor ne semblait pas vouloir se réveiller. On leur proposa une bassine d'eau pour se rincer et de nouveau habit un peu trop impérial à leur gout, puis ils furent emmenés à la tente du commandant. Le seul à les attendre était Ancalagon qui demanda dès leur arrivée à ce qu'il soit laissé seul avec ses convives. C'est avec hésitation que l'homme qui devait être le bras droit de l'élu, se retira, lançant un dernier regard suspicieux aux chevaucheurs. Une fois qu'ils furent enfin seuls, l'élu les salua à la façon des chevaucheurs, les deux chevaucheurs étonnaient ne purent que répondre au salut. Puis leur hôte les invita à s'asseoir :
— Je suis réellement honoré de pouvoir discuter avec vous, votre altesse.
Palantir fit un sourire triste avant de retourner sur la défensive :
— Je ne suis ici que pour servir à votre empire de légitimité. Pas besoin, de telle convenance, je suis votre prisonnier après tout.
Le ton brusque du jeune homme caché qu'en réalité, il appréciait le respect sincère que leur montrait le zhikerhote. Il avait été habitué au échange diplomatique lors desquels les zhikerhotes ne montraient généralement que du mépris. Il ne s'attendait donc pas à ce que l'un d'eux montre du respect alors qu'il n'était qu'un simple prisonnier.
— Même si tu as raison, retourna en gardant un ton calme et respectueux Ancalagon, Cela n'empêche pas que vous montre du respect à vous d'eux. C'est d'ailleurs le serment que je vous ai fait et sans cela, je vous aurai tout de même traité pareillement. Discutons plutôt sereinement. Je suis curieux à votre propos.
Palantir savait que l’homme face à lui était sincère. Tout d’abord, parce qu’Élentir ne se trompait jamais dans son jugement. Elle avait dit qu’il était dangereux, mais qu’il restait un homme d’honneur. Et puis, lui-même avait l’habitude de juger les gens et même sans magie, il pouvait comprendre la sincérité. Étrangement, lui aussi porté à cette discussion à venir un grand intérêt, qui n’était loin d’être désagréable.
Dael était plus sur la réserve, mais son regard analytique n'avait jusqu'alors détecté aucun mensonge. Cependant, il ne pouvait faire confiance à un élu. Il écoutait donc la conversation sans intervenir
— Très bien, je vous prie de m'excuser pour mon ton discourtois. De quoi souhaitez-vous que l’on parle ?
— Avant de commencer, je voulais vous demander des nouvelles de votre compagnon. Il ne s'est toujours pas réveillé ?
Cette remarque pourtant sincère lui valut un regard noir de la part de Dael qui considérait que si son ami se retrouvait dans un tel état, c'était la faute du zhikerhote. Palantir, lui, se contenta de répondre d'un ton neutre :
— Je vous remercie pour votre inquiétude, notre ami ne sait toujours pas réveiller et votre médecin ne sait quand il le fera. Je suis inquiet, mais je vous remercie de ne pas lui avoir mis de bracelet.
— Vous m'en voyez désolé, j'espère sincèrement qu'il s'en remettra rapidement. Mais, je le demande bien ce que fait un si frêle compagnon dans votre troupe.
Palantir se contenta de sourire sans répondre. Il voulait bien discuter, mais en rien révélé les atouts qu'ils avaient. Comprenant que la discussion n'irait pas plus loin dans ce sens, Ancalagon continua un instant à manger avant de reprendre :
— J’ai une interrogation. Votre royaume est en perdition. Je ne dis pas cela pour vous offenser, c’est une réalité que j’ai moi-même constatée. Les famines durent d’année en année, votre peuple est pauvre et il souffre. Même vos nobles vivent parfois dans de simples maisons. Alors pour quelle raison refuser à ce point notre aide ?
Palantir ria surprit par la question. L'homme en face de lui avait parlé sans mépris et avec sincérité. Il trouva soudainement que ce guerrier dans la force de l'âge avait une forme de naïveté. Si Dael avait tiqué, le prince répondit avec calme :
— Quelle aide ? Je ne vous pense pas si naïf de croire que votre empereur veut réellement nous venir en aide. Vous êtes un élu après tout. J’ai pu moi aussi observer de mes yeux comment son traité mes compatriotes par vos petits soldats. Votre aide, c'est malheureusement un venin qui nous tuerait à petit feu. Mon peuple n’est pas naïf lui non plus.
— Vous avez raison, je ne suis pas naïf, retourna calmement Ancalagon. Comme vous l'avez dit, je suis un élu, je sais donc parfaitement les raisons de notre venue dans votre royaume. Mais, cela n’empêche en rien votre collaboration. Tous les royaumes et pays qui sont entrés sous notre protection s’en sont sortie améliorer. L’empire apporte la richesse à ses royaumes, ils deviennent plus civilisés et leur peuple ne souffre plus. Certain royaume du sud s'allie même volontairement avec nous.
— Je vois que vous croyez fermement ce que vous dites. Mais, est-ce votre avis, où êtes-vous allés voir et demander au peuple de ses royaumes ? Je parle bien du peuple et non de ses dirigeants. Sont-ils vraiment heureux qu’on leur impose une culture qui n’est pas la leur, une religion qui ne connaisse pas ?
Le zhikerhote réfléchit un instant avant de répondre :
— Je dois admettre ne pas m’y être rendu par moi-même. Cependant, il vaut mieux regarder les chiffres, ils sont plus fiables que les yeux. Et, l'on observe sans nul doute que les récoltes sont meilleures, que la sécurité augmente et qu’ils sont plus riches. Si l’on se fit à cela, l’arrivée de l’empire est d’une bénédiction.
— Malheureusement, pour moi, vos exemples ne sont pas fiables. J'en ai même entendu d'autre pour ces mêmes pays. Oui, la richesse globale augmente, mais avec les inégalités, les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Ce n'est pas vraiment ce que je souhaite pour mon pays. Oui, les récoltes sont meilleures, mais maintenant que l'empire en prend une part, le peuple mange-t-il vraiment plus ? Mais, je ne pense pas pouvoir vous convaincre ainsi. Laissez-moi plutôt tenter de vous expliquer pourquoi les chevaucheurs ne souhaitent pas de votre aide à ma manière. Savez-vous que je ne souhaite pas monter sur le trône ?
— C’est une rumeur qui court en effet, confirma Ancalagon intrigué.
Non qu'il soit étonné que l'on puisse refuser le pouvoir. Lui-même l'avait fait en refusant la place d'élu qui lui revenait de droit et en montant dans la hiérarchie de l'armée par ses propres moyens. Cependant, c'était une chose rare dans l'empire qu'un homme refuse le pouvoir, il était donc curieux de savoir pour quelle raison un prince refuserait la couronne. Est-ce pour fuir ses responsabilités comme son père ou pour une tout autre raison ? Est-ce quelque chose de courant dans cet étrange royaume, ou les deux héritiers était ou exception ?
— J’imagine que vous n’en comprenez pas la raison, déclara le prince comme s'il avait entendu les penser de l'homme.
— En effet, concéda son interlocuteur. J'ai beaucoup entendu de vous et je vous ai bien observé, vous semblez réellement tenir à votre peuple. Votre sœur et vous, vous avec bien plus de chose pour votre royaume à travers la garde que vous avez créé que votre père. La meilleure façon de servir votre peuple ne serait-il pas de monter sur le trône ?
— Encore un point avec lequel on ne tombera sûrement pas d'accord. Jusqu’à présent, Élentir ou encore mes deux compagnons qui m'accompagnent, on fait bien plus pour le royaume que moi. Certes, c'est ma sœur et moi qui choisissons une grande partie de leur mission, mais sans nous, je suis sûr qu'ils en feraient autant. Mais, la question n’est pas de savoir pourquoi je prendrai la couronne, mais plutôt pourquoi je ne souhaite pas le faire. Je ne vous dirai pas comme je le dis souvent que je ne m’en sens pas digne. Je pourrais vous dire également que je souhaite changer de système. Au mieux, j'aimerais qu'on l'on devienne une république comme il en existe dans le sud. Sinon, j'aimerais que l'on revienne à notre ancien système, à l'époque roi ou reine signifiaient point dirigeants, mais protecteurs.
Palantir fit une petite pause et sourit. Il appréciait l'attention sincère du zhikerhote qui, bien qu'il ne semblait pas être d'accord, essayait de le comprendre. Il poursuivit sur le ton de la confidence :
— Mais si pour moi, les raisons que je viens de vous citer me suffise déjà, je vais être totalement honnête avec vous. Il y a une autre raison un peu plus égoïste. Même dans notre royaume en décrépitude, être souverain apporte de nombreux conforts. Jamais je ne souffrirai de la faim, du froid et j’ai accès au meilleur soin du royaume. Finalement, selon vos propres dire, je serais riche et en sécurité, donc heureux. Pourtant, je laisse ça volontiers à quelqu’un d’autre pour une simple raison. La liberté. C’est une chose qui importe pour tout chevaucheur. La liberté est pour moi bien plus précieuse que toute richesse et sécurité.
Cette réponse surprit l'élu :
— Je suis désolé, je ne peux comprendre, il vaut mieux vivre en bonne santé et sans danger que mourir libre.
— Je me doutais que vous auriez du mal à comprendre. C’est aussi pour cela que vous ne compreniez pas le peuple de ce royaume. Nous avons toujours été un peuple épris de liberté et nous le saurons peut-être toujours. C’est pour cela que nos souverains et leur gouvernement n'ont que très peu d’influence dans ce pays. Il n’existe pas pour imposer des lois, mais pour servir et protéger la liberté de son peuple. Si vous n’êtes pas capable de comprendre ça, vous ne pourrez jamais réellement comprendre mon peuple !
Palantir avait parlé avec une force et détermination intimidante. Son discours avait parfaitement raisonné aux oreilles de Dael, dont les yeux s’était empli d’une étincelle. Ancalagon avait écouté avec une sincère envie de comprendre, pourtant ce discours ne l’avait pas autant transporté :
— Si je peux comprendre un peu ce que vous voulez me dire, je ne peux vraiment pas être en accord. Pour moi, un pays ne peut prospérer sans ordres et une hiérarchie claire. Finalement, je pense que les choses le montrent. Sans l’aide des dragons, vous vous êtes effondré. Mais, je vous remercie pour votre réponse sincère. Je vous ai posé une question, je pense qu’il serait bon ton de vous laisser me rendre la pareille. Y a-t-il une interrogation dont vous voudrez me faire part ?
Palantir apprécier de plus en plus cet homme, bien que ce dernier restait un ennemi. Ils étaient en désaccord total, pourtant à aucun moment, il n’avait haussé le ton pour imposer sa version des choses. Il avait eu une réelle envie de comprendre, malgré leur divergence. C’était une attitude que peu d’homme au placé était capable d’avoir, même chez les chevaucheurs. Il sourit, il avait en effet une question :
— Comment avez-vous su que nous passerions par là ? Je veux dire, vous avez placé une grosse troupe, composé des meilleurs éléments, cela doit déséquilibrer vos forces. Vous deviez être convaincus que nous passions par ici, pourquoi ?
Ancalagon fit un sourire fier qui surprit ses convives.
— Je n’en savais rien. C’était un pari.
— Vous avez placé toute une troupe d’élite sur un simple pari ?
— Si j’ai pu le faire, c’est grâce à mon influence d’élu, expliqua-t-il un peu honteusement. J’avais quelques raisons de pensée que dame Élentir se rendrait au pays des dragons. Vous manquiez sérieusement de force, il vous faut donc des alliés. Et, dans ce cas désespéré, vous n’aviez plus que les dragons vers qui vous tourner. Je sais également que la tradition veut que ce soit un membre de la famille royal qui établisse le contacte. Toi et ta sœur, vous alliez forcément passer.
— Dans ce cas, pourquoi avoir dit que Dame Élentir passerait ?
— Elle est la commandante de votre garde. Mais, je pense que cette réponse ne vous convient pas. Il est vrai que j’ai une autre raison. Je ne suis pas du genre à prêter foi aux rumeurs. Surtout quand elle avantage mes ennemis. Pourtant, je dois avouer, que le fait que Dame Élentir soit une enfant de dragon ne m’étonnerait guère. Qu'elle le sache ou non, elle n’aurait pu s’empêcher de vous accompagner dans le nord pour en avoir le cœur net. C’est une certitude que j’ai eue très vite. Et, je ne me trompe que très rarement.
— Je ne peux que vous applaudir pour ces belles déductions. Et je ne peux qu’admettre qu’Élentir aussi se trompe peu. Elle m’avait dit qu’il fallait me méfier de vous, car vous êtes aussi brillant que dangereux.
Ancalagon sourit :
— J’ai rarement eu le droit à d’aussi beau compliment de la part d’un ennemi. Je dois dire que vous m’impressionnez, vous et Dame Élentir. Vous êtes jeune et déjà très prometteur. Quel dommage que vous soyez si têtue. Je ne doute pas des qualités de dame Élentir Blanchepré. Il est triste de l’avouer, mais dans notre pays, il est rare de trouver une femme aussi exceptionnelle.
— Votre grand étonnement, mettrait en colère toutes les femmes de ce pays, rigola Palantir. Cependant, je suis également très surpris de ne pas sentir le mépris habituel que vous autres avez pour les femmes.
— Je pense que les gens se trompe sur les femmes. Si Dieu avait créé les femmes faibles et utiles seulement pour la reproduction, Il n’aurait pas donné le Pouvoir à des femmes. Or, il existe des femmes Élue, elles sont même aussi nombreuses que les hommes. Si Dieu porte autant d’intérêt aux femmes qu’aux hommes, pourquoi il en irait différemment pour moi ? Je dois vous accorder que je ne pense pas comme la plupart des zhikerhote. Mais, je suis un élu.
Palantir observa avec attention son interlocuteur avant retourner :
— Je n’avais pas remarqué que vous étiez aussi pieu.
— Rares sont les élus qui ne le sont pas. Cependant, beaucoup d’entre nous pratiquent notre croyance de manière différente.
— Donc si vous êtes croyant, vous croyez que nous sommes des suppôts des dragons ?
Ancalagon eut l’air gêné pour la première fois, mais il se reprit bien vite :
— Je ne pense pas que vous soyez forcément tous mauvais à cause de cela. Je pense en effet qu’une partie de votre peuple doit ses pouvoirs aux dragons. Je pense que vous êtes manipulé. Malgré tout, je suis sûre que certain d’entre vous êtes des élus. Il est parfois difficile à discerner le bien du mal. Une chose est certaine, l’existence des dragons est une aberration !
Palantir observa l’homme. Il ne pouvait pas être d’accord avec un tel discourt, mais il savait également qu’il ne servait à rien de discuter. Plus les croyances était forte et profondément enraciner, plus il était difficile de dialoguer. Palantir regrettait de s’être avancé sur ce terrain. Avant, la conversation était agréable.
Ancalagon du remarqué la gêne qui suivit son discourt :
— Enfin, il est temps pour nous de nous quittait. Bien que la conversation fût agréable, il me reste des choses à faire. Et vous souhaitez sans nul doute retourner au chevet de votre médecin.
Palantir et Dael se levèrent, saluèrent Ancalagon. Mais, cette fois-ci, tous le firent de bon cœur. Palantir n’était pas le seul à avoir apprécié le général.
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