XXV
Quand Palantir et Gleen revinrent dans leur tente, Gwindor dormait toujours, mais son visage s'était apaisé. Bien qu'inquiet pour leur ami, ils durent également se reposer. Il n'était pas question qu'ils restent enfermés. Cependant, pour pouvoir tenter de s'échapper, il leur faudrait être dans la meilleure des formes.
Gwindor ouvrit enfin les yeux en fin d'après-midi. À son réveil, il souffrait encore grandement de sa blessure et du contrecoup de son sort. Les impériaux l’avaient soigné, mais sans compétences magiques, les soins restaient bien plus sommaires que ce qu’il pouvait faire. On ne lui avait pas donné non plus de médicament, et l’onguent qu’on lui avait apposé était sommaire. Dès son réveil, un garde rentra dans la tente pour lui mettre des bracelets à son tour, ne lui laissant pas le temps de se guérir lui-même
La nuit hivernale tombant très tôt, rassurés de voir leur ami éveillé et après avoir profité d’un bon repas, ils se mirent en action. Gleen était celui s’était le moins reposé de l’après-midi. Mettant en jeu toutes ses anciennes compétences d’apprenti forgeron, il put avec beaucoup de patience retirer les chaines de leur bracelet. Malheureusement, ces dernières étaient trop perfectionnées pour qu’il réussisse à les retirer. Peut-être que Rian ou Auriane aurait réussi…
Une fois débarrassé de leur chaîne, il fallait pouvoir sortir de la tente malgré le garde et sans se faire remarquer. Par miracle, malgré la grande taille du forgeron et les difficultés pour se déplacer du médecin, ils purent sortir de la tente, en faisant un trou dans la toile, sans se faire remarquer.
Toutefois, d’un avis unanime, ils ne se dirigèrent pas vers la sortie du campement. Il leur fallait récupérer leurs armes. Ce n’était seulement une question de fierté, mais surtout une question de survie. Dans les montagnes, les impériaux n’étaient pas le seul danger. Et ils ne pouvaient pas laisser aux zhikerhotes l’épée de Palantir qui était considérée comme un trésor national et la hache de Gleen était sans aucun doute sa plus belle œuvre. Toutes deux ensorcelé, si elles tombaient entre les mains d’élus, elles pourraient faire des ravages.
Plus ils marchaient dans la pénombre, évitant de justesse des soldats ennemis, plus le stress et la pression montaient. Ils ne pouvaient savoir à quel moment l'alarme allait sonner, à quel moment ce serait la fin de leur tentative.
Ils progressaient doucement, aucun d’eux n’étant vraiment spécialisé dans l’infiltration. Privé de magie, ils ne pouvaient sans servir pour augmenter leur discrétion, mais de toute façon aucun d’entre ne connaissait ce genre de magie. Autre gros problème, ils ne connaissaient pas la structure du camp. Ils avançaient donc également à l’aveuglette. Palantir et sa connaissance militaire essayait de les guider aux mieux dans le noir et dans le froid.
Une autre silhouette se déplaçait furtivement dans le campement. Malgré sa grande stature, elle se déplaçait rapidement et silencieusement sans qu’aucun ne l’aperçoive. Contrairement aux trois fuyards, elle semblait parfaitement savoir où elle allait. Peu importe où les mouvements aléatoires menés Palantir et ses amis, la silhouette, s’approchait inexorablement. Bientôt, elle ne fut plus qu’à une dizaine de mètres.
Palantir empêcha de justesse Gwindor de pousser un cri de surprise. Bien qu’il ne pût encore pas voir qui s’approchait, il était inutile de faire du bruit pour rameuter tout le camp.
— C’est Narmacile, chuchota cette dernière. Désolée, nous n’avons pas pu vous prévenir, nous n’arrivions pas à vous contacter.
Palantir montra ces bracelets, la chevalière hocha la tête.
— Ce sont Élentir et Dael qui me guide, dépêchons-nous de trouver vos armes et équipements et filons.
Avec l'aide de la chevalière, guidée avec brio par leurs amis restaient à l'extérieur du camp, ils n’eurent pas de problème pour trouver leur bonheur. Ils commencèrent par récupérer les affaires de médecine de Gwindor qui se trouvaient dans la tente médicale. Le médecin fut content de retrouver toute sa trousse avec les réserves de plantes que lui avait confiées Niniel.
La seconde étape fut de trouver de quoi rééquiper les trois prisonniers pour qu’ils puissent supporter le froid des montagnes. Pour cela, ils ne cherchèrent pas forcément à récupérer leurs affaires de toute façon de mauvaise qualité. Ils réussirent à récupérer ce qu’il fallait en se glissant dans différentes tentes. Glenn remercia de tout son cœur Nuxys de les couvrir. Bien habillé, ils ne leur restaient plus que leurs armes à récupérer. Cela était bien plus compliqué. Élentir, aidée de Dael, n’avait pas eu de mal à trouver la tente dans laquelle elles étaient entreposées. Cependant, cette dernière était sous bonne garde.
La tente étant à l’écart, Narmacile dont la magie était essentiellement offensive lança avec toute l’habilité qu’elle pouvait un sort qui assomma les deux gardes. Le bruit qu’ils firent en s’effondrant leur parut assourdissant. Mais, quelques secondes passèrent et personne ne vinrent voir. Alors, ils se glissèrent dans la tente en tirant les corps avec eux. Dans celle-ci se trouvait une partie de la réserve d’arme du campement. La plupart bien que de qualité suffisante pour être utilisé ne semblait pas avoir été fait par des forgerons qualifier. Gleen avait déjà remarqué cela à plusieurs reprises. Il avait l’impression qu’elle avait était coulé dans des moules avant d’être aiguisé. Gleen se demander dans quelques genres d’endroit l’ont fabriqué des armes d’aussi mauvaise qualité.
Leurs armes avaient été placées légèrement à l’écart. Mais, elles étaient tous là, l’arc de chacun, le petit sabre de Gwindor, la hache de Gleen et l’épée de Palantir. Narmacile n’arrivait pas à comprendre ce qui la dérangeait dans cette disposition. Mais avant qu’elle puisse avertirent ses compagnons de ses doutes. Gleen prit sa hache.
Un piège ! Voilà ce qu’il la gênait. Elle eut tout juste le temps de marmonner une formule de protection qu’une explosion retentit, réveillant tous les camps. Elle attrapa rapidement les armes qui restaient à récupérer et repartit en poussant ses compagnons à la suivre. Bien que légèrement secouer par l'explosion, le bouclier de la chevalière avait fait son œuvre et personne n’avait été blessé.
Cette nuit, Nuxys, Stelasys et Félasys devait les avoir bénis. Bien que tout le campement ennemi se soit réveillé, malgré tous les chevaliers d’élites et l’élu, les quatre fugitifs furent repérés qu’une fois loin du camp. Les flèches qui tentèrent alors de les ralentir réussirent leur mission, les blessants. Mais la nuit et le blizzard, bien que les ralentissant, les firent rapidement disparaître.
Finalement, alors que la nuit entamée sa deuxième partie, ils furent de retour dans la grotte. Frigorifier, blesser, épuisé, mais en sécurité. Pour l’instant.
La nuit qui suivit fut très courte. Gwindor dut, dès leur arrivée, soigner Palantir qui avait pris une flèche dans son épaule droite, alors que lui-même était encore dans un sale état. Par chance, le projectile n’avait pas trop abimé le muscle de Palantir. Mais, soigner son compagnon, alors que lui-même souffrait toujours de sa blessure, plongea vite le médecin dans une profonde léthargie. Élentir, très inquiète, s’assura elle-même de la santé du médecin dont l'état était inquiétant sous le regard bienveillant de Narmacile. La jeune commandante avait du mal à voir son compagnon dans un tel état. Lui qui n'était pas un combattant n'avait jamais eu à être blessé tout au long de ses cinq ans, au pire, il avait eu de légères carences en magie. Le voir dans cet état lui faisait mal à la poitrine. Elle n'avait pas su le protéger, c'était sûrement là d'où venait son malaise. Du moins, c'est ce qu'elle imaginait.
Ne pouvant faire de feu au risque de dévoiler leur position, Narmacile mit en place une boule de chaleur. C’était une magie très pratique lors des voyages, malheureusement, elle restait impuissante face au froid glacial de la montagne. Malgré les efforts de tous, le froid gagnait du terrain. Seul Gwindor, dans son état, semblait plongé dans un véritable sommeil. Les autres somnolaient, essayant de récupérer au mieux.
Une aube sans soleil arriva. La brume s’éclaircit juste suffisamment pour qu’ils puissent voir à quelques mètres devant la grotte. Le silence de la montagne avait quelque chose d’oppressant. Personne ne parlait plus. Tous savaient la situation critique. Leur réserve de nourriture ne tiendrait plus que deux jours, avec deux blessés et étant tous épuisés, la chasse dans un milieu endormit et inconnue était impossible. L’eau ne serait pas un problème, mais la réserve de plante avait beaucoup diminué.
Rester en place plus d’un jour, revenait à renoncer à la vie. Mais, aller dehors sans voir à plus d’un mètre était également du suicide. Cependant, il leur fallait choisir entre Charybde et Scylla. Et, face à une mort certaine dans une grotte, il fut choisi de sortir.
— Il faut que l’on trouve une ferme, assura Narmacile. Quand j’étais petite, des gens descendaient des montagnes après la fonte des glaces pour faire du commerce. Cela veut forcément dire qu'il y a des villages dans les montagnes.
Palantir fronça les sourcils. Il était étonné de l'apprendre, on lui avait appris la géographie et le peuplement du royaume depuis son plus jeune âge, mais, jamais, on lui avait parlé de personne vivant dans les montagnes. Jeune, cela l'avait intrigué, mais son précepteur d'alors lui avait juste affirmé que les conditions y était trop compliquées. Cependant, il avait confiance en Narmacile qui, elle, avait vécu toute son enfance dans le nord, dans l'un des villages les plus nord qu'il ne connaisse.
Toutefois, leur meilleure chance de retrouver une communauté qui vivrait bien dans les montagnes était de retrouver la route dont ils s’étaient éloignés. Cela serait dangereux, les zhikerhotes les y attendraient sûrement. Et, même sans eux, il serait difficile de retrouver leur chemin. Après avoir bien réfléchi, alors que le soleil allait bientôt être à son zénith, Élentir réveilla Gwindor et ils sortirent de la grotte protectrice pour affronter la nature déchainée. L’ordre de marche ne fut pas difficile à déterminer. En tête Dael, il avait un regard capable de détecter n’importe quelle trace, qu’elles fussent amies ou ennemies. Gleen et Narmacile soutenaient de leur mieux Gwindor toujours dans un piètre état. Palantir juste devant eux, le bras dans une écharpe sous sa lourde veste et Élentir fermant la marche.
Le bruit des pas dans la neige était entrecoupé de murmure. Dael récitait régulièrement des sorts et Gleen marmonner des prières dans lesquelles revenaient Lilosys conscience du froid et de l’eau, Rarlys conscience de la chaleur et du soleil et Valys conscience du vent. Pourtant, ses suppliques ne durent pas émouvoir les consciences, la brume ne se leva pas, et même si marcher les réchauffer, il était maintenant trempé. S’ils ne trouvaient pas de ferme avant la nuit, c'en sera fini pour eux.
Malgré leur grande fatigue, ils ne prirent aucune pose, pour conserver le peu de chaleur. Ils mangèrent leur dernière provision tout en marchant.
Les journées dans la montagne étaient plus courtes, la luminosité baissée rapidement. Le froid se fit plus perçant. Malgré les sorts réchauffants, ils commencèrent à perdre les sensations à l’extrémité.
Alors que même Élentir commençait peu à peu à perdre espoir, la voix enrouée de Dael résonna :
— Il y a une sorte de bâtiment. Je dirais à deux cents mètres plein nord. Je distingue mal dans la brume, mais j’en suis sûr.
L’espoir redonna du courage à la troupe. Ils se dirigèrent sans hésiter vers cette présence humaine pour l’heure, ils ne se posaient même plus la question de la présence de l’empire. Seule la survit comptée.
Alors qu’ils avaient fait avec difficulté la moitié du chemin jusqu’à la bâtisse, des silhouettes se distinguèrent dans la brume. Une grande femme s’approcha d’eux :
— Il n’y a bien que le peuple des plaines pour penser à s’aventurer dans la montagne en hiver. Puis-je savoir ce qui vous amène ici ?
Palantir s’avança :
— Pour l’instant, nous cherchons refuge pour nous reposer et nous ravitailler. Nous sommes poursuivis par les zhikerhotes.
La femme observa un instant le groupe avant de faire un signe à ses compagnons qui s’approchèrent avec des civières. Les voyageurs furent rapidement pris en charge. Mit dans d'épaisses couvertures et couchait sans qu’ils puissent protester. Les montagnards commencèrent alors à se diriger vers les bâtisses.
— Les tristes nouvelles nous sont bien parvenus, mais nous ne pensions pas que l’armée impériale monterait aussi loin dans le nord. Espérons qu’ils soient plus raisonnables que vous et soient arrêtés plus bas. Mais, vu votre état, il y a peu de chance que nous recevions une visite. Le blizzard ne se lèvera pas d'ici à quelques jours et s'ils sont malins, ils resteront à l'abri.
La femme continua à parler ainsi jusqu’à ce qui eut atteint les bâtisses, insistant sur le fait qu'il ne fallait pas qu'il s'endorme. Bien que dans un état second, ils furent soulagés quand ils atteignirent le village. Ce n’était pas vraiment un village en réalité, mais plutôt une grande ferme. On les mena dans le bâtiment principal. Bien que nos voyageurs n’étaient pas assez conscients pour s’en rendre compte, mais il fut accueilli chaleureusement. Ils furent placés près du feu même si l’immense pièce la chaleur se répartissait uniformément. Dans cette immense pièce, on ne sentait pas l’hiver. Elle était pleine de vie, de bruit, de rire et de chant.
Près du feu, devant une grande marmite, un petit groupe d’homme et de femme cuisinait accompagné de plus jeune. Ils partageaient leur secret avec la jeune génération. Non loin, une veille au regard sage, mais vitreux contait à une assemblée composée aussi bien de jeune et de moins jeune des histoires. À l’autre bout de la pièce, certains s’afféraient à entretenir ce qui avait besoin d’être réparé : habit ou outil. D’autre tissait, tricotait, sculpter. Et tout cela se passait sous les rires et les chants.
Le guérisseur de la ferme, accompagner d’aide, s’occupa des nouveaux arrivants qui étaient tous tombés dans un profond sommeil réparateur.
La petite troupe dormit une journée complète, ne se réveillant que dans la soirée suivante. À leur réveil, tous avaient parfaitement récupéré à l’exception de Gwindor qui, bien que réveillé, était dans un état brumeux. Ils furent rapidement installés autour de la grande table sur laquelle un buffet leur avait été préparé. Les enfants leur tournaient autour, ne cachant pas leur curiosité, ils n’avaient encore jamais rencontré de gens des pleines. La femme qui les avait accueillis la veille s’installa en bout de table, elle déclara :
— Je suis heureuse de voir que vous vous rétablissez rapidement. Vous êtes de vraie force de la nature, peu d'entre nous aurait réussi à se lever au rapidement après avoir traversé un tel blizzard. Je ne me suis pas encore présenté, je suis Féna, porte-parole de cette communauté. Dîtes moi donc, je... Enfin, nous sommes tous curieux de savoir ce qui amène des gens des plaines, dans les montagnes, malgré l’hiver. Je ne pense pas que fuir Les impériaux soit la seule raison.
Entendant, Féna parler, tout le monde cessa leur activité pour entourer les nouveaux arrivés. Il n'y avait pas que les enfants qui étaient curieux. La plupart des jeunes adultes n'avaient jamais rencontré de gens des plaines. Et leur présence ici intriguée autant qu'elle inquiétait. Cela voulait-il dire que même les montagnes ne pourraient les protéger de l'empire ?
— Avant de vous répondre, je souhaite vous remercier au nom de nous tous de nous avoir sauvés. Sans vous, nos âmes auraient rejoint Coclys à l'heure qu'il est.
Rejoignant les paroles de leur ami, tous s'inclinèrent avec sincérité. Féna accepta de bon cœur les remerciements. Bien que c'était leur devoir de porter de l'aide à n'importe quelle âme blessée et perdue dans les montagnes, il était mal vu de refuser les remerciements. Dans le royaume, cela revenait à remettre en doute la sincérité de celui qui remerciait. Elle s'inclina juste en retours et attendit que ses invités poursuivent :
— Laissez-moi nous présenter, poursuivit donc le prince. Je suis Palantir D’Ailegrande. Voici Élentir Blanchepré, chevalière et commande de la garde princière. Gwindor, médecin de la cour. Gleen ancien forgeron. Dael dont le regard nous a sauvés tant de fois. Et enfin Dame Narmacile chevalière. Tous mes amis sont membres de la garde princière.
Des murmures parcoururent l'assemblée à l'évocation de tout ce beau monde. Bien sûr, l'on avait remarqué le regard unique du jeune homme. Mais personne n'avait le lien entre lui et le prince héritier du royaume. Ici l'on ne savait pas vraiment à quoi ce dernier ressemblait et si l'on avait bien entendu parlé de son regard vairon, il y avait plus de chance de croiser un homme ordinaire avec ce regard que le prince. Surtout dans les montagnes. L'assemblée était tout aussi impressionnée par ceux qui accompagnaient le prince. Tout le monde connaissait la légendaire Élentir qui avait, à la tête d'une minuscule troupe, réussi à sauver les défunts souverains des dangereux pirates de l'ouest alors qu'elle n'était qu'une écuyère de quinze an.
On était également impressionné par le frêle Gwindor qui semblait à peine être rentré dans l'âge adulte, mais qui pourtant était déjà médecin de la cour, alors que même d'excellent médecin avec de l'expérience ne pouvait rêver un jour de l'être.
Narmacile impressionnait par sa stature et son titre, les chevaliers n'étaient pas nombreux, mais tous connaissaient leur puissance.
Et enfin, les gardes princiers étaient encore plus rares que les chevaliers, donc même l'ancien forgeron et l'ancien garde du palais était regardé avec respect et admiration.
— En voilà du beau monde, fit remarquer presque amusée Féna. Je dois bien vous avouer que je ne pensais pas en voir un jour… Mais, si je peux me permettre, cela ne me dit pas ce qui vous amène dans les montagnes.
— Cela sera un peu long à tous expliquer, expliqua Palantir avant de tout de même poursuivre. Que savez-vous exactement de la situation du royaume ?
Les visages qui jusqu'alors reflétaient de la joie et de la curiosité se couvrir d'émotion plus sombre. Mais Féna répondit toujours calme :
— Durant la dernière procession, la capitale est tombée soudainement aux mains de l’empire. Ils ont tué les souverains et emprisonner une grande partie des généraux, chevaliers et autre personne de pouvoir se trouvant sur la capitale. Vous, les héritiers, vous avez pu y échapper, car vous dirigiez la procession. Cependant, depuis lors, l’empire a pris le contrôle de la quasi-entièreté du royaume. Ils vous recherchent activement ainsi que Dame Élentir qu’ils pensent être une enfant de dragon.
Élentir ne put s'empêcher de tiquer en entendant la dernière phrase, mais ne dit rien. Elle ne put s'empêcher de toucher sa marque qui n'était plus cachée. Ce malheureux geste attira l'attention d'une partie de l'assemblée qui l'observa avec encore plus de déférence. Elle comprit vite que certain croyait à cette rumeur idiote, ce qui l'agaça encore plus.
— Vous avez plutôt bien résumé les choses, reprit Palantir sans se soucier de l'agacement de son amie. Ce que vous n’avez pas dit, c'est qu’une résistance s’est mise en place dans les anciennes ruines. Nous savons également que l’empire projette d’attaquer la confrérie. Pour l’instant, ils ne savent toujours pas où elle se trouve, mais ils ne tarderont pas à la découvrir. Pour les aider toutes les forces à notre disposition ont été envoyées sur place. Mais, cela ne suffira pas.
Une vielle femme qui semblait être une mage, fronça les sourcils. Elle avait compris pourquoi ils étaient et elle n'en sembla guère heureuse :
— J’espère que vous ne pensez pas aller cherche de l’aide par-delà les montagnes.
Palantir sourit avec politesse et gentillesse :
— Je vois que vous avez deviné nos attentions.
— Ce serait un suicide de le faire cet hiver ! Attendez au moins qu’il soit passé.
Palantir fit un sourire contrit :
— Ce serait également suicidaire de laisser tomber la confrérie. Il ne doit pas rester longtemps avant que l’empire ne découvre sa position.
Féna repris un peu son calme, mais elle protesta tout de même :
— Je ne suis pas sûre que vous êtes bien conscient des dangers. Même pour l’un d’entre nous, le voyage jusqu’à la frontière est extrêmement incertain et mortel, alors pour vous… Je parle de ça même durant les beaux jours. Vous allez mourir. Et même si un miracle survenait, que l'un d'entre vous était une conscience réincarnée. Vous ne savez pas ce que vous trouverez au-delà des montagnes. Les dragons ont disparu depuis longtemps, pourquoi leur nid serait toujours par-delà les montagnes ?
Malgré ces paroles, tous les compagnons gardèrent un air déterminé. Ils étaient arrivés ici, ce n'était pour abandonner si près du but !
— Nous y arriverons, nous n’avons pas le choix.
La vieille dame soupira avec force et tristesse :
— Rares sont les gens des plaines à nous rendre visite. Pourquoi faut-il à chaque fois que ce soit pour des vœux impossibles. Ne savez-vous donc pas que la vie est le cadeau le plus précieux que nous ont offert les consciences ?
— Vous dites cela comme si quelqu’un nous a précédé ?
Le regard vitreux de l’ancienne se posa sur Gleen qui avait parlé avec curiosité :
— Oh, c'était il y a bien longtemps. Tu n’étais encore qu’un nourrisson. Si ma mémoire ne me joue pas un tour, je dirai que cela fait bien vingt hivers qu’elle s’est arrêtée dans notre ferme. Elle nous a tous marqués. Il est dommage qu’elle ait choisie cette voie, car il est rare de voir une femme aussi forte. Nous l’aurions pourtant recueillie parmi nous, elle et sa fillette.
Le regard de Palantir s'éclaira :
— Que venait faire ici une femme et son enfant.
À la question de son ami, Élentir s'était crispée. Elle connaissait trop bien pour ne pas savoir à quoi il pensait. Elle le foudroya du regard, mais il était bien trop occupé à écouter le récit de la vieille dame pour le remarquer :
— Si vous êtes curieux, alors je commencerai mon récit par une vieille légende que nous connaissons tous. C'est une légende qui nous vient du temps où les dragons volaient encore dans notre ciel. Il se racontait alors que si une famille était désespérée au point de ne pas pouvoir assurer la survie de leur enfant. Et qu’elle avait le courage de traverser les montages jusqu’au grand portail. Alors, les dragons prenaient sous leurs ailes protectrices l’enfant qui devenait l’un des leurs et vivait ainsi une longue vie de bonheur. Cependant, cela fait bien longtemps que plus personne n’est venu apporter un enfant au portail. Le silence des dragons étant toujours aussi pesant. Pourtant, il y a vingt ans de cela, une femme s’est effondrée non loin de la ferme. Elle faisait un voyage désespéré pour confier son nourrisson aux dragons. De ce temps-là, mes yeux voyaient encore. Cette femme qui semblait ordinaire. Cependant, bien qu’elle fût si fatiguée et affamé qu’elle ne pouvait plus se porter, elle avait un regard plein de force et de détermination. Le plus surprenant, c'était le nourrisson. Contrairement à sa mère, il ne paraissait souffrir d’aucun mot. Notre mage d'alors nous avait expliqué qu’il était protégé par une étrange magie qui devait venir de l’amour que lui porter sa mère. Nous les avons recueillies. Durant une semaine complète, la mère a dormi, ne se réveillant que pour se nourrir, elle et sa fille. Mais, quand elle fut enfin sur pied, elle n’eut plus qu’une idée en tête. Confier son enfant aux dragons. Nous avons tout fait pour la retenir et la convaincre de vivre avec nous. Au moins jusqu’au retour des beaux jours. Mais rien à faire. Un matin, elle avait disparu. Bien évidemment, nous avons essayé de la retrouver, mais il n’y avait plus de trace d’elle. Quand le temps fut plus clément, au printemps suivant, nous avons envoyé une équipe jusqu’au portail. Ils ont retrouvé le corps de cette brave femme, parfaitement intact. Malheureusement, le nourrisson avait disparu, des rapaces s’en sauront chargé. Comprenez donc, ce n’est pas la force et le courage qui manquait à cette femme, pourtant, la Montagne a eu raison d’elle, ne faisait pas la même erreur.
Quand l’ancienne se tut, un silence pesant prit place. Un malaise avait pris les membres de la troupe. Personne n’osait vraiment prendre la parole jusqu’à ce qu’Élentir le fasse brutalement :
— Je comprends votre avertissement, mais nous partirons demain matin !
Beaucoup furent surpris par le ton dur employé par la jeune chevalière. Palantir posa une main calme sur l’épaule de son amie de poser une question qui valut à sa main d'être violemment repoussé de l'épaule de son amie :
— Avant, je me demandais juste quel est le nom de cette femme et qu’avez-vous fait de son corps ?
Peu de gens purent interpréter le regard meurtrier qu'eut Élentir vis-à-vis de Palantir :
— Elle se nommait Issylu et nous l’avons enterré parmi nos morts.
— Ne voudrais-tu pas te recueillir sur sa tombe avant notre départ, Élentir.
Ce fut le mot de trop. Pourquoi son ami, habituellement plein de tact, cherchait à ce point à la mettre hors d'elle-même.
— Pourquoi je voudrais me recueillir sur la tombe d’une inconnue ?
Sa voix glaciale figea la plupart des auditeurs. Mais, Palantir garda le sourire en la regardant sortir dans le froid.
— Je pensais que tu avais plus de tact, s’exclama Gwindor énervé quand elle fut partie.
Palantir sourit. Il était presque fier de voir le timide médecin élever la voix pour protéger son amie :
— Elle y pensait déjà. Sa réaction le prouve. Cependant, ça lui aurait pris beaucoup de temps pour se confier à nous. Je cherche juste à accélérer les choses. La titiller la forcera à plus y réfléchir, c’est tout.
Gwindor fixa Palantir dans les yeux avec un air de défi avant de hocher la tête. Il connaissait sûrement moins Élentir que le prince, mais il savait que ce dernier avait raison.
— Je me trompe où vous semblez penser qu’Élentir est le nourrisson de l’histoire, demanda alors Féna avec justesse, mais dubitative.
— Vous ne vous trompez pas.
Le fait que ce soit Narmacile qui avait répondu avec son habituelle ton abrupte parut faire vaciller les certitudes de la cheffe. Cependant, elle retourna :
— Permettions-nous d’en douter. L’enfant n’aurait pu survivre.
— Savez-vous les raisons de la rumeur sur le fait que notre commandante soit l’enfant d’un dragon ? En dehors de sa marque sur le front bien évidemment.
Personne ne répondit :
— La première fois que cette rumeur a circulé, c'est quand l'on a cherché à comprendre ses origines. Élentir a été retrouvée il y a quinze ans, dans un pré au pied des montagnes. Seule, sans traces expliquant sa présence, loin de toute présence humaine. Elle n’avait alors que cinq ans et était amnésique. Elle était vêtue d’atour très étrange et mieux portante que la lignée royale. La deuxième raison vient sûrement de son éducation. Élentir savait déjà lire et écrire quand elle fut recueillie, elle parlait déjà le draconique. Elle était d’ailleurs bien plus éduquée que la plupart des adultes du château. L'on racontait qu'elle était une enfant de dragon bien avant son esclandre au palais et qu'elle ne révèle sa marque.
— Et comment se fait-il qu’une si étrange enfant n’ait pas fait plus parler d’elle avant aujourd’hui ? Je veux dire, elle est impressionnante, mais si elle était vraiment une enfant de dragon, ne devrait-elle pas l'être davantage ?
— Parce qu’elle a toujours caché ses véritables dons, répliqua Palantir. Jusqu’au dernier évènement, les rares à connaître tout ça, c'étaient ses parents adoptifs, quelques rares membres de la garde et ma sœur et moi. Elle a tout fait pour éteindre les rumeurs.
— Je m’excuse, mais je ne peux m’empêcher de douter.
— Et c’est tout à votre honneur.
Élentir venait de rentrer, elle avait à présent totalement retrouvé son calme.
— Moi-même, continua la jeune femme, je ne crois pas être cette enfant. Changeons donc de sujet, comment nous rendre au pays des dragons ?
Après avoir essayé une nouvelle fois de les convaincre d’attendre le printemps, les montagnards leur donnèrent quantité de conseil. Puis, ils allèrent profiter d’une dernière nuit de sommeil dans un lit confortable.
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