II

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Cela devait bien faire deux mois qu'Auriane, Rian et Irwaen avaient quitté le campement. Malgré le contexte du voyage, ce dernier s’était plutôt bien déroulé jusqu’à présent. Ils avaient choisi de faire un long détour par le sud pour rencontrer un maximum de monde avant de reprendre la route pour la confrérie. La situation au sud était plutôt calme, les soldats respectaient l’ordre de ne pas faire de mal à la population. Et jusqu'à présent, leurs tâches avaient plus été d'aider la population comme à leurs habitudes pour des questions ordinaires que de les protéger contre l’envahisseur. Une meute de loup dirigeé par un loup doué de magie. Un puits effondré. Aider aux réparations d’une ferme, à l’accouchement de bétail, à la mise en grenier des maigres récolte…

Bien que l'omniprésence des soldats impériaux complique leurs missions, ils parvinrent également à répandre des rumeurs sur un campement pour se réfugier aux abords des ruines de l'ancienne capitale et que ce qui souhaitait se battre y était également attendu.

Ils se dirigeaient à présent directement vers la confrérie, toujours dans une bonne humeur agréable. Le voyage était animé par l’espièglerie de Rian et la malice d’Auriane. Finalement, Irwaen était celle qui canalisait tout le monde pour éviter les pires débordements. Si elle ne les retenait pas, ses deux compagnons auraient déjà essayé de piller un campement zhikerhote. Et sans ces bêtises, leur voyage était presque sans risque. À trois, ils n’attiraient pas l’attention. Ils étaient juste deux femmes et un garçon qui voyageait pour trouver du travail. Pour les patrouilles ennemies, ils ressemblaient à deux sœurs voyageant avec leur petit frère.

Ryan était le plus jeune de la garde, mais il avait maintenant dix-huit ans, suffisamment âgé pour être considéré comme adulte par les chevaucheurs comme les zhikerhotes. Pourtant, il faisait bien plus jeune. De petite taille, il n’avait pas réussi à combler son retard de croissance dû à la malnutrition de sa jeunesse dans les bas quartiers de Premil. Son visage n’avait toujours pas perdu ses rondeurs enfantines, gardant encore son visage angélique et son regard vert intense et innocent. Sa chevelure ondulée s’était légèrement éclaircie pour se rapprocher du blond. Cependant, il trompait toujours aussi bien les gens qui le voyaient comme une innocente petite chose et non comme un garde princier avec une magie qu’il maitrisait certes encore mal, mais qui lui permettait augmenter ses talents qu’il avait acquit jeune quand il était voleur. Il n'y avait pas de doute, les soldats tomberaient sans mal dans le panneau.

Pour les chevaucheurs, Auriane ne pouvait évidemment pas être la sœur de sang de ce petit diable au corps d’ange. Leur seule ressemblance était leurs cheveux qu’elle préférait garder court et dont la couleur était assez similaire. En dehors de ça, elle était grande et musclée en finesse. Et son regard gris était bien plus souvent moqueur et ironique qu’innocent. Tout comme son jeune compagnon se faisait remarquer pour son côté innocent et angélique, elle ne passait pas inaperçue par sa beauté. Sauf bien sûr quand il ne fallait pas être remarquée, là, elle était surement la meilleure de toute la garde. Son ancien surnom de reine des voleuses n’avait pas volé lui. Son talent pour se faufiler partout et de dérober tous ceux qu’elle voulait était devenue un mythe. Et elle avait fini par le mettre au service d’Élentir qu’elle appréciait autant que les enfants des bas quartiers dont elle s’était occupée avec Salvin. Et si elle n’était pas la vraie sœur de Rian, il n’empêchait qu’elle l’aimait comme son frère, comme tous les autres enfants qu’elle avait eus sous son aile. Pourtant, malgré cette grande différence, pour les envahisseurs, ils étaient tous pareils, si nos trois compagnons leur affirmer être de la même fratrie, ils n'en douteraient même pas.

Devant une relation aussi fraternelle, Irwaen aurait pu se sentir exclut. Mais ce n’était pas le cas avec sa jovialité et son côté combattif, elle était parfaitement intégrée. Sans elle, d’ailleurs, ils se seraient sûrement retrouvé de nombreuse fois dans de mauvaise posture. Non qu’ils soient totalement irréfléchis, mais plutôt que les deux réagissaient toujours à l’instinct. S’il voyait une personne dans une mauvaise situation, ils se jetaient tête baissée à son aide sans réfléchir aux conséquences. Irwaen c'était celle qui passait le plus inaperçu. De stature normale bien que musclé, elle ressemblait à n’importe quelle autre chevaucheur avec ses yeux bleu foncé et sa chevelure blonde attaché en catogan. Seule ses quelques cicatrices et son épée qu’elle dissimulait pouvait dévoiler qu’elle était sans nul doute une chevalière redoutable et plus dangereuse que ces deux compagnons.

Durant ces deux mois de voyage, ils avaient cependant pu observer l’évolution du comportement des envahisseurs. Qui était passé de presque serviable à irritable et violent. Au début de leur voyage, quelques patrouilles avaient proposé, cachant difficilement leur animosité, mais restant très cordiale, leur aide pour rejoindre le prochain village. Puis hormis quelques contrôles certes peu agréables, mais jamais violent, on les avait ignorés et ouvertement méprisé. Les moqueries avaient commencé à voler, le plus souvent chuchoter, en zhikerhote. Mais les trois compagnons comprenaient bien la langue de l’empire et savaient que les langues dans le rang ennemi se déliaient, montrant que le supérieur semblait ignoré, voir participé ces écarts de conduite par rapport au respect promis par l’empire. Puis vint, le jour où des mains baladeuses se posèrent sur Auriane. Si Irwaen n’avait pas habilement désamorcé la situation, des mains serraient tombées. Puis ce fut au tour d’Irwaen et même Rian d’être importuné.

Quand un homme essaya de mettre la main sur le garçon, Irwaen n’essaya même pas d’arrêter Auriane, au contraire, elle vint à son aide. On ne touchait pas au petit frère de la garde, même s'il était parfaitement apte à se défendre par lui-même.

Ce fut même Auriane qui plaida pour qu'on les laisse en vie bien que fort défiguré. Préférant couper l’objet de leur fierté les laissant souffrir pour le reste de leur vie que de leur privé de cette dernière. Mais Irwaen s’y opposa catégoriquement. Non que cela lui fasse plaisir d’enlever des vies, cependant, personne dans leur groupe ne pouvait effacer leur mémoire et il ne fallait pas qu’ils soient attrapés. Ce fut la première dissension du groupe, mais Irwaen finit par avoir le dessus, gagnant le soutien de Rian. Auriane ne put que s'attrister qu'une vie même ennemie soit enlevée.

 Mais cette altercation n'était qu'un des avertissements qui les menèrent à prédire ce qu'il allait se passer. La nouvelle tomba alors qu'ils étaient Feyrune, vile centrale de la région où ils se trouvaient alors. Avant la perte de la capitale, elle était administrée par un compte qui était également chevalier de l'ordre. Malheureusement, avec l'arrivée des impériaux, il avait dû se retirer. S'il n'avait tenu qu'à lui, il aurait combattu pour tenir son compté, mais ses conseillers, les habitants et ses amis lui avaient demandé de fuir. L'empire n'avait certes pas encore fait de mal à la population si elle ne se rebellait pas, mais tout comme les nomades, les chevaliers faisaient exception à cette règle et étaient systématiquement arrêtés. Stratégiquement, comme l'empire ne ferait pas de mal dans l'immédiat, l'on avait demandé au comte de se rendre avec d'autre personne influente aux ruines.

 Nos compagnons s'y rendirent pour prendre des nouvelles et se réapprovisionner. Tandis que les deux femmes se rendirent directement au marché et dans les échoppes qui les intéressaient, Rian se faufila jusqu’à la place centrale où une foule s'était attroupé. C'était à lui d'aller à la pêche aux informations.

Au milieu de la place avait été monté un échafaud sur une estrade. De toute évidence, il était là depuis déjà longtemps au vu de l'usure du bois. Pour Rian comme pour beaucoup de chevaucheur, ce n'est qu'avec l'arrivée des zhikerhotes qu'il découvrit ces horribles constructions. D’ailleurs le mot lui-même venait du zhikerhote. Cependant, ces immondes structures faisaient maintenant partie du paysage, il n'y avait pas de ville qui n'en avait pas. Et tout le monde faisait de son mieux pour éviter le regard du supplicié, enfin ce jour-là de la suppliciée. C’était ce qui avait attiré l’attention de Rian. Il devait avoir une raison pour que les villageois se rendent sur une place qu’ils fuyaient habituellement.

Il se glissa sans mal dans la foule, pour se rapprocher de l’estrade, quand un zhikerhote accompagné de soldat monta sur l’estrade, dissimulant à peine son mépris pour la foule qui s’était immédiatement tu à son apparition. Le jeune garde ne pouvait que voir la grande crainte qu’inspirer cet homme au villageois.

– À compter de ce jour, commença-t-il sans aucune introduction et dans un accent à couper au couteau, la seule religion autorisée et enseignée sera la seule véridique religion qui existe, celle de notre grand Dieu créateur de toute chose. Quiconque sera pris en train de pratiquer une croyance impie et hérétique sera durement puni. À la mesure de son crime. L’évocation de dieux hérétiques ou de n’importe quel nom associé à une hérésie sera également condamné. Tous prêtres hérétiques doivent se rendre à l’autorité du grand empire pour être purifiés. Ceux qui choisiront de ne pas se présenter seront exécuter sur le champ avec tous ceux qui les auraient aidés. À compter de ce jour, les temples de la ville seront condamnés jusqu’à la venue d'un élu qui les purifiera. En attendant, tous les villageois doivent se rendre quand la cloche du village sonnera dix coups sur cette place pour y suivre les préceptes de notre grand dieu. Remerciez le grand Empereur, envoyé de dieu sur terre, pour la bonté qu’il vous accorde de vous purifier et de vous permettre d’avoir une chance de revenir auprès de Dieu. Qu’Il soit loué !

Le discours se finit sans aucun n’applaudissent ni réaction visible de la part d’un public qui faisait de son mieux pour cacher sa frustration, sa peur et sa colère. Pour les chevaucheurs, croire une autre divinité que les consciences, n’avait rien de choquant. Dans leur croyance d’ailleurs, il existait d’autre divinité qui s’était élevée par leur propre capacité. Braghog notamment était un dragon qui avait aidé Luclys et Coclys à rétablir un fort déséquilibre dans la magie qui aurait pu conduire à la fin de ce monde. Pour le récompenser, il a obtenu à sa mort de ne pas retourner dans la matière originale, source de création et de magie, comme la plupart des créatures, ou même auprès de Luclys comme tous les dragons qui ont su se faire remarquer par ce dernier ; mais de conserver son énergie et une forme astrales qui ne se détériorerait pas malgré l’écoulement du temps. Il devint ainsi le gardien de l’équilibre magique. Ainsi, il existe dans les croyances des chevaucheurs pleins de petite divinité, parfois locale, parfois plus connue. Dans certaine région, au sud surtout, le dieu des zhikerhote fait également partie du panthéon des Consciences. Il serait plus vu comme une divinité créer des mains même de Coclys pour s’assurer du fonctionnement de la terre. Pour ces croyants, ce dieu serait la toute première création de Coclys après la matière originale et aurait assisté Coclys et les Consciences dans la création de l’univers.

Cependant, d’aucun pourrait s’imaginer abandonné leur croyance pour un Dieu unique qui leur paraissait bien sanguinaire. Notamment, que pour beaucoup de chevaucheur, la croyance d’un Dieu unique semblait trop improbable. Un univers crée par un seul Dieu tout-puissant, entré en contradiction avec leur manière de penser bien plus communautariste. Chez les chevaucheurs, aucune communauté n’était dirigée par une seule et unique personne. Les souverains, chef de tribu et chef de village et même les seigneurs n’avait pas pour rôle de diriger. Et l’on retrouvait cela dans leur croyance. Les Consciences et leurs divinités secondaires n’étaient dirigées par personne et se concertaient pour les choix importants. Si c’est bien Coclys qui avait eu en premier l’idée de créer l’univers, il ne l’a pas fait tout seul et n’a jamais imposé ses choix.

Rian était comme beaucoup en colère qu’on veuille étouffer ses croyances. Il n’avait jamais été un pratiquant, il n’avait pas eu le temps pour ça et d’ailleurs, il n’aurait pas su comment faire. Cependant, La religion lui avait permis de comprendre le monde qui l’entourait. Le soleil était la création de Rarlys pour illuminer la terre, les étoiles étaient un cadeau de Stelasys pour permettre à toute créature de se retrouver même dans la nuit. Finalement, une grande partie de sa conception du monde était fondée sur les préceptes de la religion. Et cela lui convenait bien plus que la réponse toute trouvée des zhikerhotes ; « Dieu l’a voulu ainsi ».

Il était d’autant plus en colère que si lui pouvait très bien se défendre, ce n’était pas le cas de la plupart des gens. L’utilisation des noms des Consciences était quelque chose de très commun dans le langage des chevaucheurs. Les zhikerhotes avait donc juste trouver un semblant de légitimité pour persécuter la population. Les prêtres étaient également le piler de la société des chevaucheurs, chaque temple avait son utilité. Les prêtres de Coclys étaient de très bons architectes et artisans. Grâce à eux-mêmes, les plus petits villages pouvaient avoir des infrastructures adapter et fonctionnelle. Ceux de Olys était de très bon médiateur et était d’une grande aide pour la justice. Ceux de Grys étaient chargés d’instruire et de conserver le savoir. Ceux de Luclys étaient de grand magicien et enseignaient la magie. Ceux de Nuxys aidaient à résoudre les problèmes et s’occupaient des tâches dont personne ne voulait. Et ainsi de suite. Il n’y avait pas un seul prêtre qui n’apporte pas son aide à la société. En les faisant disparaître, l’empire porté un coup dur aux chevaucheurs.

Parce que Rian n’était pas dupe, l’empire ne cherchera pas à convertir des prêtres. La plus grande probabilité, c'est qu’il allait les mettre en esclavage. Rian ne pouvait que rager de son impuissance. Et il ne pouvait que s’inquiéter pour les prêtres, surtout ceux du temple de Nuxys de Premil qui avaient toujours était d’une grande aide envers les bas quartiers. C'est avec une mine sombre qu'il retourna auprès de ses camarades.

Ce n'est qu'une fois loin de la ville, le jeune homme leur appris la triste nouvelle. Tout comme le garçon, les deux femmes furent révoltées par la décision de l’empire, mais pas surprise. L’empire poursuivait juste sa conquête du royaume, maintenant qu’il avait gagné les terres, il lui fallait asservir son peuple. Et la religion avait toujours été le moyen favori de l’empire pour asservir les populations.

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