III
Ellyne s’était parfaitement bien intégré aux écuries. Elle s’était fait passer pour une palefrenière dès le début de l’occupation du château par l’empire. Aucun chevaucheur ne l’avait dénoncé, d’autant plus qu’elle en connaissait beaucoup puisqu’elle avait vraiment été palefrenière avant de rentrer dans la garde. Elle avait craint un temps que l’empire finisse par se débarrasser d’elle, comme il n’était pas possible pour eux qu’une femme fasse ce genre de tâche en dehors peut-être d’une esclave. Mais ces grandes compétences lui avait permis de rester là où un certain nombre de ces camarades avait été forcée de partir. Cela avait été compliqué pour elle de rester. Des jours, elle aurait voulu faire le choix de partir avec Hoel et Lidoire et de protéger les familles de ses compagnons d'armes. Mais elle savait que sa mission était capitale.
Plusieurs fois, elle avait eu envie de les rejoindre, surtout quand elle avait su qu’ils allaient enfin quitter la capitale, il y avait un mois de cela. Il ne restait plus aucun de ses compagnons de la garde sur Premil. Et elle avait de moins en moins d’amis parmi ces collègues. Le plus dur commença quand Lago, l’ancien maître d’écurie, avait disparu sans explication un mois après l'arrivée de l'empire.
Dès leur arrivée, les zhikerhotes avaient rétrogradé Lago et placé un nouveau maître d’écurie. Mais contrairement à sa sœur, Sancie, l'ancienne dresseuse royale, qui avait été immédiatement chassé du palais, il avait pu garder un poste aux écuries. Au début, l’empire manquait encore de serviteur et d’esclave, le choix avait donc été fait de garder les serviteurs du palais en place le temps que la relève arrive. Lago qui était influant au palais, avait été gardé pour qu'il calme les ardeurs de certains serviteurs peu ravis de travailler pour l'envahisseur.
De toute manière, les zhikerhotes avait un certain mépris pour les professions lié aux animaux comme pour toutes celle qui était associée aux serviteurs. Les palefreniers étaient des serviteurs assez bas dans le classement, leurs tâches étant fastidieuses, fatigante et salissante. Seul le maître d’écurie était digne qu’on lui adresse convenablement la parole, étant souvent issu d’un milieu plus noble et n’ayant jamais été garçon d’écurie.
Les envahisseurs n'avaient donc guère prêté attention à Lago. Il avait fallu du temps pour qu’un chevalier finisse par se rendre compte de la grande influence de l’homme très respecté parmi les serviteurs et les chevaucheurs restés au palais. Bien sûr, au début cela leur avait semblé bénéfique, Lago calmait les esprits trop agités, mais ce n’était sans compter qu’il était en réalité un des chefs de la résistance à l’intérieur du palais. Quand finalement, il a été découvert, il a tout simplement disparu. Ellyne savait juste que même Sancie n’avait eu aucune nouvelle.
Il avait été alors dur pour Ellyne de ne rien faire. Pour ne pas être découverte, elle ne s’était pas approchée de la résistance, mais elle savait tout le bien qu’avait fait Lago. Et surtout, il avait été un mentor pour elle. Elle savait que sa disparition signifiait surement la torture et la mort. Mais elle ne pouvait quitter son poste, sa mission était bien plus importante.
Pourtant, à partir de là, sa vie devint un enfer. Lago l’avait toujours protégé du nouveau maître d’écurie, Assur. Ce zhikerhote se sentait bien supérieur à elle, et pas juste hiérarchiquement. Il était un homme et elle une femme. Si elle était toujours palefrenière, elle ne le devait qu'à l’amour que lui portaient les animaux, sa seule présence suffisant à les apaiser.
Après le départ de Lago, le zhikerhote avait tenté de lui imposer de coucher avec lui. Comme elle avait refusé, il l’avait fait remercier. À ce moment, Ellyne était rentré dans une grande dépression que seul Dagger, son chien-loup, l’avait aidé à s’en sortir. En effet, le dilemme était compliqué. Si elle voulait poursuivre sa mission au mieux, il lui fallait retourner au palais. Bien sûr, sa capacité de communiquer avec tous les animaux, pouvait lui permettre de continuer à espionner. Cependant, Les animaux n’avaient la même vision du monde que les humains et ils ne pouvaient pas suivre des ordres trop complexes. Ils ne rapportaient que ce qu’ils avaient vu, ressenti, mais ils ne pouvaient transmettre les langues humaines qu’ils ne comprenaient pas. Mais là seule solution qu’elle voyait pour se rendre de nouveau au château était d’accepter les avances répugnantes d’Assur. Elle avait essayé de se convaincre que finalement ce n’était pas si grave. Mais elle avait su qu’elle se mentait à elle-même. Elle savait que rien que le fait que cet homme pose les mains sur son corps la dégouterait au point qu’elle ne serait peut-être pas capable de se contrôler.
Heureusement, elle n’eut pas à prendre de décision. Deux semaines plus tard, un garçon d’écurie parlant à peine chevaucheur vint lui apprendre qu’elle était demandée au château. Après s’être assurée que ce n’était pas un piège, elle s’y rendit. Elle fut accueillie par un haut placé de l’armée qui lui demanda si c’était elle qui s’occupait habituellement de sa monture. Ellyne acquiesça toujours méfiante. En effet, au vu de ces capacités, elle s’occupait des montures d’une grande partie du haut commandement de l’armée impériale. L’homme ne lui cacha même pas sa surprise. Il lui semblait inconcevable qu’une femme réussisse mieux dans un métier masculin. Cependant, il lui demanda tout de même de revenir à son poste. En effet, son absence avait eu un impact considérable sur les performances de la monture de plusieurs capitaines et commandant de l'armée.
Après une semaine, où on l'observa de près, étudiant le moindre de ses gestes, on lui confirma qu’elle devait garder ce rôle. À partir de cet évènement, Ellyne put refuser les avances d’Assur sans crainte d’être chassée de nouveau, pour autant l’homme trouva bien d’autre manière de la harceler.
Ainsi, coupée de tout le réel ami, ne pouvant pas aller voir Dagger qu’elle avait confié à Salvin et ne pouvant se lier de manière trop visible à ses alliés, Ellyne devait supporter seule cette situation. Cependant, en dehors de son moral, elle s’en sortait très bien. C’était elle qui fournissait la majorité des informations que récoltait la résistance. Aucun de ses messages, envoyés grâce à des oiseaux sauvages ou d’autres animaux, n’avaient été interceptés.
De plus, même sans quitter les écuries, elle recueillait beaucoup d’information. Les soldats et chevaliers venant prendre ou rendre leur monture ne se douter pas qu’elle parlait parfaitement zhikerhote et parlaient entre eux devant elle de sujet parfois sensible. Le reste des informations, elle le récupérait grâce aux bestioles. Comme elle n’usait pas de sortilège directement sur eux, aucune barrière ne les détecté et ils pouvaient ainsi lui rapporter des plans, des lettres ou même ceux qu’ils avaient vus.
Finalement, au bout de trois mois, elle découvrit que l'empire avait trouvé l'emplacement de la confrérie et comptait entamer le siège dès le début de l'hiver. Quelques jours après sa découverte, tous les palefreniers avaient été convoqués dans la cour. Après leur avoir annoncé leur départ prochain pour le siège, Assur leur annonça que la sélection des palefreniers faisant partie du voyage avait déjà était faite. En effet, une armée ne se déplace que très rarement avec seulement des soldats. Une armée de petit bras les suivait, des serviteurs chargés de s’assuraient de la vie au campement. En plus, l’armée zhikerhote emmener en général des prostituées dont il fallait s’occuper également. Pour les serviteurs zhikerhotes, c’était un honneur d’être choisi et l’on pouvait avoir plus rapidement une promotion à son retour. Pour Ellyne c'était aussi important, mais pour une tout autre raison. Il y avait à présent d’autre espion à Prémil, même s’ils étaient moins efficaces, cependant, elle était la seule à pouvoir pour une raison valide suivre l’armée. Elle était inquiète, car le commandant qui lui avait permis de retrouver sa place dans les écuries faisait partie des rares à rester à la capitale. Elle espérait qu’il n’avait pas pris la décision de faire en sorte de la garder.
Un homme assez âgé pour un soldat entra alors qu'Assur venait de finir son explication. Il était visiblement plus gradé que le maître des écuries et il devait être suffisamment connu pour que toute la foule commence à s'agiter. Il inspirait crainte et respect.
– Silence, la voix de l’homme était grave, calme, mais n’appelait pas à la contradiction. Ceux d'entre vous qui auront l'honneur de participer à l'expédition seront sous mon commandement. J’attends d'eux de la discipline et de la rigueur. Nous partons en guerre, tout écart de conduite mènera à de sévères punitions. Chaque animal dont vous allez avoir la charge peuvent faire changer le cours d'une bataille. Maintenant, je vais laisser maître Assur se charger d'appeler les heureux élu qui viendront se placer en rang correct de ce côté.
Un lourd silence suivit son monologue. L’homme inspirait crainte et respect. Il avait parlé uniquement en zhikerhote. Ellyne prit peur, même s’il n’était plus nombreux, il restait encore des palefreniers chevaucheurs. Parler seulement en zhikerhote pouvait vouloir signifiait que les chevaucheurs soient retirés d’office. Il faut dire que ce serait logique, car la guerre en question était contre leur propre peuple. Elle resta cependant impassible ou plutôt interrogative ; elle ne devait pas avoir compris le discours.
Assur commença l’énumération. Ceux appelés étaient exclusivement des zhikerhotes et tous affichèrent la victoire sur leur visage en se dirigeant vers la zone indiquée. Ellyne fit de son mieux pour pas montrer son désarroi, en attendant seulement des noms zhikerhotes défiler. Elle avait presque perdu espoir quand après une longue pause et une grimace, Assur appela son nom. Elle ne bougea cependant pas. Elle conserva son rôle, et regarda autour d’elle affolée, semblant ne pas comprendre la situation. L’homme qui allait être son chef aboya avec force :
– Ellyne, en rang avec les autres !
Il s’était exprimé dans un bon chevaucheur. Ellyne trottina donc la tête baissée jusqu’aux autres. Elle fut la dernière appelée. Et l’homme reprit la parole :
– Tous ceux qui n'ont pas était appelé, vous pouvez retourner à vos tâches. Vous autres, tenez-vous droit. À partir d’aujourd’hui, vous serez considéré comme des soldats. Vous recevrez des ordres auprès de moi. J’espère que vous ferez honneur à l’empire. Vous allez tout de suite vous rendre à la buanderie, on vous attend pour vous donner une nouvelle tenue. Ne soyez pas trop heureux, vous n’en auriez qu’un et il sera à votre charge de vous en occuper. Après cela, vous êtes attendu dans l'arrière-cour.
De nouveau, il n’avait parlé qu’en zhikerhote. Ainsi, alors que tout le monde se dirigeait vers le château, Ellyne prit une démarche hésitante les suivant avec un léger retard.
– Ellyne, ici, aboya l’homme.
La jeune femme frémi et obéit aussitôt. L’homme bien qu’étant sont ennemis, lui imposait un grand respect, mais surtout de la crainte. Quand elle fut devant lui, elle baissa la tête, ne cachant pas sa crainte.
– Tu peux être fière d’avoir été choisi. Tu es une femme et une hérétique en plus. Sache que ce n’est en rien mon choix de te prendre sous mes ordres.
Bien que la tête baissée, Ellyne pouvait parfaitement comprendre que l’homme se sentait déshonoré de l’avoir comme subordonnée, elle, une chevaucheuse. Les seuls qu’il devait côtoyer étaient des esclaves, même pas considéré comme humain. Cependant, l’ordre de la prendre venait sans nul doute des supérieurs. Il ne pouvait donc pas le refuser, mais il devrait la considérer comme l’une de ses hommes. Rien que de voir ce zhikerhote ainsi perturbé lui remonter le moral.
– Je ne tolèrerai aucun écart. Au premier, tu seras renvoyée ici. Sache que je ne peux faire ni confiance à une hérétique ni à une femme. Si je trouve la moindre preuve que tu es un suppôt d'Attessus. Tu seras directement exécutée.
Ellyne se mit à trembler. Elle n’eut aucun mal à mimer la crainte, puisque le soldat lui inspirait une véritable terreur. Bien que courageuse et n’étant pas paralysé par la peur, elle était peut-être la plus craintive de la garde.
Elle s’assura que l’homme paraisse contant de sa réaction avant de déguerpir. Elle pouvait maintenant être soulagée. Elle allait pouvoir continuer sa mission.
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