Prologue
Ils courent. À perdre haleine.
Ils s'élancent. Sans s'arrêter.
Ils détalent. Sans se retourner.
Ils esquivent, s'enfuient.
Le groupe d'adolescents prend la fuite, chassé par des hommes en uniforme blanc.
Ce passage d'un blanc immaculé semble ne jamais s'arrêter. Toujours coursés par leurs poursuivants, ils cavalent sans jamais discerner la moindre issue. Le corridor est vide, leur souffle se fait court, ainsi que leur foulée, leur rythme cardiaque s'intensifie, la tension monte aussi vite que la peur les encercle et bientôt certains ne pourront plus continuer.
Les cris des gardes se rapprochent. Ils risquent de les rattraper et de les enfermer une seconde fois. Bien trop loin d’eux, les tirs fusent tout autour sans qu'aucune balle ne les atteigne.
Alors qu'ils pensaient ne jamais trouver le fond de l'allée, à quelques mètres devant eux se dresse enfin une porte en bois de chêne blanc. Sans hésitation, ils l'ouvrent et la franchissent sans un regard en arrière.
Il ne leur reste qu'une dizaine de kilomètres à parcourir pour atteindre le mur, ouvrir les portes et profiter de leur liberté. Encore et toujours avec de grandes enjambées, ils parcourent le sol plat et désertique qui sépare le Bloc de Contrôle de la Vie Extérieur au mur de protection. Assez vite, grâce à leurs foulées régulières, ils arrivent au pied des portes closes.
— Alec, on fait ce qu’on a dit ?! demande Noah derrière lui.
Celui-ci répond par un pouce en l’air et grimpe les escaliers pour atteindre la manette permettant d’ouvrir les portes. Le groupe entier s’est arrêté et attend le baraqué d’en bas. Pendant ce temps, des tirs fusent. Le garçon du groupe a récupéré l’arme du premier corps et s’en sert pour stopper les autres.
Rapidement, le troisième étage est atteint. Il faut seulement espérer qu’aucun autre garde désenclenche la manette et qu’Alec ne puisse pas passer à temps. Leur ami active la manette et se met à dévaler les escaliers aussi vite que son ombre.
— VAS-Y, ALEC ! TU PEUX LE FAIRE ! hurle le groupe d’une seule voix pleine d'entrain, rapidement remplacée par une pleine d’effroi. DÉPÈCHE-TOI ! NE TE RETOURNE PAS ET FONCE !
Ses amis en angoisse lui hurlent des choses devenues incompréhensibles mais le garçon avait parfaitement compris qu’on le visait ou qu’on le suivait.
Bientôt, il saute du premier étage, se relève tout aussi vite et franchit les portes rejoignant ses amis qui étaient passés quelques instants plus tôt quand la porte commença à redescendre.
Enfin, ils sillonnent les rues en ruines à la recherche d'un refuge où ils pourraient se cacher le temps de leurs poursuivants. Mais rien. Tous les bâtiments sont abandonnés et envahis de végétation. Néanmoins, ils gagnent du terrain. C'est leur seul point positif.
Alec cri, à bout de souffle :
— On peut plus continuer comme ça, on va pas tenir jusqu'au point de rendez-vous. Il faut vraiment qu'on trouve un abri, et maintenant !
Le groupe ne répond rien, trop occupé à regarder où poser leurs pieds. Ils tentent, comme ils le peuvent, de ne pas tomber et distancer davantage leurs poursuivants.
— Continuez de courir ! lance Eliona en s'écartant du petit groupe. Je m'occupe des gardes ! On se retrouve au point de rendez-vous !
— NON ! Ne fais pas ça ! proteste Noah en ralentissant pour arrêter la jeune femme. On peut y arriver sans que l'on se sépare !
Mais cette dernière ne l'écoute pas et part déjà sur la gauche tout en regardant si les gardes remarquent son changement de direction pour la suivre, elle.
— ELIONA ! hurle Noah en s’arrêtant puis entraînant le reste du groupe à faire de même. Reviens !
Aloïse l'attrape par le bras.
— Laisse-la, Noah, presse-t-elle. Respecte son choix. C’est pour nous aider.
Ils se remettent tous à courir puis le regard de Brook se fige :
— Là ! pointe-t-elle du doigt, haletante. Regardez !
En suivant son doigt, le groupe remarque une grande demeure de brique, autrefois rouge, puisqu'aujourd'hui elle n'est plus que noire, brûlée. Le lierre a recouvert cette maison sûrement habitée par une famille aisée avant le drame. Ils ne se posent pas plus de question et foncent vers celle-ci qui fera très bien l'affaire. Les Hunters ne penseront pas à fouiller les grandes bâtisses, convaincus que les adolescents ne seront pas assez bêtes pour se cacher dans un lieu bien trop imposant et voyant. Ils l’espèrent du moins.
— C'est parfait, dépêchez-vous ! répond Alec. Elle est assez écroulée pour pas qu'elle nous tombe encore dessus ! Je pense pas qu'ils iront nous chercher dedans, surtout qu'ils ont tous suivi Eliona !
Les jeunes font un détour avant de s’y précipiter. Ils y pénètrent enfin et se cachent, immédiatement. L'angoisse est palpable dans l'air. Personne n'ose bouger, ni même respirer de peur que l'un des chasseurs ne surgisse de nulle part.
Une chose est sûre : aucun des jeunes ne veut retourner là-bas. Sous aucun prétexte. Sauf un : Noah. Il est prêt à tout pour retrouver Eliona. Et si jamais elle ne se trouve pas au point de rendez-vous, alors il y retournera, avec ou sans l'aide de ses amis.
***
Eliona court le plus vite possible, allongeant ses foulées, telle une athlète. Elle est consciente que les gardes l'ont suivie, elle et non pas le reste du groupe. Elle sait que même si elle court vite, elle se fera rattraper. Elle le sait, mais elle veut faire gagner du temps à ses camarades. Au pire, elle sera enfermée et torturée. Au mieux, elle sera protégée par le profond désir de Charles Bowers.
Une personne capturée, c'est déjà mieux que dix, pense-t-elle.
Tandis qu’elle continue de courir, les gardes ont cessé de tirer et commencent à ralentir pour s'arrêter. Eliona voit un garde sortir talkie-walkie, donner un ordre, puis elle les aperçoit repartir en sens inverse. La jeune femme n'est pas si bête, quelque chose va se passer, c'est certain. Elle ferait mieux de profiter du fait qu'ils se replient pour continuer de plus belle sa course.
Quelques rues plus loin, un énorme bruit retentit, le sol tremble et une fissure apparaît dans le sol devant elle. Quelques mètres la séparent de l'autre côté, où se trouve, un peu plus loin, le point de ralliement.
Elle n'a plus que deux moyens de s'en sortir, mais dans les deux cas, elle doit partir d'ici ou la plateforme l'engloutira. Soit elle s’efforce de rebrousser chemin et cherche un détour, mais elle risque de retomber sur ses assaillants qui la pourchassaient plus tôt, soit elle tente le diable et essaye de sauter par-dessus cette gigantesque fissure, mais elle risque alors de tomber dans ce trou qui paraît sans fond.
Son choix est vite fait. Il est hors de question qu'elle retourne du côté des Hunters. Elle sautera.
Elle recule de quelques mètres, inspire, court, saute, expire puis se rattrape de peu au rebord. Un peu plus et elle tombait. La jeune femme inspire profondément, se donnant le temps de reprendre des forces. Elle essaie par la suite de se hisser de toutes ses forces, mais elle entend des pas et quand elle relève la tête, elle voit se dresser au-dessus d'elle le général des gardes qui la poursuivaient.
— Tu n'aurais jamais pu nous échapper, Eliona Shields, déclare-t-il, vous avez tous été choisis pour participer aux épreuves. C'était votre destinée, à tous, après ce que vous avez fait.
Le général la regarde avec un air sadique, un mauvais rictus ne peut s'empêcher d'étirer ses lèvres charnues, puis il lui écrase les mains en ricanant fortement.
Elle hurle en tombant dans le vide, succombant à la douleur insupportable infligée à ses doigts.
Alors ça y est ?
C'est la fin ?
Annotations
Versions