Chapitre 2
Je n'ai même pas le temps de me mettre à courir qu'elle s'arrête à mon niveau et deux personnes cagoulées surgissent du bolide. Je prends peur et fuie. Tandis qu'ils m'attrapent et me lient les mains dans le dos, je me tortille toujours en train de crier et leur donne des coups de pieds, de genoux et même de coudes. Néanmoins, personne ne m'entend ou ne vient à mon secours, la rue étant déserte Je finis par être jetée dans le coffre ce qui me coupe le souffle et mes hurlements se stoppent quelques secondes. J’ai peur. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Lorsque je suis tentée de reprendre, le coffre se claque violemment. Je suis prise d'une crise d'angoisse et mes pleurs reprennent doucement jusqu'à inonder l'habitacle dans lequel je suis enfermée. Des cris accompagnent quelquefois mes larmes alors que mes kidnappeurs hurlent de me taire à travers les parois. Peu à peu je me mets à trembler. Mes sens sont décuplés par la peur croissante et le noir qui m’entoure. Je les entends claquer les portes et démarrer le moteur.
Soudain, je prends conscience que je dois me calmer si je veux réussir quelque chose.
D'accord, Eliona. Respire et ensuite réfléchis.
Je reprends les exercices de respiration de ma mère sans succès. Ma respiration reste irrégulière et forte. Ma gorge est irritée et douloureuse et mes lèvres sont sèches. Ma concentration se perd je ne sais où, sûrement dans la rue de mon amie. Je ne pense qu’à elle et ma famille. Particulièrement à elle qui va m’en vouloir de ne jamais arriver pour le lycée.
Mais réfléchis bordel. Arrête de flipper comme une gamine et de te préoccuper de leur réaction alors que tu te fais enlever !
Encore, ma respiration ne s’améliore pas, mon cœur s'alarme et bat comme un fou dans ma cage thoracique. Des sueurs froides me font trembler dans le noir. J'ai l'impression que les parois du coffre se resserrent sur moi, ce qui n'arrange en rien mon souffle saccadé. Je tente par tous les moyens de faire abstraction des bruits alentours et du fait que je sois dans un coffre. Toujours avec les exercices, j’essaie de trouver un rythme régulier pour me calmer. Au bout d’une bonne grosses quinzaine de minutes, je retrouve une respiration correcte. Il ne reste plus que mon cœur qui continue à battre fortement, mes lèvres et ma gorge sont toujours sèches et ma tête tourne après avoir été en état d’alerte pendant un long moment. Je ne peux essuyer les larmes qui me chatouillent les joues à cause de la corde qui me lie les mains.
Je dois absolument sortir d'ici ! Je dois d'abord trouver de quoi couper ces liens.
Toujours tremblante et parcourue de spasmes, j’effectue les exercices de respiration que me donnait ma mère pour contrôler mes colères et mes crises d'angoisse. Tout en faisant cela, je me tortille pour trouver quelque chose qui pourrait m'aider à défaire ce cordage. Je remonte mes doigts sur la paroi du coffre derrière moi, je ne sens rien. Puis, je me retourne sur moi-même comme je peux.
— Aïe ! Ahh... Ça fait mal.
Je rouspète dans ma barbe quand je réalise que je viens de me couper ce qui signifie que quelque chose peut fendre mes liens.
Je me tourne de sorte à être à moitié sur le dos, remonte mes mains comme fait précédemment pour trouver ce qui m'a coupée. Je tombe finalement sur un bout de plastique relevé. Je remonte de quelques millimètres et frotte la corde sur le morceau de plastique dur. Je suis dans une position très inconfortable et la corde est épaisse. Une crampe me lance quand soudain le cordage cède.
Fatiguée, je reprends mon souffle malgré le peu d'air qu'il y a dans l'habitacle. Je finis par tâter ma poche où se trouve mon téléphone mais je ne le sens pas ce qui m'affole à nouveau. Je constate également que mon sac n'est pas ici et comprends qu'ils me l'ont pris. Je continue les exercices de respiration pour contrôler ma peur et ne penser qu'à mes moyens d'échappatoires.
De un, je ne peux appeler personne et de deux, je suis enfermée dans le coffre d'une voiture en marche. Si seulement il y avait un bouton, un objet, enfin n'importe quoi qui puisse m'aider à me sortir de là.
Je réfléchis silencieusement puis me souviens des plaintes de ma mère concernant les nouvelles voitures qui ne comportaient pas de levier d'ouverture à l'intérieur des coffres : « Franchement, vous vous rendez compte. Imaginez un gamin se fait enlever, il est transporté dans un coffre avec un levier d'ouverture, il est sauvé alors que maintenant, il se fait kidnapper, c'est fini pour lui. C'est aberrant, et après ça dit que les nouvelles technologies vont révolutionner le monde, nan mais n'importe quoi sérieux ! ».
Merci maman pour tes rabachages.
Je continue mes recherches. Mes tremblements et sanglots reprennent de plus belle quand je découvre que je n'ai aucune issue pour sortir de cette situation. J'ai beau me dire que tout va bien se passer, mes pleurs et mes spasmes ne se stoppent pas. Voyant qu'il ne me reste plus d'espoir, je me mets à hurler et à taper contre les parois.
BOUM !
— FERME LA ! tambourine l'un d'eux contre la paroi de la voiture, ce qui me fait sursauter.
Je ferme les yeux et me recroqueville sur moi-même. Je tente tant bien que mal de reprendre mes esprits et de me calmer. Progressivement, j'arrive à retrouver un rythme cardiaque normal et me mure dans le silence tout en écoutant attentivement les bruits alentour. Malgré moi, je patiente plus tranquille en attendant que l'on arrive je ne sais où. Je ne peux rien faire et ça me tue ! J'ai mal partout, je suis courbaturée et ma position n'est pas des plus agréable. Je me promets que lorsqu'ils ouvriront le coffre, je leur sauterai dessus pour les faire tomber et les ruer de coups. Enfin, si c'est ce qu'il faut faire en cas d'enlèvement.
Mes émotions reprennent le dessus et je perds de nouveau mes moyens. Ma crise revient et je pleure encore. Je les entends marmonner de l'autre côté sans parvenir à comprendre un mot de ce qu'ils se disent. Soudain, une odeur parvient à mes narines. Je promets de ne pas avoir lâché une caisse en perdant mes moyens. Je me sens de plus en plus fatiguée, mes muscles se décontractent et je me sens plus légère, limite dans les vapes. Avant de fermer les yeux, je comprends que mes ravisseurs parlaient de gaz. Le même qu’ils viennent de libérer et qui m'endort jusqu'à notre arrivée à destination.
***
Je me réveille dans le coffre d'une voiture ne sachant pas ce que j'y fais. Mes souvenirs me reviennent peu à peu et je relève brusquement la tête regardant autour de moi. Comme je m'y attendais, mes ravisseurs sont là. L'un d'eux m'agrippe et me tire violemment du coffre. Je ne tiens pas sur mes jambes encore engourdies par les gaz et remarque une seringue en tombant au sol. J’aperçois en me relevant qu'ils ne sont plus vêtus de noir et que le blanc a remplacé cette couleur sombre. L'autre arrive et constate :
— Putain ! Elle s'est détachée ! s'énerve le plus grand.
— C'est pas grave tant qu'elle ne s'est pas enfuie et qu'on la tient, c'est bon, répond le second.
Je m'étire doucement mais avant que je ne puisse réagir le second m'attrape et me pousse, avec la même douceur que son acolyte, vers la sortie de la ruelle où nous nous trouvons. Je peux tout de même voir celui qui ouvre la marche : grand et gras. Tandis que l'autre est tout le contraire : fin et court sur pattes, de ce que j'aperçois.
— Dépêche-toi ! me pousse le petit homme derrière moi.
— Nous avons de quoi nous amuser avec toi si tu n'obéis pas ! me crache le grand en me montrant la matraque qu'il retire de sa ceinture. Il l'actionne pour que je comprenne qu’elle est électrique.
L'autre ouvre sa veste qui dévoile plusieurs dagues, un pistolet, des shurikens et une grenade. Il soulève le bas de son pantalon et je vois un poignard dépasser de sa boots blanche.
À la vue de ces armes, je m'exécute docilement, surtout quand celui posté derrière mon dos sort son « joujou » et me dirige, avec, vers la droite. L'avenue où l'on vient de tourner donne sur une place où plusieurs tentes et voitures blanches, plutôt futuristes s'y trouvent ainsi que des soldats en uniformes blancs. Je remarque que ces campements et ces véhicules sont placés de sorte à bloquer toutes les rues qui mènent à cet emplacement.
Ok. Je vois. Ça risque d'être compliqué de m'échapper. Je ne peux pas les contourner et je me vois encore moins foncer dans le tas. Je devrais peut-être attendre un moment plus opportun pour ma fuite. Un moment où tout sera libre et où je pourrai m'enfuir.
Je crois reconnaître la place du Congrès lorsque j'aperçois le restaurant italien, Chez Luigi. Je comprends que ces personnes font partie de ceux qui m'ont donné rendez-vous, ici-même, aujourd'hui. Ceux qui m'ont envoyé toutes ces lettres auxquelles je n'ai pas répondu.
Ce n'était tout de même pas une raison pour me kidnapper ! Ils auraient pu venir me chercher, très gentiment, à ma porte pour me dire de bouger mon cul, ahah. Respire Eliona arrête de flipper, tu vas t'en sortir, ils ne vont rien te faire, ce sont de très gentils hommes qui sont armés jusqu'aux dents mais tout va très bien se passer. Fais abstraction des alentours et respire, arrête de trembler et cherche toutes les possibilités de fuite.
Je continue d'avancer et plus je m'approche, plus je vois l'un des soldats sortir du lot. Cet homme corpulent mais petit accourt lorsqu'il me voit. Je comprends par la suite qu'il est le chef en voyant ses insignes.
En haut à droite, en dessous de ses médailles, sur le cœur, est accrochée une plaque où est inscrit : « George, Général Hunter n°2 ».
— Je suppose que vous êtes, Mademoiselle Eliona Shields, demande-t-il.
Surprise qu'il me connaisse, je ne réponds pas tout de suite et reste sur mes gardes.
— Vous supposez très bien, hum... George, finis-je par répondre en regardant encore une fois la plaque.
— Monsieur ! hurle-t-il rouge de colère avant de reprendre plus calmement. Hum, hum, pour vous, c'est Monsieur.
Je suis surprise par son comportement et commence à regarder autour de moi pour enfin trouver une échappatoire, mais je ne vois pas comment avec tous ces militaires. Je décide donc de jouer le jeu et me promets de trouver le bon moment pour partir d'ici.
— Ça ne sert à rien de chercher comment vous échapper Mademoiselle Eliona Shields, m'explique celui-ci. Nous suivons vos faits et gestes depuis votre naissance. Alors nous prévoyons déjà vos mouvements futurs et nous sommes tout à fait préparés à les contrer.
Il me regarde, attendant un quelconque signe de ma part, mais je ne réagis pas, bien trop abasourdi par ses connaissances sur moi.
— Vous devez absolument écouter ce que l'on a à vous dire, maintenant veuillez me suivre, m'ordonne-t-il.
Nous avançons vers le centre de la placette où se trouve la statue du dernier président élu, Aurora Kingsmart. Nous sommes au pied de la sculpture, le général et mes kidnappeurs se déplacent derrière moi. Il y a un silence pesant, personne ne parle et de mon côté, je n'ose pas prononcer un seul mot de peur de me faire réprimander ou pire, frapper.
Je regarde discrètement ce qui m'entoure, continuant à chercher une issue derrière les multitudes de toiles mais mon regard est attiré par un soldat qui me fixe sans bouger derrière l'une d'elles.
De sa main droite, il attrape l'ourlet de sa manche opposée et remonte celui-ci jusqu'à son avant-bras. De là où je me situe, je discerne un tatouage représentant un croissant de lune noir. Il relâche le tissu et me fait signe de me taire.
Je ne dis rien et reste stoïque pour ne pas attirer l'attention sur lui. Je repositionne mon attention sur l'ancienne présidente quand je sens que l'on se rapproche de moi. J'en ai la certitude quand un souffle chaud s'abat sur ma nuque suivie d'un murmure.
— Si vous restez calme, vous ne sentirez presque rien, dit l'un deux collé à mon dos.
Je ressens d'un seul coup, quelque chose de froid s'introduire dans mon cou. Je me débats avec toute la force qui m'habite, mais on m'étrangle et me bloque les bras. À ce moment-là, j'ai la tête qui tourne, ma vue devient trouble et mon corps se fait de plus en plus lourd. Je vacille et tombe au sol. J'essaie de bouger, mais je ne peux plus rien faire. Je hurle de douleur, mais aucun son ne sort de ma bouche. Mon corps me brûle, me picote puis une vive douleur me paralyse.
Mais ne l'étais-je pas déjà avant ?
Mes yeux sont ouverts, mais je ne vois rien.
Un bourdonnement sourd me dérange. Il me donne mal à la tête.
Par-dessus ce bruit, je peux comprendre que l'on donne des ordres, mais ça reste flou.
Je sens que l'on s'agite autour de moi, que l'on me soulève et que cette douleur atroce est toujours présente.
Je finis par fermer les yeux et ma souffrance s'efface peu à peu.
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