Chapitre 11

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Mardi 19

Jour un : pas de contact avec Matt et premier cauchemar.

...

Je dois absolument sortir d'ici !

...

BOUM !

— FERME LA !

...


Mercredi 20

Jour deux : toujours pas de contact avec Matt et second cauchemar.

...

L'avenue où l'on vient de tourner donne sur une place où plusieurs tentes et voitures blanches, plutôt futuristes s'y trouvent ainsi que des soldats en uniformes blancs.

...

De là où je me situe, je discerne un tatouage représentant un croissant de lune noir. Il relâche le tissu et me fait signe de me taire.

...

Jeudi 21

Jour trois : premier contact avec Matt et troisième cauchemar.

Chaque nuit. Chaque nuit, des cauchemars viennent me hanter dans le noir profond de la pièce en pierre. Cette nuit, je suis réveillée par Matt, en pleurs et plein de sueur. C'est lui qui me réconforte. Je dois sûrement l'empêcher de dormir, s'il vient chaque nuit pour me rassurer.

D'ailleurs, il ne m'a pas encore expliqué ce qu'il m'arrive, ce qu'ils nous arrivent à tous avec la coloc. Le pourquoi du comment nous sommes arrivés ici ? Où sommes-nous ? Et bien d'autres choses encore trop complexes à expliquer.

Je sais qu'il m'apporte mon déjeuner. Je le sais puisqu'à chaque fois, dans mon jus, il n'y a pas de goût laissant comprendre qu'une substance y est ajoutée. J'ai donc supposé que c'était lui et qu'il préparait lui-même mes repas.

La première nuit, quand il m'a réconfortée après mon cauchemar, il m'a prévenue que nous ne pourrions discuter que la nuit. C'est le seul moment où la fosse n'est pas surveillée. Depuis, j'attends ces appels. Toutefois, je m'endors avant et finis par me réveiller toujours de la même façon.

Cette nuit fut différente. Il m'a contacté avant que je ne m'endorme et j'ai pu lui poser mes questions n'étant pas déboussolée !

— Matt ? Matt, réponds à mes questions cette fois-ci ! chuchoté-je d'une voix ferme.

Je l'entends soupirer faiblement à travers les oreillettes.

— Tu le mérites bien alors je t'écoute, Eliona.

— Qu'est-ce que nous foutons là ?!

Je laisse un temps et avant qu'il ne reprenne je continue sur ma lancée, bien décidée à en apprendre davantage :

— Comment sommes-nous arrivés là ? Pourquoi je n'ai pas la sensation d'être en 3470 ? Pourquoi tout le monde ment ? Quelle est cette histoire d'épreuves ? Pourquoi à chaque fois que je te vois, j'ai cette irrépressible envie de venir te parler ? Et enfin, pourquoi ton tatouage me file la migraine ?!

Essoufflée à la fin de ma tirade, je ne dis plus rien et reprends mon souffle tandis que lui se tait volontairement.

— Alors ?! insisté-je toujours à voix basse.

— Alors, vous êtes ici pour des épreuves camouflées en formations. Vous êtes arrivés sur demande, enfin... souffle-t-il. Une lettre a été envoyée à votre domicile avec un rendez-vous, certains s'y sont rendus sans problèmes et d'autres, comme toi, ont résisté. Nous avons donc utilisé la manière forte en vous enlevant et pour pouvoir vous injecter le produit qui vous réveillerait.

— Comment ça nous réveillerait ?

— Oui, vous réveillez. Ici, nous sommes dans le monde réel. Vous, vous vous trouviez dans un monde artificiel créé il y a quelques années par des scientifiques pour vous protéger de la guerre qui avait éclaté. Nous avons reproduit le monde de 2023 pour que vous y trouviez la paix, mais ce n'était pas la réalité. En gros, c'était comme la matrice dans Matrix. Dis-moi que tu connais ce film et que je n'ai pas ajouté ça pour rien, supplie-t-il déjà épuisé par ces explications.

— Oui. Je connais Matrix, soufflé-je anéantie par les horreurs que je viens d'entendre. Et la suite ?

— Pour le moment, je ne peux t'en dire plus Eliona, mais promis demain, je termine de répondre à toutes tes questions. Garde les bien au chaud et sois forte, termine-t-il inquiet.

— D'accord, dis-je presque inaudible.

La liaison coupe et plus aucun bruit ne transparaît dans la pièce, ni dans les écouteurs. Je me retrouve de nouveau seule et face à mes cauchemars qui ne tarderont pas à me rattraper.

Vendredi 22

Jour quatre : deuxième contact avec Matt et quatrième cauchemar.

...

Quelque chose de froid s'introduit dans mon cou.

On m'étrangle et me bloque les bras.

Ma tête tourne, ma vue devient trouble et mon corps se fait plus lourd.

Je vacille et tombe au sol. Je ne peux plus bouger.

Je hurle de douleur, mais aucun son ne sort de ma bouche.

Mon corps me brûle, me picote puis une vive douleur me paralyse.

...

— -Na ! -Liona ! Eliona ! entends-je crier dans mes oreilles. Eliona, ça va aller d'accord ? Je suis là. Reste calme et respire profondément.

Encore une fois, je me suis réveillée en pleurant à chaudes larmes. Sous les mots apaisants du tatoué, je respire calmement et engage la conversation sur le sujet qui me tient à cœur :

— C'est bon, ça va mieux merci.

— Bien. Tu es sûre que tu veux avoir les réponses à tes questions ?

— Ou... oui, je veux toujours mes réponses, affirmé-je sur le même ton que la veille.

— Ok. Alors auxquelles n'ai-je pas répondu ?

— L'histoire des épreuves, l'envie de te parler à chaque fois que je te vois et...

— Et pourquoi mon tatouage te donne la migraine, finit-il pour moi. Ouais. OK.

Durant un temps, il ne dit rien cherchant ses mots, puis il finit par les trouver :

— Les épreuves sont votre formation, comme je te l'ai dit hier, mais derrière vos choix il y a plein de choses complexes qui vous font remporter ou non vos « épreuves » comme ils les appellent. Ensuite, je ne sais pas pourquoi tu es attirée par moi, mais ton instinct te souffle sûrement de venir me voir faisant partie de la résistance, continue-t-il simplement.

— Ok. Je vois.

— Pour mon tatouage, ce sont tes souvenirs qui refont surface parce que tu ne consommes plus de jus ce qui te file un mal de tête. Voilà, je ne crois pas qu'il y ait autre chose ou alors, je ne suis pas autorisé à le savoir.

— Ok, pas de soucis. Merci infiniment de répondre à toutes mes questions et... de me tenir compagnie dans cette pièce si effrayante.

Il rigole doucement et enchaîne :

— Il n'y a pas de quoi, Eliona. Allez, essaie de dormir sans faire trop de cauchemars. Demain est ton dernier jour dans la fosse, tu sortiras pour le dîner. Enfin, tu auras bien évidemment le temps de te préparer.

— Encore merci. Bonne nuit.

— Bonne nuit.

Samedi 23

Jour cinq : libération.

Le soir venu, des gardes viennent me chercher et me ramènent au dortoir. Vide. L'heure du repas a sonné, tous mes colocataires sont déjà à table.

Finalement, je comprends Montana.

Je pars me doucher pendant au moins une bonne trentaine de minutes. Le temps d'effacer toute la saleté qui aurait pu s'imprégner dans mon corps entier. Le temps de laisser les cauchemars fuir dans les conduits d'évacuation. Le temps de me sentir propre et de ne plus avoir la sensation d'être enfermée dans une invisible carapace noire.

Lorsque je sors pour m'habiller, j'ai l'impression d'être dans un putain de cercle vicieux. Tous les jours, je me réveille pour porter les mêmes vêtements et faire les mêmes choses à quelques détails près.

Je sors prête de la chambre et remarque que les gardes sont toujours au même endroit que quand ils m'ont laissée en arrivant. Je ne comprends pas tout de suite puis ils me montrent la sortie :

— Nous pouvons vous accompagner au dîner ?

J'opine de la tête et les laisse me guider jusqu'aux portes du réfectoire. Devant celle-ci, les gardes s'étaient postés de chaque côté de moi, m'entourant. Nous entendons tout le brouhaha puis Monsieur Bowers prend la parole, interrompant les personnes s'y trouvant :

— Ce soir, nous avons le plaisir de retrouver l'une de nos stagiaires revenant de la fosse. Accueillez Eliona Shields !

Les portes s'ouvrent brusquement laissant apparaître tous les regards sur nous. Enfin, moi. Je rentre tranquillement, toujours scrutée par la salle. Je longe les tables arrivant enfin à l’une de ma zone, je m'assois et les discussions se remettent à fuser.

Lorsque les drones déposent mon repas, je constate que je n'ai pas faim. J'observe mon entourage et les seules personnes qui ne sont pas concentrées sur leurs conversations sont Aloïse, Noah, Raphaël et Matt. J'évite leur regard et me force à manger.

Quelques heures plus tard, nous regagnons notre espace. Sur le trajet, les autres tentent de me réconforter, de me parler, mais sans succès.

Avant même que l'un d'eux puisse m'intercepter, je me rue vers mon lit, me change et me couche. J’ai encore en tête tout les bruits étrangés de la fosse. Le froid glaçant m’ensère encore et le noir me ferait presque peur, mais il n’égale pas celui de là-bas. J’ai peur. J’ai froid. Et je veux disparaître. Disparaître loin d’ici, le plus loin possible afin de me sentir vivante et non pas au bord du gouffre. Je n'ai aucunement la force de leur faire face. Je les entends s'inquiéter dans la pièce voisine. Noah a voulu me réconforter, mais quand il est rentré, j'étais dos à lui et j'ai fait semblant de dormir, ce qui l'a fait partir. Le dimanche fût pareil, si ce n'est pire. Long, solitaire et cauchemardesque.

***

Je me réveille en sueur paniquée par ces cauchemars. Ma respiration est sifflante et mon cœur martèle ma cage thoracique comme pour s'en échapper. Angoissée, je ne jette pas de coup d'œil à ma montre et remarque seulement des formes sous les couettes de mes colocs. Je suppose donc que ces derniers sont endormis et que nous sommes en pleine nuit.

Peu à peu, mes esprits me reviennent tandis que ma respiration se stabilise. J'inspecte ma montre qui indique 5h27, donc encore l'heure du couvre-feu. Je suis consciente que je n'ai aucunement le droit de me lever de mon lit, ne serait-ce que pour aller dans les douches communes, mais je dois absolument me débarbouiller.

Délicatement, je m'extirpe de la couette et pose mes pieds à terre. Mes chaussures, bien qu’à talons, viennent trouver places pour me réchauffer et j'enroule la couverture autour de moi alors que je me redresse. Pour ne réveiller personne, je me dirige à pas feutrés vers les douches en me positionnant bien au milieu du passage créé par les lits.

Heureusement, qu'il n'y a pas de dispositif de détection de mouvement ou encore de caméras sinon je serais cuite.

J'angoisse tellement à l'idée de me faire prendre que je me stoppe à chaque petit bruit. Que ce soit lorsqu'un de mes camarades se tortille dans son lit ou quand du bruit nous parvient à travers les conduits.

Mon front est perlé de gouttelettes de sueur alors que je regarde mon reflet. J'entreprends d'ouvrir le robinet, mais me freine aussitôt quand je me souviens de l'heure qu'il est. Je cherche de quoi me rafraîchir sans faire de bruit, quand je mets la main sur une petite serviette. Je l'empoigne et la tamponne à l'extrémité du robinet. Celui-ci imbibe d'eau le linge que je me passe finalement sur le visage. Je soupire d'aise, mais me plaque une main sur la bouche lorsque je me souviens que je ne dois pas faire de bruit.

Putain, Eliona ! Fais pas n'importe quoi, c'est vraiment pas le moment.

Je lâche délicatement ma bouche puis me laisse glisser contre le mur à droite du lavabo. Je souffle et ressasse tous ces cauchemars, détails par détails.

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