Chapitre 12

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Je suis délicatement réveillée par des caresses sur mon épaule. En ouvrant les yeux, j'ai un mouvement de recul lorsque je tombe sur Raphaël. Il arrête son geste à la vue de ma gêne. Nous nous regardons simplement, lui d'un air compatissant, moi d'un air fatigué.

— Est-ce que tout va bien, Eliona ? ose-t-il demander.

Je vais pour le rembarrer délicatement, mais il me coupe.

— Sois honnête. Je ne risque pas de le dire à grand monde, sourit-il pour m'encourager.

Je ne réponds rien, mais souris également puisque, soyons honnête comme il a dit, Raphaël n'est pas le plus bavard.

J'ai envie de lui parler, parce que je sais que ça va me faire du bien, ou du moins me retirer un certain poids, mais quelque chose me bloque. J'ai l'impression que si je m'ouvre à lui, alors le monde entier me verra vulnérable. Pourtant, ce n'est que lui. Ce n'est que Raphaël. Le garçon le plus timide, gentil et respectueux que j'ai rencontré. Enfin, peut-être. Je le ressens en moi en tout cas. De toute façon, je ne saurais pas par où commencer si je devais lui parler, et c'est ce que je lui explique :

— Je ne sais pas par où commencer, Raphaël.

Je le regarde après ça. Il me regarde, attendant une supposée suite qui ne viendra pas. Ou peut-être que si, finalement.

— Et de toute manière, quelqu'un du groupe pourrait surgir ici et tout entendre, je lâche pour ne pas parler de ce qui me met dans un horrible état. Encore pire ! L'un d'eux pourrait être réveillé et écouter notre conversation de son lit.

Je ne suis pas rassurée par cette idée et mon rythme cardiaque commence à s'intensifier. Une boule dans ma gorge se forme et m'empêche peu à peu de respirer. Mon corps se crispe et c'est là que ça recommence. Encore. Une nouvelle fois.

Raphaël se cale à mes côtés, passe ses bras autour de mon corps et me serre contre lui. Ce geste, bien qu'amical, me rassure. Il ne dit rien, ne juge pas et ne part encore moins. Il est là avec moi et me laisse pleurer dans ses bras. Mon corps est submergé de sanglots, mais il reste. Il commence à murmurer un air doux et apaisant tandis que je tremble et respire fort. Petit à petit, mon corps arrive à se calmer. Je ne tremble plus autant, mes sanglots sont moins fréquents, remplacé par des reniflements, la boule dans ma gorge diminue tandis que sa mélodie me calme.

— Tu la connais d'où ? le questionné-je d'une minuscule voix.

— Je ne sais pas. Je l'entends dans mes rêves, explique-t-il calmement. C'est la voix d'une femme qui fredonne cet air pour ensuite chanter des paroles que je n'arrive jamais à discerner comme si un voile était entre cette femme et moi. Comme si un mur était dressé, comme si nous ne pouvions nous voir, mais nous entendre était possible. Pas clairement, mais d'une voix lointaine.

Il tourne la tête vers moi et me dévisage. Il sourit, constatant que je vais mieux. Il ne fait pas attention à mes tremblements et continue :

— Et toi ?

Je le regarde bizarrement ne comprenant pas sa question.

— Et toi, est-ce que tu fais des rêves ?

Je détourne le regard et repose ma tête contre le mur derrière moi.

— Oui...

J'essaie d'organiser une réponse cohérente dans ma tête, mais mon cerveau est encore tout embrouillé par ma crise passée. Toujours aussi attentionné, Raphaël ne dit rien. Il attend. Il attend parce qu'il sait que c'est compliqué de trouver ses mots dans une situation aussi complexe que la nôtre. Alors je réfléchis. Je prends le temps. Puis je me lance :

— Oui... Je rêve. Enfin... Ce sont plus des cauchemars que des rêves.

— Comme cette nuit ?

J'encre une nouvelle fois mon regard dans le sien et essaie de comprendre pourquoi ça l'intéresse tant.

— Oui.

J'ai arrêté de trembler, mais Raphaël n'a pas retiré ses bras pour autant. Il a senti que j'avais besoin de réconfort.

— Si seulement tu savais, Raphaël.

— Raconte-moi.

— Non, contré-je rapidement, trop rapidement. Je ne peux pas. Pas encore.

Il n'insiste pas et je ne rajoute rien. Nous nous reposons juste. Moi dans ses bras, lui à ma droite. Nous étions bien et ne faisions qu'écouter le silence. Pas gênant, plutôt... Apaisant, serein.

— Je comprends tu sais, lâche-t-il dans un souffle.

Je tourne une nouvelle fois ma tête vers lui. Je ris.

— Quoi ?

Oui, je ris et je ne peux plus m'arrêter.

— Qui a-t-il ? Dis-moi. Je veux rire, moi aussi.

Je pouffe encore plus quand il se met à rire du fait que je rigole. Il m'observe toujours tandis que je ne me stoppe pas.

— Je préfère quand tu souris et que tu rigoles, déclare-t-il simplement. Même si je ne sais toujours pas pourquoi tu ris, alors tu vas me le dire tout de suite sinon tu vas encore rire, mais je saurais pourquoi cette fois-ci !

Surprise par ces paroles, je m'arrête et l'observe cherchant s'il dit vrai.

— J'espère vraiment que tu as une copine quelque part parce qu'elle serait tellement chanceuse.

Il paraît surpris, mais sourit.

— J'espère aussi, plaisante-t-il.

Nous rions ensemble cette fois-ci, jusqu'à ce qu'une tête surgisse de l'encadrement du passage aux douches. Liam était visiblement réveillé et nous en étions assurément la cause. Face à sa tête nous éclatons deux fois plus de rire.

— Qu'est-ce que vous faites ? Il est quelle heure ?

Nous nous reprenons pour ne pas paraître malpolis bien que son visage au réveil soit hilarant.

— Oh là, là, à peine réveillé, à peine il interroge les gens, le taquiné-je. Tu sais que si on te fait chier tu peux le dire.

Raphaël se retient de partir encore une fois en fou rire en répondant :

— Il est 6h45, Monsieur l'agent.

— Ha, ha, ha, très drôle les enfants, balance-t-il en sortant de la pièce.

Nous pouffons et nous préparons pour le dernier et le nouvel attachement à une zone.

***

— Bonjour à tous et bon appétit ! Comme vous le savez déjà, notre jeune stagiaire, Eliona Shields, est de retour parmi nous depuis avant-hier soir. Toutefois, des questions se sont posées à votre retour et nous vous avons laissé un peu de répit et surtout ! Nous voulions que votre retour se passe dans les meilleures conditions qu'il soit, comme pour votre amie il y a quelques semaines. Mais maintenant, nous voulons tous savoir ! Comment s'est passé votre séjour dans la fosse ? ironise Charles.

Je ne réponds pas à sa pique, mais le fusille du regard. Ce dernier dévie à sa gauche sur le tatoué tandis que la salle entière m'observe.

— Bien ! Mademoiselle ne souhaite pas partager le merveilleux moment qu'elle y a passé, plaisante-t-il, aussitôt accompagné par la salle, excepté mes amis, même Montana, et Matt.

Alors qu'il rigole, mon regard est toujours accroché à l'homme à sa gauche. Il me regarde dans le blanc des yeux et je fais de même. Nous jugeons l'autre, sa posture, son langage corporel, tout. Il attrape son verre de jus et le boit. Je suis d'abord affolée par son geste, pourquoi boirait-il un verre contenant une substance illicite ? Puis je me souviens qu'il y a un système de rang ici et que le sien doit sûrement n'être qu'un simple verre de jus de fruits, sans aucun produit.

— ...Vous êtes tous invités au bal du 60ème anniversaire du centre de contrôle. Lors de cette fête qui se déroulera ce vendredi, un buffet vous sera proposé où chaque rang pourra manger ce qu'il veut, aucune restriction lors de cette soirée. Une piste de danse sera improvisée là où vous vous trouvez. Alors mettez-vous sur votre trente et un. Mesdames, enfilez votre plus belle robe et messieurs votre plus beau costume puis venez vous déhancher sur la piste !

Lors de cette annonce, je sors de l'échange visuel que j'entretenais avec Matt et je suis surprise de cet événement. Je ne m'attendais pas à ce que ce genre d'endroit célèbre un quelconque jour. À moins que ce ne soit qu'une couverture pour cacher quelque chose ?

Il va falloir creuser plus durant ces quelques jours avant la soirée pour peut-être tenter d'échapper à ce qui se passe ici.

Charles continue à déblatérer à la salle tandis que je prends mon petit-déjeuner en attendant qu'il affiche nos blocs de la semaine. Je me sers du maximum que je puisse avoir, après m'être fait baisser de rang suite à mon insolence.

Enfin, le tableau d'affichage change et nous dévoile nos blocs alors que je croque dans mon bout de pain et que le chef d'État Major a fini son annonce. Je me retrouve au Bloc d'Entraînement au Combat. Bien que mon petit-déjeuner ne soit pas assez consistant et mangeable pour la semaine que je risque de passer, je me force à ingurgiter la nourriture.

Je ne touche encore une fois pas à mon verre et le propose à Noah qui le prend dans un sourire. Je vais pour me lever et partir lorsque mon bracelet vibre me signalant un nouveau message :

Venez dans mon bureau ce soir à 19h30. J'ai quelque chose pour vous que vous devrez porter lors de la soirée de vendredi.

Le message vient de Monsieur Bowers. Je m'oblige à tourner ma tête dans sa direction et le vois me regarder avec un sourire que je ne saurais décrire. Je ne lui souris pas et ne lui fais aucun signe comme certains l'auraient fait par respect. Je ne lui accorde aucune importance, me lève et quitte le réfectoire, bien trop pressée de rejoindre mon bloc de la semaine.

Quelques minutes plus tard, l'ascenseur s'arrête à mon étage qui est bien différent de tout ce que j'ai déjà visité, mais déjà mieux que la dernière pièce que j'ai vue, il y a de ça quelques jours.

En franchissant la porte métallique, j'observe avec précision ce qui m'entoure et constate que la pièce fait toute la surface du bâtiment et le plafond, n'est maintenu que par des piliers en pierre grise comme le reste des murs, sol et plafond. Un grand tapis de combat est positionné à l'opposé de moi, au fond de la salle. Sur le côté gauche et devant les piliers, des sacs de frappe sont alignés et font face à des cibles accrochées sur le mur derrière les piliers de droite. Des tables sont placées près des piliers, mais rien n'est posé sur celles-ci.

Je sors de ma contemplation lorsqu'une porte au fond à droite s'ouvre sur un homme torse-nu et luisant de sueur. Je ne peux savoir qui c'est de par sa tête penchée vers le sol. Ne m'ayant pas vu, je m'approche et me racle la gorge pour le prévenir de ma présence. Ce sont le fait directement relever la tête et il est surpris lorsqu'il me voit.

— Tu es déjà là ?

— Je crois que oui puisque je me tiens devant toi, j'ironise.

Il me sourit, s'avance vers une table et enfile le t-shirt qui se trouvait dessus tout en m'approchant. Lorsqu'il se trouve à quelques pas de moi, toujours avec un sourire chaleureux, il monte sa main vers mon visage, mais se ravise. Après un temps, il brise enfin le silence :

— En effet, c'est bien toi, sourit-il tristement. Je suis content de voir que tu as toujours la force de blaguer.

Je souris par politesse, mais en réalité je n'ai plus la force de rien, j'ai seulement enfilé un masque. Un très joli masque qui a un sourire resplendissant et qui dit ce que les gens veulent entendre ou voir.

— Tu es en avance dis-moi, lâche-t-il pour enlever cette gêne.

Il se dirige vers un punching-ball et s'arrête en croisant les bras. Lorsqu'il remarque que je ne l'ai pas suivi, il relève la tête et fait un truc bizarre avec ses sourcils, du style : « T'attends quoi ? ». Je comprends que je dois le suivre et m'avance en trottinant dans sa direction, gênée de ne pas avoir compris.

— Désolée... m'excusé-je d'une petite voix.

Il ne relève pas et reste droit. Je comprends que nous sommes passés à la séance d'apprentissage.

— Tape dans le sac.

C'était si soudain que je ne m'y attendais pas alors je reste quelques secondes sans rien faire.

— Allez, tape dans le sac, insiste-t-il fermement. Je veux voir ce que tu sais faire pour savoir quoi améliorer et quoi t'enseigner.

Je n'attends pas plus, voyant bien son implication et son changement d'humeur et me place comme je pense qu'il faut le faire. J'avoue ne pas savoir comment m'y prendre. Je n'ai aucun souvenir d’avoir déjà frappée dans un sac.

D'un coup, je frappe. Le sac de sable se balance et je réitère mon geste. Et encore. Puis encore. Plus je frappe, plus je me sens bien. J'ai envie de frapper encore et encore, mais tandis que je m'acharne un peu plus sur le sac Matt me stoppe en m'agrippant l'épaule.

— C'est bon. J'ai ce qu'il me faut, annonce-t-il. Suis-moi, je vais te faire un topo de tes défauts et tes avantages, niveau combat en corps-à-corps avant que d'autres n'arrivent.

Cette fois-ci, je ne me fais pas prier et je le suis de près. Il se dirige vers la petite porte de tout à l'heure et je découvre un local contenant deux portes en plus de celle que nous venons d'emprunter : l'une sur le mur d'en face, plus à droite, et la deuxième sur le mur perpendiculaire gauche. Un petit frigo se trouve à côté de la porte d'en face et s'oppose à un banc calé contre le mur. Des poids sont posés à sa droite ainsi que des serviettes. Un placard se trouve sur ma droite en rentrant, sûrement pour poser des vêtements.

Pendant que j'analyse la pièce, Matt se dirige vers le frigidaire et en sort une bouteille d'eau qu'il me tend et que j'accepte avec plaisir, m'étant bien trop défoulée sur ce pauvre sac. S'asseyant sur le banc, il me fait signe de m'asseoir et commence à m'expliquer comment nous procéderons pour nos échanges secrets.

— Comme tu le sais, tu viens de sortir de la « prison », énonce-t-il en mimant des guillemets. Ce qui signifie que tout le monde va se méfier de tes moindres faits et gestes, d'autant plus Bowers. Nous allons devoir être discrets si nous ne voulons pas nous faire repérer, continue-t-il sans pression.

Il me regarde attendant de voir si je comprends l'enjeu puis il poursuit.

— Je te donnerais chaque matin un papier qui regroupe tout ce que je sais et je veux que tu marques toutes les choses que tu as découvertes. Si tu as des questions, pose-les aussi au dos, explique-t-il en se prenant une bouteille d'eau également. Tu devras faire attention à ce que tes colocs n'apprennent rien de nos échanges et encore moins de ce que nous faisons. Ils pourraient très bien aller prévenir le général, donc fait gaffe.

— Ok.

— Au fait. Continue à ne plus boire ton jus. Donne-le. C'est ce que tu faisais, n'est-ce pas ?

— Oui. Je le donnais à Noah.

— Bien.

Nous sommes interrompus par un bruit venant de la grande pièce. Soudain, un homme surgit dans le local et est surpris de voir du monde.

— Tu es déjà là, Matt ?

— En effet, comme tu peux le voir. Josh, je te présente la stagiaire de la semaine, Eli...

Il est coupé avant même d'avoir fini les présentations.

— La fille de la piaule.

— Eliona, précisé-je fortement, n'appréciant guère le p'tit surnom donné.

— Bien sûr. Eliona. Pardonne mon impolitesse.

Je ne réponds rien, ne voulant pas donner de l'importance à ce petit nom ridicule. Et blessant.

— J'étais en train de lui expliquer ce qu'elle allait devoir améliorer.

— Tu lui as déjà demandé une démonstration ? Et alors, y'a du boulot ?

— Il y a des choses à revoir. Comme pour tout le monde. Tu ne te souviens pas de tes débuts, Josh ? balance Matt pour piquer l'homme.

Ce dernier grogne dans sa barbe mal rasée et se dirige vers la porte du fond qui m'indique que des douches se trouvent de l'autre côté du mur. Soudainement, mon entraîneur se lève en jetant sa bouteille qui atterrit dans une poubelle qui bouge toute seule et me tend sa main.

— Allez ! Allons, vraiment, perfectionner ta manière de combattre, lâche-t-il tout bas en s'approchant de moi.

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