Chapitre 8

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Le petit-déjeuner bien entamé, certains de mes colocataires ont déjà rejoint leur Bloc. À notre table ne restait plus que Tora qui pouffait à la remarque des jeunes femmes en face de lui et Noah qui se trouvait en face de moi.

Quand je me tourne vers lui, je le vois m'observer. Je le soupçonne de le faire depuis un moment mais ne relève pas. Je me demande tout à coup pour quelle raison il est encore là puisque son plateau est vide et qu'il est presque l'heure.

— Noah ?

— Oui, Bunny.

Je baisse la tête pour cacher le sourire qui naît sur l'embrasure de mes lèvres à cette appellation.

— Que fais-tu encore ici alors que tu as fini de manger ? le questionnais-je.

Il ne sourcille pas et garde les yeux posés sur moi.

— Je t'attends, annonce-t-il.

— Oh ! m'étonné-je. Pardon ! Nous pouvons y aller, j'ai fini.

Je me lève quand il m'interrompt :

— Et ton jus ?

— Je n'ai pas soif, déclaré-je indifférente. Mais tu peux le boire si tu veux.

— Cool, merci, claironne-t-il enchanté de pouvoir boire un deuxième verre.

Nous nous dirigeons vers de l'ascenseur et nous nous séparons à nos étages respectifs. Lui, au Bloc Infirmerie. Moi, au Bloc de Contrôle de la vie.

Cette fois-ci, je trouve rapidement le bureau et m'installe au côté de Bryce qui est déjà en plein choix pour Alaric. Je m'attèle avec rapidité à ma tâche et m'occupe cette fois encore de la mère de famille.

Bryce me fait totalement confiance et me laisse veiller sur la femme de la famille Delgado tandis que lui s'occupe des garçons et de Dana. Il en profite aussi pour me raconter quelques anecdotes sur les anciennes familles dont il s'est occupé auparavant.

Ce midi, nous mangeons au bureau. La cantine est occupée par une réunion. Puisque la salle prévue à cet effet au BP a eu un souci et est donc en réparation.

— Cet aprèm, je vais te montrer d'autres fonctionnalités.

— Ok, pas de problème, répondis-je en piquant ma salade. Ça me va.

***

— Alors celui-ci, le carré vert, engendre une grossesse. L'étoile jaune, quant à elle, a pour effet de faire sa demande en mariage, le triangle bleu pour choisir le divorce, le rond violet pour prendre sa retraite et enfin, après la naissance, nous choisissons la personnalité de l'enfant en fonction des choix de vie des parents – est-ce qu'ils ont un casier judiciaire rempli ? Ont-ils sauvé des gens ? Etc. – grâce au rectangle gris qui nous ouvre la liste des qualités et des défauts, m'énonce-t-il en pointant chaque bouton.

Je reste concentrée et retiens dans un coin de ma tête tous les boutons ainsi que leur fonction. Il se tourne vers moi, s'étonnant de mon manque de réponse comparé à d'habitude :

— Tu as besoin que je recommence ? propose-t-il rieur. Je suis peut-être allé un peu vite.

— Oh non, non, c'est tout bon, m'exclamé-je un peu trop fort.

— Ah oui ? rit-il. J'ai hâte que tu me réexpliques tout alors.

Pensant qu'il n'est pas sérieux, je ne renchéris pas, mais ses yeux me lancent des regards qui se veulent insistants pour que je répète.

— Maintenant ?

— Eh bien oui maintenant, pouffe-t-il. Quand est-ce que tu aurais voulu que je te le demande ?

— Euh... bah... Après réflexion je ne sais pas, réponds-je hilare fasse à ma réaction plus que soupçonneuse.

Avant de me lancer, je me remémore toutes ses explications, inspire et finis par me lancer.

— Ok alors, le carré vert cause une grossesse, le mariage par l'étoile jaune, le triangle bleu pour le divorce, le rond violet pour la retraite puis le rectangle gris pour choisir la personnalité de l'enfant après la naissance.

— Et ?

— Ah ! Et la personnalité se choisit en fonction des choix faits auparavant par les parents, s'ils ont sauvé des personnes ou les ont protégés et... et s'ils ont un casier judiciaire.

— Bien, tu suivais finalement, rigole-t-il. Je te laisse retourner t'occuper des filles jusqu'à ce soir. Allez.

Oui, Bryce m’a finalement laissée m’occuper de Dana en voyant mon travail avec Marguerite. J’en suis plutôt fière.

Bryce reprend également le contrôle des hommes de la famille bien heureux de ne pas avoir eu besoin de répéter et nous sommes partis pour finir la journée comme cela. Une heure et demie, ça devrait aller relativement vite. Je me plonge dans mon travail et me concentre principalement sur Dana pour lui éviter de faire des conneries. Il est déjà arrivé qu’elle me donne du fil à retordre avec ses vols.

Lorsque l'heure de partir arrive, mon professeur me fait signe d’y aller avant tout le monde, une nouvelle fois. Je ne me fais pas prier. J'accours presque jusqu'à l'ascenseur et appuie frénétiquement sur le bouton de fermeture des portes après avoir violenté celui du niveau -10. Comme la veille, je parcours le peu d'étages souhaités par les autres occupants. Deux plus particulièrement.

Sachant que je me trouve être dans les dernières à descendre, je me plonge dans les méandres de mon esprit et organise toutes les nouvelles informations ingurgitées durant la journée dans les recoins de mon crâne. Lorsque je ressors de ce labyrinthe, mon regard se trouve attiré à ma gauche sur le même homme mystérieux d'hier.

À ma droite, quand j'ose enfin lui adresser la parole pour lui poser la question qui me brûle les lèvres, quelqu'un m'interpelle.

— Bunny ? Tu vas bien ?

Finalement, je reconnais la voix de mon colocataire, celui qui m'a attendue au petit-déjeuner, Noah. Je pivote face à lui et vu la gueule qu'il tire, ma tête doit être hilarante. Après un court laps de temps, je me reconnecte au monde réel et finis par lui répondre.

— Oui ! m'exclamé-je bien trop fort. Veuillez m'excuser. Oui, je vais bien, et toi ?

— Personnellement, je vais parfaitement bien, mais toi ! Toi, tu me fais peur. Déjà ce matin tu avais quitté la terre et là tu étais repartie en expédition je ne sais où, mais c'était à des années-lumière d'ici. Je te parlais bien depuis trois minutes et tu n'as jamais réagi jusqu'à ce que je t'agrippe le bras.

Je suis gênée par ce qu'il me raconte. Je ne pensais pas m'être autant plongée dans mes pensées pour ne pas le remarquer.

— Tu es sûre que tu vas bien ? Sinon, je peux t'emmener à l'infirmerie. Ça ne me dérange pas d'y retourner pour toi, en plus, je pourrais moi-même te faire le petit bilan avec ce que j'ai appris, ajoute-t-il toujours aussi inquiet et taquin.

— Oui, oui, oui. Ça va, ne t'en fais pas, je vais très bien. Je réfléchissais juste un peu à ma journée. Pour être sûre de bien tout retenir et de viser une réponse plus que correcte lors de son envoi, le rassuré-je souriante.

— Tu as tout à fait raison. Je devrais sûrement faire la même chose mais je n'ai pas la force de travailler encore après une aussi dure journée, gémit-il fatigué.

— Tu déconnes j'espère, rié-je ahuri par ses mots. À part apprendre à faire des bandages, prendre les constantes, sûrement faire des perfusions et faire des prises de sang, je ne vois pas ce qui a pu te fatiguer. Moi je dois m'occuper d'une famille toute la journée assise derrière des espèces d'écrans holographiques pour ne pas qu'ils fassent de conneries et je dois faire des choix importants à leur place donc je pense que je suis la plus à plaindre.

Je continue de rire tandis qu'il me regarde, bouche bée. Je reviens de nouveau à moi lorsque l'ascenseur s'arrête à notre niveau. Je remarque également que l'homme au croissant de lune a disparu et me demande même si je ne l'ai pas rêvé. Je ne m'attarde pas plus sur ces pensées et me concentre, cette fois-ci, sur Noah. Nous discutons dans le couloir qui rejoint notre « chez nous ». J'apprends, même si ce n'est pas une grande surprise, que le blond est un vrai clown et qu'il adore les blagues. Il ne se souvient de rien, comme tous nos colocataires, mais a une certaine attirance pour la couleur rouge, la cuisine italienne et il entretient une grande histoire d'amour depuis peu avec... roulement de tambours... LE JUS D'ORANGE.

Quand nous rentrons dans notre espace de vie, nous sommes les premiers puisque nous avons anticipé le troupeau de bœufs rentrant au bercail. Nous nous changeons et décidons de cuisiner un casse-croûte pour l'ensemble de nos colocs qui doivent être, pour la plupart, épuisés.

— Bon ! Que veux-tu cuisiner, Bunny ?

— Mmmhh, je dirais un poulet à la milanaise. Comme ça on met les mains à la pâte réellement, je souris en tapant vigoureusement dans mes mains.

— Je t’écoute pour les ingrédients, Bunny, annonce-t-il en remontant ses manches.

J’actionne l’ordi holographique et cherche une recette. Noah est d’ailleurs ahuri que je sache utiliser cet ordinateur.

— Alors ! Les escalopes de poulet qui sont sur l’étagère du milieu dans le frigo et huit œufs. En dehors du frigo, nous avons de la chapelure, de l’huile de tournesol, des tagliatelles, de la sauce tomate et du piment, derrière toi normalement.

— Du piment !?

— Oui, du piment !! je réponds sur le même ton choqué que lui.

Malgré tout il le sort et le pose à côté des autres ingrédients qui trônent sur le plan de travail. Assez vite, nous avons les mains propres et des tabliers de cuisine aussi neutres que toutes les pièces de CCVE, donc blanche.

— D’après la recette il faut faire cuir les pâtes, donc faisons d’abord bouillir l’eau, commence-t-il en remplissant une grosse casserole d’eau.

Je lis la suite de la recette et ajoute une pincée de sel, de poivre et de piment dans les œufs préalablement cassé dans une assiette creuse.

— Fouette plus vite. Allez, allez, hop hop hop ! m’encourage-t-il en tapant dans ses mains.

— Occupe-toi plutôt de la seconde assiette, Looser.

— Le Looser te remercie mais il sait lire, p’tit lapin trop cute.

Rapidement, dans son assiette est ajoutée la farine dans laquelle il enrobe la première tranche de poulet, puis dans l’œuf et enfin dans la dernière assiette que j’ai remplis de chapelure. Il repasse dans l’œuf et la chapelure afin que le poulet soit bien enrobé.

Pendant que nous répétons ces étapes avec les autres morceaux de poulet, nos colocataires arrivent au compte-goutte.

Bientôt, le minuteur de l’ordi flottant nous sonne et nous retirons du feu les poulets pour les servir à table, où est déjà réunis toute la coloc.

Après le délicieux repas de ce mardi soir, nous avons, tous ensemble, regagné notre dortoir sous les blagues de Noah, toutes plus pitoyables les unes que les autres ainsi que les récits barbants de notre Drama Queen de service et les explosions de rires de notre groupe.

Nous nous affalons, en cercle, sur les fauteuils du salon, analysons le temps qu'il nous reste avant le couvre-feu et nous décidons de faire un jeu pour les trente et petites dernières minutes de temps libre qu'il nous reste.

Nous avons du mal à trouver quel jeu faire puisqu'un Action ou Vérité ne fonctionne pas sans nos souvenirs pour la « vérité », le cap ou pas cap fait trop... enfantin ? Le jeu de la bouteille est trop pour des colocataires qui n'ont aucun souvenir, mais surtout pour des colocataires.

Finalement, nous partons sur un Pictionnary en équipe. Les filles contre les garçons. Je sais, un Pictionnary n'est pas très stylé comme jeu de soirée mais pour démarrer, c'est pas mal. Surtout que nous avons rajouté une contrainte : dessiner ce qui nous définit ou un élément dont nous nous souvenons de notre vie oubliée.

— Honneur aux filles, nous invite Liam à commencer.

— Qui veut commencer dans notre groupe ? propose Aloïse en nous regardant.

— Je ve-

—Moi évidemment ! coupe Montana en tendant la main vers la blonde presque blanche pour prendre le crayon. De là ce joue un jeu de regard entre les deux filles et nous aurions pu croire qu’une bataille allait se déclencher.

— Tiens, Brook, annonce Aloïse en lui tendant l’ustensile.

— Merci.

Les garçons mettent le timeur via leurs bracelets et Brook commence son dessin.

— Un rond ?

— Un bracelet ?

— Une boule !

— Un fruit ?

— Je l’ai ! C’est une orange !

Elle acquiesce et développe :

— Je crois me souvenir que ma couleur préférée est l’orange. Désolée, je ne savais pas comment dessiner la couleur alors j’ai dessiné le fruit, explique-t-elle gênée. C’est à vous les garçons.

Noah nous a crayonné un clown qui signifie qu'il adore les blagues. Evident. Montana n'a pas voulu jouer mais nous l'avons forcée. Des bouteilles de shampoing. Etonnant.

— Raphaël ! Raphaël ! Raphaël ! Nous l’encourageons les filles et moi pendant qu’il dessine.

— Mais arrêtez les filles, on n’arrive pas à se concentrer, ricane Alec en repoussant Brook qui cache de sa main ses yeux.

— Un livre !

Raphaël acquiesce et nous tend le crayon et le bout de feuille.

— J’aime bien lire.

Je lui sourie et il me le rend.

Je trouve que les livres le représentent plutôt bien avec sa timidité.

Aloïse saisit le bout de bois et nous dessine des yeux assez bancals et fait à la va vite sous nos rires et nous trouvons aussi rapidement qu’elle a pris pour les dessiner. Elle nous explique qu’elle aime bien observer ce qui l’entoure et que ça l’apaise. Elle ajoute aussi que ça peut être utile dans les situations critiques. Liam croque une vague et nous apprend qu’il adore l’eau et qu’il se souvient aimer nager.

— A ma chère mie, veuillez accepter ce présent, recommence le Looser en me tendant le crayon à papier dans une révérence.

— Je vous remercie mon seigneur, j’accepte en rentrant dans son jeu retenant mon rire. Veuillez lancer le temps impartit que je puisse vous croquer un fabuleux dessin.

Je commence à dessiner des petits bras et des petits pieds, puis un mini corps et avant que je ne puisse continuer Aloïse cri « un bébé. »

— Ouuiii ! J’adore les bébés. Je ne sais pas pourquoi mais je les adore rien qu’en les voyant, alors je n’imagine pas quand j’aurais des enfants, je serais gaga. A toi Alec, départage-nous puisque nous sommes à égalité.

— Merci. En tout cas, très beau bébé sans tête.

J’en rigole et fais glisser la feuille presque pleine vers lui.

— Un garçon !

— Un couple ?

— Pourquoi tu fais des bonhommes bâtons aussi, frère !

— DES garçons !

— DES AMIS !

Alec lâche le crayon et lève les mains en l’air pour qu’on arrête le chrono.

— C‘était des amis ? je demande à son attention.

— Oui.

— Bien jouer mais avec le temps que vous avez fait, je suis désolée de vous annoncer que vous avez… PERDU ! je leur annonce en rigolant et en sautant dans les bras d’Aloïse qui s’était levée en même temps que moi pour fêter notre victoire.

Nous nous moquons d’eux, même si ce n’est pas du jeu et nous sautillons comme des gamines dans tous les sens avec Brook et Aloïse. Montana reste sagement assise au sol en train d’inspecter ces ongles. Néanmoins, un sourire trône sur le coin de ses lèvres et je sourie face à cette petite victoire qu’elle fête malgré tout avec nous mais à sa manière.

Après tout cela, nous sommes partis nous changer pour ensuite nous coucher. Nous attendions tous la fin de semaine pour avoir cette fameuse courte et unique journée de repos.

En nous souhaitant tous une bonne nuit, nous posons la tête sur l'oreiller au moment où la lumière s'éteint, signifiant le couvre-feu.

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