Chapitre 17
C'est exténuée que je m'enfonce dans le couloir menant à la coloc. Je suis vidée. Le passage en réalité virtuelle a été rude, j'ai d'abord été déboussolée mais heureusement que je me suis vite remise une fois dedans, sinon je n'aurais pu intervenir sur le combat qui se profilait. Un peu plus et je me prenais un coup qui se verrait bien sur mon corps en sortant du monde. Parce que oui, c'est une fonctionnalité qui a été ajoutée. D'après Monsieur Bowers : « ça apprendrait à nous endurcir ». Parce que dans sa logique, nous devons prendre des coups pour apprendre à les supporter et les contrer. Pfff. Je me promet de checker mon corps avant de me coucher ce soir afin de traiter toutes mes blessures.
Je passe le pas de la porte et je suis direct accueillie par de gros bras qui m'enserrent la taille. Surprise, je ne réponds pas à ce geste, même quand je remarque que cette personne n'est autre que Liam.
— Eh bien ! Que me vaut cet accueil ?
— J'avais tout simplement envie, déclare-t-il en souriant chaleureusement.
Montana n'est pas encore rentrée, l'ambiance est bonne et je suis certaine qu'à son arrivée elle la plombera en jacassant encore et toujours sur sa journée.
Je m'avance dans la cuisine et vais me servir un chocolat pour me joindre à eux. Cependant, je croise le regard de Raphaël et me souviens de notre échange qui est nécessaire dès maintenant. Alors en attendant que ma tasse chauffe dans le micro-onde, je jette un regard faisant comprendre à Aloïse qu'il ne faut pas tarder pour annoncer notre projet. Message qu'elle comprend vite et interrompt la discussion de Liam pour lui demander de l'aide.
—Liam. Tu veux bien m'aider à débarrasser et faire la vaisselle, s'il te plaît ?
Tout le petit groupe stoppe leurs échanges, tous surpris par la demande de la blonde. Alec coule un regard vers son ami puis vers elle de nouveau. Un silence plane sur la pièce et Alec tente un coup de coude « discret » à Liam mais son geste fait glousser Noah.
— Je vous arrête tout de suite avant que vous ne vous imaginiez quoi que ce soit, j'ai juste une grosse flemme de faire la vaisselle alors étant donné que Monsieur à l'allure d'un surfeur et qu'il nous a annoncé adorer l'eau, je lui offre le plaisir d'aller patauger dans l'évier avec la vaisselle sale que j'essuierais ensuite, explique-t-elle en tirant la langue à l'attention des garçons.
— Ouais ! Mais pas l'eau sale de la vaisselle ! se plaint Liam en grimaçant.
— Eh bien, la prochaine fois, tu préciseras, sourit-elle fière de ses répliques et en commençant à ramasser la vaisselle vide.
Sans se plaindre davantage, il l'a suis jusque dans la cuisine et au moment même où je souris à Aloïse ayant aimé son moyen pour prendre Liam de côté, Montana nous joue son entrée théâtrale. Tout le monde se lève où trouve une rapide occupation pour ne pas être pris dans un pénible échange avec la pleurnicheuse. Moi, je lance un regard à Raphaël pour l'inciter à me rejoindre dans le dortoir, toujours accompagnée de ma tasse fumante.
— Tu es sûre de vouloir en parler maintenant ? Tu a l'air épuisée, j’entends faiblement derrière moi.
En me retournant, je constate que Raphaël a la tête baissée sur ses doigts qu'il triture, mal à l'aise.
— Regarde toi, Raphaël. Ce que tu souhaites me dire te dérange, alors je n'attendrais pas une minute de plus pour te libérer du poids que tu as, je lui fais remarquer. Quelque soit la chose qui te tracasse, tu peux avoir confiance en moi, ok ? Et puis, je dois t'avouer quelque chose moi aussi et ça, ça ne peux pas attendre.
Il me regarde étrangement et il comble soudainement l'espace qu'il y avait entre nous en se jetant dans mes bras. Je réponds à son étreinte voyant son mal être. Nous nous détachons peu de temps après et lui va s'asseoir sur son lit. Je le suis afin de pouvoir discuter sans être dérangés.
— Je peux ? je demande en pointant du doigt la place à côté de lui.
Il hoche la tête et retourne triturer ses doigts que j'attrape une fois assise, le forçant à se tourner vers moi.
— Parle-moi Raphaël ! dis-moi ce qui te tracasse, dis-je pour l'encourager.
— Il vaut mieux que tu comme...
— Non !
Son regard empli d'incompréhension face à ma réponse brusque. Je suis en colère de mon propre comportement. Il n'est pas bien et je lui hurle dessus. Je lui lâche les mains et m'éloigne de lui pour ne pas aggraver la situation.
— Pardon. Je suis désolée, je n'aurais pas dû réagir ainsi, vraiment. Je... Je suis fatiguée de tout ça. De cette mascarade bidon. Je comprendrais que tu ne veuille plus me confier quoi que se soit alors je vais seulement t'avouer la vérité et si jamais tu as des informations qui pourrait nous aider, tu pourras en parler à Aloïse, jue lui explique déçue de moi-même.
Je tente un regard vers lui qui me sourit. Etrangement, je souris aussi, malgré ce que je viens de faire. Soudain, il rigole et je le regarde, cette fois-ci, totalement perdue.
— Eliona, je ne t'en veux pas ! Je comprends tout à fait et d'autant plus après ce que j'ai entendu aujourd'hui, commence-t-il en se calmant peu à peu. Eliona, j'ai surpris Monsieur Bowers en conversation avec une personne qui était en pleine fouille d'un bureau et je crois que c'était le bureau de ton entraîneur, euuh... Mick. Non. Comment c'est déjà ?
— Matt. Il s'appelle Matt.
— Voilà ! Je crois bien qu'il parlait de toi et de Matt aussi. Il parlait d'un paquet et d'une taupe. J'ai pas tout bien entendu mais c'était essentiellement ça.
Mon regard fixe un point imaginaire sur les draps du lit qui nous fait face. Raphaël a entendu l'autre bout de la conversation que j'ai surpris de Josh. Ce n'est pas d'énormes infos mais...
— Il a aussi parlé du plan Gipsy et d'un étage inférieur mais je n'ai pas compris.
J'ai encore parlé trop vite on dirait.
— Je crois qu'il y a quelque chose qui cloche, Eliona. Et tu as renforcé mon ressenti en parlant de « mascarade » alors c'est à toi maintenant. Explique-moi.
Gipsy. Nous ne savons pas en quoi consiste ce plan. Etage inférieur. L'étage bloqué par la clé spéciale.
— Oh et j'ai failli oublié mais... Eliona, tu m'écoutes ? continue-t-il en secouant une main devant mon visage.
— Oui. Oui, je t'écoute, Raphaël.
— J'ai arrêté de boire le jus qu'il servait et depuis j'ai des visions. C'est pas des cauchemars puisque j'ai la sensation d'avoir déjà vécu les choses que je vois. Je suis désolé, je suis nul pour expliquer, s'excuse-t-il.
— Non, Raphaël. Je comprends très bien ce que tu veux dire, moi aussi j'ai des visions.
Un bruit venant du couloir me fait me retourner. J'attends, ne souhaitant pas commencer mes explications si une personne venait à franchir la porte, mais les pas se rapprochent et soudain Noah apparaît. Lorsqu'il nous voit, tous les deux, aussi proches, il paraît blessé et part à toute vitesse vers les douches.
— Noah, attends ! C'est pas ce que tu crois ! je m'exclame en le poursuivant.
En arrivant à l'ouverture des douches, je me retourne vers Raphaël :
— Je suis désolée, mais je dois vraiment rétablir la...
— Pas de soucis, file. Je t'attends.
Je lui souris rapidement et me tourne vers l'ouverture afin de repérer Noah qui est en train d'accrocher ses vêtements de rechange sur un portant. Je m'approche rapidement et lui touche l'épaule pour le faire se retourner.
— Me touche pas ! lâche-t-il en se dégageant de ma main. Va le retrouver, c'est bon je dirais rien !
— Non, Noah. Justement, je ne vais pas le retrouver ! commencé-je en retenant mon indignation face à sa colère injustifiée. Je te veux toi mais nous ne pouvons pas et tu le sais très bien ! argumenté-je en chuchotant.
Il se détourne de moi et commence à se déshabiller, comme si je n'était pas là.
— Mais qu'est-ce que tu fais ?
— Je me déshabille pour aller à la douche, ça se voit, non ? joue-t-il sur les mots alors qu'il se retourne vers moi, le torse découvert me permettant d'observer ses abdos, certes pas si dessinés que cela mais assez pour moi.
— Noah... je souffle en détournant mon regard quand il entreprend d'enlever son pantalon. S'il te plaît, rhabille-toi le temps que je te parle ?
— Me parler de quoi ? Du fait que tu flirtes avec Raphaël ?! Sans façon, je l'ai déjà compris, merci.
Je me retourne vivement pour lui faire face, en colère mais me retrouve face à Noah complètement nu me fixant avec tristesse. Mes joues chauffent rapidement et je me retourne dans un petit cri étouffé par mes mains qui se plaquent sur mon visage.
— Tsss. Parle, dépêche-toi. Tu as le temps de ma douche et ne me sors pas le fait que tu me veux moi, puisque si c'était vrai, alors je ne t'aurais pas retrouvé sur son lit, aussi proche de lui.
Je soupire mais je capitule. C'est quand l'eau de la douche vient frapper le sol que je me rends on ne peut plus compte de la situation.
— Il se sentait mal et souhaitait me parler et...
— Et ?
— Et j'avais une information à lui faire part mais tu l'auras aussi tu es le prochain qui sera au courant c'était prévu, je te le jure, déblatéré-je tellement vite que je me demande même s'il a compris quelque chose.
— Pourquoi je ne suis pas le premier mis au courant alors ?
— Parce que Raphaël avait l'air mal quand je l'ai vu ce midi et qu'il a demandé à me parler. En le voyant dans cet état, je me suis dis qu'il avait sûrement appris ce qui se passait vraiment ici.
Après un silence de sa part, je pense qu'il ne me croit pas et que c'est fini, plus aucune explication ne pourra le faire revenir sur ce qu'il a cru, mais c'est alors qu'il souffle fortement avant de demander :
— Et que se passe-t-il réellement ici ?
Surprise, je ne sais pas quoi répondre. Je réfléchis à toute vitesse puis la seule solution que je trouve afin de le récupérer, lui et sa confiance, est d'expliquer la situation aux deux garçons en même temps.
— Quelqu'un d'autre a prévu de se doucher ?
— N'esquive pas...
— Est-ce que le reste du groupe a prévu de se doucher, maintenant ?
— Oui, souffle-t-il.
— Bien alors dépêche-toi de finir la tienne. J'envoie Raphaël pour qu'il y passe également et vous me rejoignez dans la cuisine le plus vite possible et sans éveiller les soupçons.
Avant qu'il ne puisse répondre, je sors déjà de la pièce. Raphaël est maintenant allongé sur son lit, des écouteurs sans fils dans les oreilles. Je le remercie intérieurement de ne pas avoir écouté notre conversation avec Noah. Je l'interpelle et lui explique ce que je viens de dire à Noah. Rapidement, il gagne les douches, accompagné d'Alec, Montana et Brook.
Je retourne au séjour et croise Liam, choqué, qui rejoint les autres. Aloïse, elle, est simplement adossée à l'îlot de la cuisine, la tête entre les mains. Je la rejoins aussitôt, posant une main rassurante sur son bras.
— Ça c'est si mal passé que ça ? demandé-je d'une voix peu assurée.
Elle expire longuement, sûrement en cherchant ses mots puis me répond :
— Non, non ça été. Il a seulement remarqué certaines choses dans d'autres blocs et je crois que nous ne savons pas tout, mais alors vraiment pas, et je commence à douter de notre projet. Toutefois, je suis consciente que tu es en danger en restant plus longtemps que vendredi. Je ne me permettrais pas que tu le sois, parce que je peux avoir l'impression de reculer mais c'est tout le contraire, explique-t-elle en se détachant du plan de travail et se rapprochant. Je ne veux surtout pas que tu penses que je recule devant l'ennemi parce que c'est faux, s'il faut je suis prête à tuer. Je ne veux aucune mort. Du moins de notre côté, je ne refuserais pas certaines de l'ennemi, rigole-t-elle pour adoucir l'atmosphère étrange qu'elle a installée.
Je lui souris, touchée par son inquiétude. En la regardant, nous pourrions croire à une fille détachée du monde alentour mais c'est tout le contraire. Quand on apprend à la connaître, elle est émotive et agréable à côtoyer. Tout en me rendant mon sourire, elle m'enlace et je réponds à son étreinte comprenant que cette soirée était rude pour tout le monde, enfin pour ceux qui savent.
— Et toi, avec Raphaël, au fait ? demande-t-elle en mettant fin à notre câlin.
— Ohh euh... Je ne lui ai rien dit, répondis-je en me grattant l'arrière de la nuque. Pas encore, en tout cas. Noah nous a surpris et euuh... J'ai dû trouver une excuse et finalement je leur annonce à tous les deux dans quelques minutes, quand ils sortiront de la douche en avance, fini-je quand les deux concernés arrivent dans le séjour, tout beau, tout propre. Noah encore plus.
— On a environ dix minutes, m'informe le beau blond en arrivant dans la cuisine, suivi de près par Raphaël.
Nous échangeons un regard avec Aloïse qui part juste après.
— Ok, je vais essayer de faire vite, alors ne me coupez pas, s'il vous plaît ? Ça risque de vous faire un choc mais c'est important pour notre plan. Noah toujours sceptique.
Ils hochent la tête et je me lance encore une fois dans des explications. Au fur et à mesure que j'énonce les faits, les émotions défilent sur leur visage. Le choc pour le monde virtuel dans lequel nous vivions et le fait que je sois la fille au destin tracé. La haine pour la drogue injectée dans la nourriture et les jus. La tristesse pour le passage à la fosse et les cauchemars à répétition. Et j'en passe.
Je finis tout juste quand les autres sortent du dortoir. Nous échangeons un regard avec les garçons puis Aloïse, et Liam se joint à notre échange visuel. Sans avoir besoin de parler, nous nous comprenons.
— On y va ? demande Alec mettant fin à notre discussion silencieuse. J'ai la dalle.
Nous le suivons dans le couloir et excepté Alec, Brook et Montana qui personne ne parle. Chacun réfléchit à ce que nous savons et ce que chacun a appris. C'est sûr que face à un tel mensonge, on commence à douter de tout ce qu'on nous a dit. C'est dans l'ascenseur que Brook casse ce silence en nous sortant de notre réflexion :
— Qu'est-ce que vous avez tous à être aussi silencieux ? Noah tes blagues, aussi pourries soient-elles, commencent à me manquer.
Celui-ci sourit légèrement et renchérit avec humour. C'est sur ces questionnements que nous reprenons conscience qu'il ne faut éveiller aucun soupçon. Si nous continuons ainsi c'est peine perdue, alors nous ravivons un masque enfoui, le temps des premières révélations et c'est dans la bonne humeur que nous finissons cette journée. Montana nous a même surpris en se montrant gentille, mais nous restons méfiants. Nous ne savons pas tout de Monsieur Bowers et de ce qu'il pourrait faire pour avoir des infos. Nous sommes rentrés assez tard du dîner mais toujours aussi joyeux, comme si les aveux n'avaient jamais eu lieu et pourtant si.
Aux alentours d’une heure du matin, Noah m'interpelle en chuchotant :
— Eliona, tu dors ?
— Non.
— Je suis désolé pour tout à l'heure.
— Ce n'est rien, Noah. J'aurais pensé comme toi, je le rassure en chuchotant.
— Et merci pour ta confiance.
Je n'ai pas le temps de répondre qu'il enchaîne déjà.
— C'est dommage pour... tu sais, souffle-t-il sans préciser notre relation de peur que quelqu'un soit finalement réveillé et à l'écoute de notre conversation.
Il y a un silence un certain temps puisque je ne sais pas quoi répondre tant le désir, la peur, l’amour, la haine envers le système, la joie, me traversent à cet instant.
— Oui. C'est dommage.
Je l'entends se retourner dans son lit, sûrement déçu de ma réponse banale puis je souffle finalement :
— Ça me manque.
Je m'endors sur ces mots sans savoir s' il les a entendus.
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