Chapitre 18
— Je veux t'aider ! chuchote fortement Noah. Tu ne m'empêcheras pas de t'aider. S'il faut tuer Monsieur Bowers je n'hésiterais pas une seconde !
— Je le sais Noah, mais il faut que tu prennes sur toi et que tu fasses comme d'habitude, je tente de lui expliquer alors que nous nous trouvons dans le séjour. Je te demande seulement de paraître naturel. Tu peux très bien fouiner mais discrètement.
— Tu me prends pour qui, Eliona ? Bien sûr que je serais discret sinon c'est toi qui risque de prendre si on venait à apprendre qui tu es !
Notre dispute ne se calme pas et le ton du blond monte bien que nous chuchotions toujours. Je sais qu'il veut m'aider mais il veut faire ça de manière impulsive, ce qui ruinerait toutes nos chances. Je le prends dans mes bras pour qu'il arrête de tourner en rond et il répond à mon étreinte soufflant dans mon cou. Je sais que la règle n°3 l'embête plus qu'autre chose, mais j'apprécie son effort afin de ne pas se faire prendre. Je comprends la douleur qu'il ressent lorsqu'il est avec moi. Le fait de ne pas pouvoir me prendre dans les bras ou de poser encore et encore ses lèvres sur les miennes doit le tirailler autant que pour moi, mais nous ne pouvons en aucun cas risquer de se faire prendre. C'est alors qu'au bout de quelques minutes, nous nous détachons et son regard me fait mal au cœur.
— Tu me manques tellement, me souffle-t-il en collant nos fronts. Si seulement nous pouvions nous échapper de cet endroit et partir loin, très loin.
— Je sais, Noah. C'est dur pour moi aussi, mais tu le sais nous ne pouvons pas risquer de se faire prendre. Pour toi, comme pour moi.
Attristé, il met fin à notre contact physique et passe une main dans ses cheveux.
— J'espère bien que pour toi aussi c'est difficile parce que c'est dur pour moi de te voir mal et de pas pouvoir te prendre dans mes bras et te dire tout ce que j'aimerais te dire qui ne serait pas vu comme un câlin amical, j'aimerais pouvoir te dire je t'aime et pouvoir t'embrasser dès que j'en ai envie et putain j'en ai envie tout le temps ! C'est tellement frustrant, si tu savais !
Je ne réagis pas à sa déclaration et m'écarte connaissant cette sensation plus que déplaisante. Je me dirige vers le couloir de l'ascenseur en entendant les autres arriver dans le salon. Noah ne me court pas après et je n'attends personne.
Au bout de quelques minutes toute la coloc se trouve dans le réfectoire, chacun à sa table, chacun en pleine discussion. Tout en mangeant, je dresse la liste de mes amis qu'il reste à informer.
Brook.
Alec.
Et Montana, mais Matt s'en charge.
J'espère sincèrement qu'elle ne foutra pas la merde dans le plan quand elle le saura parce que nous risquons la peine maximale. Et Matt aussi. Je me reconcentre sur les objectifs à atteindre avant la fin de journée, c'est-à-dire trouver des indices, infimes soient-ils, mettre au courant le reste du groupe ainsi que répondre aux questions qu'ils pourraient avoir et enfin, caler un rendez-vous avec Matt et Aloïse qui pourrait être décisif ou du moins un des derniers avant de passer à l'action. Je ne cherche pas à savoir auquel je devrais l'annoncer, la seule chose qui m'importe vraiment c'est d'y arriver. Arriver à partir d'ici sans forcément devoir sauver la vie de plein d'autres, mais ces gens comptent sur moi pour secourir la planète.
Je me lève en m'apercevant que l'heure file bien vite ce matin – ou alors je suis seulement dans la lune – et m'empresse de rejoindre l'ascenseur avant qu'il ne se referme sur le petit groupe déjà à l'intérieur. Brook, qui est dans la boîte de métal, retient les portes pour moi.
— Tu vas à quel étage ?
— Le BC, s'il te plaît, je lui réponds en souriant.
— Ça se passe bien là-bas ? demande-t-elle, curieuse. Après ce que Montana en a dit, je m'inquiète un peu.
Si elle parlait de mes ongles, alors il n'y avait rien à craindre.
— Tout se passe à merveille, je la rassure en souriant. Certes, c'est dur de devoir tous les jours taper encore et encore, mais avec un bon entraînement c'est supportable.
Les portes s'ouvrent à mon étage.
— Je dois te parler sérieusement, dès ce soir, l'informé-je, tout en sortant de l'ascenseur.
Avant que les portes ne se referment, j'aperçois son visage surpris acquiescer. Sur cette confirmation, je me dirige vers le local afin de trouver Matt qui m'attend sûrement déjà. Soudain, mon bracelet émet un son strident, m'indiquant un nouveau message :
« 01h15. Bureau. Zéro retard. »
Sans avoir besoin de connaître le destinataire, je sais que le rendez-vous a été donné par le tatoué. Celui-ci me le confirme quand je rentre dans son bureau.
— Nous n'avons plus beaucoup de temps pour préparer votre évasion alors j'espère que vous avez pu mettre au courant tout le monde.
Bonjour à toi aussi.
— Presque tout le monde. Il manque Alec et Brook, mais je m'occupe de mettre au courant Brook ce soir, je l'informe.
— Bien. Je m'occuperais de Montana durant la préparation de la soirée de vendredi tandis que vous réunirez tout ce dont nous aurons besoin pour votre évasion.
— Tu ne viens pas avec nous ?
— Tout dépendra de comment vous vous débrouillez, me répond-t-il en me fixant intensément.
Nous nous fixions l'un l'autre en ressentant déjà l'appréhension de la fin de semaine planer dans la pièce. Je me racle la gorge en entendant des pas venant de la pièce voisine.
— Je devrais aller m'échauffer, je précise en pointant la porte. Nous commençons par du renforcement musculaire ce matin, c'est bien ça ?
Il acquiesce en silence et sans bouger d'un pouce de son siège. Lorsque je franchis la porte, il me lance :
— J'arrive dans cinq minutes. Tu as intérêt à être en sueur et les muscles chauds.
***
C'est trois heures, deux éraflures et un corps en décomposition – le mien – plus tard que nous faisons enfin une véritable pause afin de reposer mes muscles endoloris. Nous avons commencé assez tôt, ce qui nous fait finir la séance 1h45 avant le déjeuner. Lorsque Matt me libère plus tôt, il le spécifie dans mon dossier pour ne pas être sanctionné.
À midi, je me dirige vers le réfectoire pour enfin faire taire mon ventre qui s'est mis à gargouiller durant ma pause. Le repas est moins bien fourni et moins bon, sûrement pour décharger les chefs cuisiniers afin de pouvoir déjà préparer les mets du buffet de fin de semaine. J'ai appris qu'ici la nourriture pouvait se garder plus longtemps avec une invention d'un dénommé Jules Forward qui a inventé un appareil permettant d'augmenter la date de péremption du produit une fois ouvert ou un truc dans le genre.
Le temps passe lentement quand je ne suis pas entouré de mes amis. Surtout le midi. Chacun est sur la table qui lui étaient attribué et nous ne connaissons personne, mais surtout personne ne veut faire connaissance.
— Excuse-moi, m'interromps une jeune femme. Tu es bien Eliona Shields ?
Surprise qu'elle me connaisse, je m'étouffe avec l'eau que je viens d'ingurgiter avant d'acquiescer.
— Je peux me joindre à toi pour le déjeuner ? J'ai quelques questions à te poser, demande-t-elle en n'attendant pas ma réponse.
— Tu es déjà assise, alors je ne vais pas te virer, je réponds en riant faiblement afin de ne pas paraître froide.
— Comment c'était la fosse ?
Que l'enfer commence.
Je ne pensais pas que les gens pouvaient être aussi direct et blessants. À croire que l'on m'aborde que pour mon passage au souterrain.
Dépitée par sa question, je réponds malgré moi.
— Noire, froide et horrifiante.
Elle me fixe d'une manière qui me fait flipper. On dirait qu'elle est shootée ou du moins folle à lier. D'autant plus qu'elle ne bouge pas d'un pouce et qu'aucune réaction n’est survenue après ma réponse, certes froide et directe, mais claire. Son regard ne lâche plus le mien et cela me gêne fortement. En observant les alentours cherchant désespérément de quoi me sortir de cette situation, elle reprend enfin la parole.
— Mais encore ?
Mes yeux accrochent de nouveau les siens, ne comprenant pas pourquoi des détails l'intéressaient à ce point. Cependant, je souhaite finir cette entrevue le plus vite possible.
— Euh... c'est-à-dire que... je... je n'ai pas vu grand chose. Comme je vous l'ai dit, la pièce était dans le noir, il y avait un incessant bruit d'eau qui gouttait et sinon le silence était omniprésent, si bien qu'il en était oppressant, j’avoue difficilement. Je ne sais pas quoi vous dire d'autre, navrée.
Sur ces mots, je me lève précipitamment, mais la femme me retient par le bras.
— N'allez pas voir Monsieur Charles, s'il vous plaît ? Je m'inquiétais seulement pour mon mari, explique-t-elle avec un sourire plus que flippant.
Son bras se resserre un peu plus comme pour m'inciter à acquiescer.
— Il y était avant vous, mais n'est jamais revenu, ajoute-t-elle.
— Je... ou... oui, oui. Ne... ne vous en faites pas. Je n'irais pas le voir.
Elle lâche soudainement mon bras et part aussi vite qu'elle est arrivée. Je fis de même et quitta la cantine accompagné de Noah, Brook et Liam ainsi que d'autres inconnus.
Étant en avance, nous avons décidé de nous retrouver durant un temps dans notre espace rien que tous les quatre. J'en profiterais pour avouer la vérité à Brook et sûrement répondre aux questions.
— J'en peux plus et nous sommes que le matin, se plaint Noah en s'affalant sur le pouf qu’il s’est attitré.
Le looser s'approprie les choses maintenant.
— Tu en as toujours marre de tout, glousse Brook en lui jetant un coussin au visage.
Liam et moi pouffons devant la tête outrée de notre ami. Celui-ci marmonne quelque chose tandis que Liam et moi préparons des verres.
— Vous voulez quoi ? demandé-je en ouvrant le frigo.
— Tout dépend s'il y a leur substance chelou dans leurs boissons, répond avec nonchalance Noah.
— Hein ?
Ce que je redoutais vient d'arriver. Noah venait de, sans le vouloir, divulguer une info sur la vérité devant Brook qui ne sait rien. Je le fusille du regard tandis que Liam et Noah me regardent les yeux sortant de leurs orbites, comprenant vite que Brook n'est pas encore au courant.
Au moins, il a amorcé le sujet.
Je souffle en saisissant la bouteille d'eau fraîche du frigo. En servant les quatre verres que Liam avait amené sur la table basse du salon, je rassura d'un regard Noah et croisa celui de Brook rempli d'incompréhension.
— Je sais comment débuter le sujet au moins, je dis pour détendre l'atmosphère devenue tendue après les dires du rigolo.
— Je ne comprends rien, souffle Brook en saisissant son verre.
— Et je compte bien t'expliquer avant de devoir repartir pour la fin de journée.
Je demande à tous de s'installer et explique à Brook que ce qu'elle apprendra est chose à ne pas répéter afin d'avoir de meilleures chances de nous échapper.
— C'es-c'est horrible !
J'acquiesce étant d'accord avec les mots de mon amie. Plus je l'apprenais aux autres et plus j'étais mal à l'idée de devoir sauver le monde.
— Vous étiez au courant ? demande-t-elle sous le choc en interrogeant les garçons.
— Oui. Nous étions aussi abasourdi que toi, confie Liam.
Nous ne disons rien attendant qu'elle digère l'info. Il est maintenant 13h18 et nous devons rejoindre nos blocs pour 13h45 maximum. Noah a son regard perdu vers ses pieds. Liam, lui, boit son troisième verre d'eau en silence. Quant à Brook, elle s'est mise à pleurer en silence. Je me lève aussitôt afin de la réconforter. Bientôt des sanglots franchirent ses lèvres. Je m'en veux de l'avoir mise dans cet état. Nous restons ainsi un temps. Noah me laisse sa place pour être à côté de mon amie.
— Je peux comprendre ta peur Brook, la rassuré-je comme je le pouvais. Et je serais là pour toi et tes questions. Je ferais en sorte que tu sois en sécurité, que l'on puisse partir d'ici. Loin. Très loin.
Elle se calme peu à peu et lance :
— Désolée d'être égoïste, mais je ne veux pas mourir.
Ces paroles me glacent le sang. Je prends finalement conscience que nous pourrions mourir dans cette tentative de fuite. L'un de nous pourrait y laisser la vie puisque je ne voulais pas mourir en portant cette robe vendredi soir.
Elle n'est pas égoïste.
Moi, oui.
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