Chapitre 21

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— Bien ! Nous avons fait un peu plus de la moitié des missions de la journée. On a bien bossé ! s'enchante Aloïse.

Je rigole quand elle enfourne un petit four en une seule fois dans sa bouche. Je me sers d'un peu de tout dans une petite serviette en papier. Très futuriste ça. Nous avons coché tout ce que nous avions déjà fait et il ne nous restait plus qu'une petite dizaine de choses sur la liste. Nous nous étions déjà réparties les tâches pour l'après-midi mais nous n'étions vraiment pas prêtes à reprendre pour la fin de journée, surtout après ce que j'avais appris auprès d'un rebelle en couverture rencontré dans un de mes groupes. Je devais en parler à Aloïse afin qu'elle m'aide à réfléchir et à comprendre mais je ne sais pas comment aborder le sujet, d'autant plus en public.

— Que t'arrive-t-il, Eliona ? Tu as l'air angoissé.

Bon, ce sera plus simple à aborder que ce que je pensais finalement.

— J’ai... je commence avant de me rapprocher de façon subtile et de me mettre à chuchoter. J'ai appris quelque chose d'un rebelle que j'avais dans un de mes groupes mais c'est pas jolie jolie et c'est surtout problématique.

Elle m'empoigne le bras et nous dirige vers Matt.

— Matt ? Nous y retournons et nous commencerons par checker l'avancée du réfectoire, annonce-t-elle en tapotant discrètement de ses deux doigts son poignet gauche.

Quand il voit son signe, ses sourcils se froncent et il hoche durement de la tête.

— Pas de soucis. Merci les filles.

Nous nous dirigeons vers l'ascenseur et d'après le regard de mon amie, heureusement que nous sommes seules.

J'ai pas tout compris mais je veux des explications.

— C'était quoi tout ça ?

— Tout ça quoi ?

— Tout ça. Le geste sur ton poignet et-

Je suis coupée par une sonnerie sur le bracelet de la blonde. Quand elle regarde qui l'appelle, je vois son nom. Matt. Je comprends enfin le « tout ça ».

— Expliquez-moi les filles ! retentit la voix de mon entraîneur dans la cage de métal.

— C'est un de tes gars qui a appris quelque chose à Eliona. Je n'en sais pas plus que toi, on va découvrir ensemble, mais apparemment c'est pas une bonne nouvelle.

Je suis ahurie par leurs cachotteries alors qu'ils m'avaient promis tous les deux le matin même que je n'avais rien d'autre à savoir.

On va en discuter, mes cocos. Pas maintenant, mais on va en discuter.

— C'est Jackson. Jackson, ton gars, m'a avoué que Charles renforçait la garde de la barrière dès demain après-midi et qu'il y aurait finalement quelques hommes postés sur le mur lors de la soirée, ce qui compliquera notre évasion, j’explique rapidement. Ils ne savent pas encore qui il y aura au poste, Charles compte leur annoncer demain, une heure avant le début de la fête.

Un blanc s'ensuit et je ne sais que faire de plus alors, nerveusement, je joue avec mes doigts tout en fixant les étages défiler. D'ailleurs, plus je triture mes mains, plus j'ai la sensation qu'ils passent vite. Trop vite. Nous sommes à cinq étages du réfectoire et à trois du BC. Nous avions d'ailleurs eu la chance que l'ascenseur ne se soit pas arrêté pour prendre de nouvelles personnes. Soudain, Matt a l'air d'enfin se réveiller de ses pensées.

— Ok.

Ok ? C'est tout ?! Rien de plus ? Ok ?! Pardon ?! Mais-

— Ok, ce soir nous allons trouver plusieurs alternatives pour se préparer à toutes éventualités possibles. Je me renseignerais davantage auprès de Jackson, je te remercie de m'avoir prévenu, Eliona. Je suppose que vous êtes bientôt arrivées, alors surtout, pas d'inquiétude, je gère la chose.

J'espère bien que tu gères puisque tu as nos vies entre tes mains.

Il raccroche à l'instant où les portes s'ouvrent sur la cantine déjà méconnaissable avec ses murs recouverts de décos plus extravagantes les unes que les autres. Personnellement, je ne choisirais pas ce style de décorations pour ma salle à manger, ni pour une quelconque fête mais c'est un choix.

Un choix douteux.

Nous nous séparons vers les groupes que nous avons supervisés ce matin afin de savoir où est-ce qu'ils en sont et pour leur donner d'autres tâches. Les bleus et orange ont fini d'accrocher les décos et sont maintenant partis pour s'entraider sur l'installation des suspensions. Les rouges sont encore en train d'installer la fin de ce matin et les verts viennent de terminer et s'autorisent une pause déj'. Je leur ai par ailleurs déjà donné leur prochaine mission pour ne pas avoir à revenir vers eux sachant que je remonte ensuite. Je remarque Aloïse avec sûrement l'un de ces derniers groupes mais décide de remonter sans elle.

Déjà exténuée, je m'installe contre la paroi de l'ascenseur et je ferme les yeux afin de me reposer le temps du déplacement. J'entends quelqu'un entrer précipitamment dans l'habitacle avant que les portes ne se ferment mais je n'ouvre pas les yeux pour autant. C'est une fois que l'ascenseur a ses portes fermées et qu'il démarre que je sens la personne qui s'était placée proche de moi se déplacer face à moi.

— Fatiguée ? souffle-t-il proche de mon oreille.

Je reconnais aussitôt la voix de mon Looser et je souris en coin. Soudain surprise quand il embrasse mon cou, je lâche un léger cri qui le fait rire contre ma peau. Honteuse, je lâche un petit rire qui augmente lorsque les baisers de Noah finissent par me chatouiller.

— Noah, tu me chatouilles, je chuchote en agrippant ses cheveux. Noah- !

Je regarde l'étage où nous nous trouvons et également les boutons pour voir si l'ascenseur compte s'arrêter pour prendre quelqu'un d'autre, mais personne.

— Noah, nous sommes à quatre étages de celui où je descends. À tout moment, les portes s'ouvrent et nous mourrons tous les deux et ce n'est pas-

— Comme Roméo et Juliette, quel honneur de finir comme eux.

Je tire un peu plus sur ses cheveux pour lui faire comprendre que je ne plaisante pas ce qui le fait grogner mais pas pour autant arrêter.

— Tellement sauvage, me sourit-il espiègle.

Je le fixe un instant et jette un second coup d'œil aux boutons et à l'étage. Trois étages du BC. Je fonds ensuite sur ses lèvres et enroule mes jambes autour de sa taille lorsqu'il m'agrippe par les fesses. Il me plaque violemment contre le mur et m'embrasse à pleine bouche.

Moi qui critiquais la peste du lycée, je ne fais pas mieux actuellement, mais bon ! je la comprends maintenant.

Il passe fébrilement une première main sous ma chemise et il vient effleurer mon buste pour y remonter jusqu'à la naissance de mes seins. C'est alors que je le repousse brusquement et me détache de lui. Je lisse mes vêtements et me recoiffe avec application. Je vérifie mon maquillage et estompe mon rouge à lèvres qui a débordé durant notre échange torride. Les portes s'ouvrent lorsque je replace correctement ma veste sur mes épaules et c'est en sortant de la boîte de métal que le Looser - mon Looser - s'esclaffe et passe une main dans ses cheveux quand je me retourne pour voir l'effet que je lui ai fait. Il sort ensuite et nous partons dans différentes directions. Lui vers le fond et moi vers le prochain groupe qui se situe près des caisses de bois.

Je ne comprends vraiment pas pourquoi la plupart de ce qui est ici est « moderne » alors qu'ils se disent tous dans le futur et au top de la modernité.

— Bonjour ! Bon appétit pour les derniers, pour ceux qui ont fini de déjeuner, si vous le voulez bien, je vais vous donner votre mission, je propose en reprenant ma liste en main.

Ils hochent de la tête et je leur explique, mais je perçois qu'une femme me fait un signe du poignet avec un autre homme. En regardant mieux, j'aperçois le fameux tatouage qui les relie tous. Le croissant de lune. Je comprends donc qu'ils ont besoin de me parler et je fais un discret signe de tête montrant que j'ai compris. Je réfléchis le temps de mes explications à un moyen de nous isoler pour discuter en toute sérénité, mais c'est quand je pense avoir trouvé quelque chose que le même homme se met à crier et que je vois la femme au sol.

— Vous ! Venez m'aider ! s'exclame-t-il en me pointant du doigt.

Il la soulève dès que j'arrive. Je passe son second bras sur mon épaule et nous la portons. Matt sort du local, alerté par les cris, je lui lance :

— Matt ! Bureau, vite !

Il s'exécute et ouvre en grand les deux portes qui mènent à son espace de travail afin de nous laisser l'entière place de passer. Je le soupçonne de ne pas être seul dans le bureau et qu'il a appris quelque chose, autrement, il ne serait pas sorti du bureau pour des cris. En effet, en pénétrant dans la petite salle je vois Jackson dégager une chaise qui était occupée par un tas de paperasses. Plus loin, j'entends mon entraîneur annoncer que ce n'est qu'une légère chute de tension et que les infirmières ne sont pas nécessaires. Alors qu'il rentre dans la pièce, la femme se redresse et peint son plus beau sourire sur son visage.

— Et bien Katia, quel jeu d'actrice, rit-il nerveusement avant de s'emporter. Non, mais à quoi tu pensais sérieux ?! Que va penser Charles quand il apprendra la nouvelle ?! Tu sais très bien que les rumeurs se répandent très vite ici ! Même trop vite ! Dois-je te rappeler l'affaire Marcus ?!

Elle le fusille du regard dès l'instant où le nom de Marcus franchit ses lèvres et s'ensuit un regard noir de la part du tatoué qui poursuit :

— Tu sais très bien comment se terminent ces sortes d'histoires, alors je te préviens, j'espère que tu as une bonne raison d'avoir fait tout ce cinéma et surtout une raison que Jackson ne vient pas de m'apprendre sinon tu peux être sûre que je ne prendrais pas la peine de te défendre au risque de nous dévoiler.

— Désolée, souffle-t-elle honteuse face à lui. Mais c'était urgent et ta nénette était perdue quand on lui a fait signe.

Je m'indigne, n'aimant pas le ton quel emploi en parlant de moi.

— Sa « nénette » comme tu l’as dit était en train de réfléchir à un moyen discret de nous voir pour ne pas attirer l'attention, mais je vois que vous savez mieux faire dans le discret que moi, vous, les rebelles !

Elle ricane.

— Les rebelles ? C'est le seul nom que tu nous as trouvé ma jolie ?

— Tu aurais peut-être préféré la résistance ? Ou-

— Les filles ! s'interpose le tatoué. Stop ! Arrêtez vos gamineries, l'heure est grave, et plus grave que ce que vous ne pouvez l’imaginer !

Jackson propose un verre d'alcool à l'homme qui m'est toujours inconnu et je comprends par ce geste que ce qui va suivre ne sera pas joyeux.

— Les... le... humm, souffle Matt dépassé par ce qu'il a appris. Nous avons les noms de certains qui se trouveront sur le mur lors de la soirée. Du moins, nous avons ceux de la première vague, puisque, oui, il y aura deux vagues de surveillance. Ce qui est problématique est que l'un des hommes qui se trouvera sur ce mur demain soir, n'est autre que Raphaël.

Mon souffle se coupe lorsque j'entends le nom de Raphaël. Pas lui. Tout mais pas mes amis par pitié. Ce n'est pas possible.

Il aurait pu prendre plein d'autres personnes, plein d'autres véritables soldats, mais ils ont décidé de prendre l'un des stagiaires, l'un de mes amis et surtout le plus fragile. Non, non, non.

— Je soupçonne Josh d'avoir proposé l'idée à Charles pour l'avantager. Merci Eliona de m'avoir partagé ce que tu as surpris ici, il y a quelques jours.

Abattue, je hoche simplement de la tête tandis qu'il me sourit chaleureusement essayant de me rassurer, sans succès.

— Je suis désolé, Eliona.

— Ce... je commence en ravalant un sanglot. Ce n'est pas... ta faute.

Je me lève, les remercie et quitte la pièce. Avant de revenir dans la grande salle, je reprends mes esprits et souffle un bon coup pour ne pas que l'on ait encore une fois des soupçons.

Je checke ma liste pour voir les prochaines tâches et me dirige vers le groupe suivant.

— Bien, alors dans les boîtes restantes, vous pouvez descendre les n°1, 2 et 17 qui sont à installer par la suite puis votre journée sera finie.

Je passe au prochain groupe sans attendre un seul acquiescement et j'arrive lentement au dernier.

— Aux alentours de 17h, vous aurez fini, vous pourrez donc rentrer.

Ils se mettent tous au travail et bientôt, un bruit de fond s'installe, ce qui accentue ma migraine.

— Ça ne va pas, Bunny ?

Mécaniquement, je lâche une réponse négative sans m'attarder sur la personne qui m'a interrogée, n'étant que trop touchée par ce que j'ai appris plus tôt. Il est seulement 14h et je suis obligée d'attendre 17h pour valider les derniers groupes.

— Bunny ! Eh !

Je sors de mes pensées quand je découvre que c'est Noah.

— Eliona, dis-moi ! s'exclame-t-il en m'agrippant les épaules. Je suis là, tu le sais.

— Oui. Je le sais, mais je ne peux rien te dire... j’annonce en chuchotant. Pas ici ! Tu sauras ce soir.

Je me retourne pour lui faire face et son visage me rend triste. La détresse et la peur qu'il ressent à mon égard se lisent sur sa tête et j'ai cette irrépressible envie de le serrer dans mes bras afin d'effacer cette peine, mais il y a cette putain de règle numéro 5 qui nous emmerde. Je ne peux que lui sourire et ça me tue quand je vois son regard, je comprends qu'il le prend mal. Il me tourne le dos pour rejoindre le reste de son groupe qui a déjà préparé les caisses à descendre.

AAAAARRGH ! Putain de bordel de merde ! Sale règle de mes deux !

Je peste intérieurement, ne pouvant pas me retenir. Je me promets de me rattraper auprès de lui et de lui montrer tout mon amour une fois sortis de ce merdier. Je regagne le buffet, soudainement affamée après tant d'émotions. C'est d'ailleurs là-bas que je retrouve Aloïse, ma partenaire de supervision.

— Qu'est-ce que tu as ? demande-t-elle après un temps.

J'aurais dû m'en douter. Aloïse voit tout.

— Ça va, je tente quand même. Pourquoi ? Toi ça ne va pas ?

— N'essaie pas de dévier sur moi. Je parle de toi. J'ai très bien vu que ça ne va pas. Explique-moi, s'il te plaît ?

Soudain, je vois Matt. Il se dirige vers nous et c'est en me rappelant leur cachotterie que je balance un peu trop sèchement.

— Tu verras avec Matt. Je suis sûr qu'il saura t'expliquer. Après tout, il n'a pas besoin de moi pour qu'il te mette au courant.

Je ne prête même pas attention à sa réaction et m'en vais. Je traîne dans la salle et réponds aux questions de certains et rigole avec d'autres.

Lorsque 17h arrive, je suis soulagée d'enfin pouvoir me poser pour finir cette journée en beauté. Nous devons préparer notre dîner à la coloc puisqu’ayant redécoré du sol au plafond la cantine, nous ne pouvons plus y manger. C'est donc dès ce soir et jusqu'à demain midi que Charles a autorisé tous le monde à manger chez soi. Je vois déjà la coloc se bagarrer sur le dîner. J'en ris.

Je sors du réfectoire et appuie sur le bouton de notre étage. Je jette un rapide coup d'œil à celui bloqué par une clé et m'autorise à souffler en me remémorant pour la énième fois tout ce qui s'est passé ici.

Bientôt, je calme ma respiration et je trouve une sorte de plaisir aux à-coups de l'ascenseur. J'ai l'agréable sensation de me sentir plus légère, de voler et dans ce petit habitacle de lâcher prise. C'est peut-être con mais cet ascenseur et le fait de me retrouver seule, me fait me sentir plus libre alors que je sais très bien qu'en, en sortant tous mes problèmes et toutes mes angoisses referont surface.

En arrivant, je longe les murs blancs du couloir et m'interroge sur les portes qui s'y trouvent. Nous sommes censés être les seules à coucher à cet étage.

Bizarre.

— Lasagne !

— Nooonn ! Pâte carbo !

— Gnocchis à la crème !

Qu'est ce que je disais à propos du repas.

— Moi je vote pâte carbo ! je m'exclame en rentrant dans la pièce à vivre.

— Alors oui mais non, Eliona, répond Noah en se levant pour m'accueillir. Tu peux pas me faire ça ! Tu es censée être avec moi, pas contre moi !

Il m'attrape par les épaules et penche sa tête en avant l'air désespéré. Son attitude me fait rire et je suis contente qu'il continue à plaisanter malgré ce qui s'est passé plus tôt.

Brook, Alec et Liam continuent de débattre sur le repas de se soir et assaillent même Aloïse qui n'a même pas le temps de franchir la porte d'entrée. Raphaël n'est pas dans le salon et Montana est dans la cuisine déjà en train de sortir de quoi faire des pâtes carbonara. Je suis d'ailleurs surprise de son implication mais m'en réjouis.

Cette ambiance me rend nostalgique, sachant très bien que demain sera notre dernière journée banale ici avant que le point de non-retour arrive.

J'espère seulement qu'il n'y aura aucune perte, autrement je ne m'en remettrais pas.

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