Tête-à-tête

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J'ouvre la porte de la petite maison de campagne. Une odeur âcre de cochon brûlé et de moisissures vient enflammer mes narines. J'avance malgré la puanteur qui s'intensifie. Les asticots rampent sur les meubles du salon, le divan est complètement ravagé laissant ainsi sortir ses entrailles par divers trous béants. La peinture s'écaille pour former un tapis vers la cuisine aux armoires attaquées par la pourriture. Une certaine chaleur se grave sur ma peau tandis que les ustensiles reposent sur le plan de travail. On dirait bien que quelqu'un a abandonné les fourneaux avant de s'enfuir. Je pousse des mouches du revers de ma manche. Des yeux devenus gris et ce qui semble être une langue me font sursauter. Je me cogne à une armoire qui bascule et fait tomber une tête sans yeux ni langue. Ce qui est exposé sur le plan de travail doit appartenir à cette femme ou du moins ce qu'il en reste...

Mon collègue vient me rejoindre le sourire aux lèvres. Comment fait-il pour être aussi joyeux face à une telle brochette de puanteurs?

- Toi qui as faim, le dîner est servi!

- Je vais passer mon tour. Il y en aura plus pour les décomposeurs.

Il me fait une grimace avant de poser ses doigts sur son menton et de regarder en l'air. Je me relève en époussetant mon pantalon.

- Tu penses qu'elle pourrait identifier la victime?

- Peut-être bien, on peut toujours essayer.

Je prends le crâne par les cheveux et la lui donne. Il la jette dans un sac puis ouvre un chaudron. Je suis pris de nausées. Je cours dehors poussant la porte arrière. Jacob vient avec son trésor en me montrant le contenu fièrement.

-Matthew, je crois qu'on a un cannibale à trouver!

Il met un gant et sort une main entière. Une vague de dégueulis monte pour se déverser sur l'herbe.

- Petite nature!

J'étais bien dans les bureaux assis calmement à classer des fichiers. Pourquoi le boss m'a changé de place? Je m'ennuie de voir la misère humaine qu'à travers un écran d'ordinateur. Au moins, je possède la délicieuse chance de retrouver les traces de mon frère... Qu'est-ce qu'il a bien pu faire pour se ramasser dans un endroit dégoûtant comme celui-ci?

Les pas de Jacob me font sursauter et m'oblige à retenir un autre tsunami de vomi en apercevant encore une fois le membre infecte. En voyant mes spasmes, il le cache dans le chaudron. Il tente maladroitement d'orienter la conversation ailleurs.

- La maison appartient à qui?

- Un jeune couple sans enfant. L'homme a eu des problèmes avec la police quand il était jeune et la femme est suivie en psychiatrie depuis des années. Il est écrit, dans son dossier, qu'elle souffre de dédoublement de la personnalité et d'hallucinations.

- Voici notre coupable!

- Cette chose...c'est celle de cette femme, j'en suis sûr.

- Ça ne veut rien dire!

- Pas quand tu regardes les photos et les détails comme moi... Sinon, tu aurais remarqué qu'elles ont la même cicatrice sur l'auriculaire.

Jacob affiche une mine dégoûtée. Je retourne à l'intérieur pour entrebâiller le frigo. Une deuxième fraise trône sur l'étagère du haut ainsi que plusieurs sacs contenant des organes. Si ça continue, je vais finir par être immunisé tellement j'observe divers plats de chair humaine... Avec tout ça, mon appétit s'est soudainement envolé.

En me crispant, j'examine attentivement si le contenu est encore mangeable. Je lorgne entre les côtes humaines, les sauces au boudin et la cervelle avec pâtes de muscles étudiant la moindre trace de chancissure.

- La viande est encore bonne. Celui qu'on cherche ne doit pas être loin...

- Matthew, viens voir au sous-sol!

Je quitte la pièce en évitant la peinture infestée d'insectes, le divan éventré et tout autre objet pouvant me donner envie de fuir loin, très loin. Je descends ensuite l'escalier qui mène à la cave et reste figé devant la chambre froide.

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