Le gamin
- Apparemment, le boucher n'a pas que deux sortes de charognes.
Jacob me fixe bêtement la scène qui s'offre à nous. Des cadavres sont empalés comme de vulgaires gibiers qui attendent de se faire découper sur la table maculée de sang au centre de la pièce. Plusieurs seaux accueillent diverses parties d'humains. Langues, yeux, cœurs, poumons et cerveaux sont tous parfaitement triés. Un corps ouvert et vidé repose maladroitement sur la table entouré d'outils pour le disséquer. Je prends un couteau, quelques goûtes écarlates tombent sur le sol de pierre.
- Il est frais, notre cannibale ne doit pas être loin. Redoublons de prudence, je n'ai pas envie de finir comme eux.
Mon appareil photo en mains, je prends des clichés de la scène pendant que Jacob fouille la maison de fond en comble. Il me faut un certain temps pour remonter à la décharge qu'est le rendez-de-chaussée. J'entends les bruits de pas de mon collège au-dessus de moi ainsi que le bruit envahissant d'une détonation. Je cours pour contempler un garçon avec un trou de balle dans l'épaule. Il nous toise en grognant de douleur. Incapable de bouger, il ne peut rien contre nous. Jacob se tourne vers moi en dévorant sa lèvre inférieure.
- Il m'a sauté dessus et m'a mordu!
Mon regard passe de Jacob à sa victime pour revenir à mon collège qui ne porte aucune marque visible d'une quelconque agression.
- Penses-tu que c'est lui qui a fait tout ça?
- J'sais pas, mais on l'embarque, non?
- Il t'a attaqué et il est sûrement lié aux meurtres. Alors, oui.
Il lui met les menottes après lui avoir bâillonné la bouche. Les yeux de l'adolescent bougent dans tous les sens tandis qu'il essaye de s'enfuir. Il n'a aucune échappatoire contre Jacob qui doit faire trois fois son poids. Une horloge sonne en répandant sa mélodie désaccordée pendant que je photographie le reste de la maison.
- Tu as fini de tout prendre en photo? On peut y aller avant que la police arrive?
Nous ne travaillons pas pour eux, nous écoutons les ordres de ceux qui dirigent vraiment ce monde. Les présidents et les ministres sont leurs animaux de compagnie. Je n'ai rien contre ça, je gagne bien ma vie avec ce boulot et personne ne vient fouiner dans nos affaires. Je n'ai pas les mains liées comme nos très chers amis les poulets. Je mène comme je l'entends.
Je hoche la tête et nous repartons en toute discrétion à bord de notre véhicule. Mon collègue essaye tant bien que mal de soigner le gamin, mais celui-ci se tord comme un ver blanc en donnant des coups de tête, de genoux et de pieds sur tout ce qui le frôle de trop près.
Je me stationne devant notre lieu préféré. Plusieurs personnes sont mortes dans cette usine pour assouvir notre besoin constant de renseignements frais. Le plancher et les murs sont couverts de sang ainsi que d'impacts de balles. Pourtant, une odeur de désinfectant y règne. Juliette est une accro au ménage. Comme toujours, elle reste fidèlement à son poste à fumer une cigarette en avant de l'entrée pour la face cachée de l'iceberg.
- Pauvre p'tit gars, il sait pas...
- Toute la place est libre?
- T'inquiète Matthew, Max est parti avec la cavalerie.
Elle m'ouvre en jetant un coup d'œil à Jacob qui porte notre piste comme une poche de patates. La salle est vaste et sombres, les murs coupent tous les sons.
Nous attachons le garçon à un poteau, Jacob lui enlève son bâillon, mais le petit maudit referme sa bouche sur ses doigts. Sa mâchoire se crispe, des bruits d'os écrasés se mélangent aux cris de douleur de mon partenaire. Une botte d'armée s'écrase sur sa boîte crânienne, il lâche les doigts avant qu'un autre ne vienne. Un filet de bave rougeâtre glisse le long de sa bouche. Si ma petite sœur, Alice, était présente, elle irait le lécher avec plaisir. Je lui donnerai en jouet après, ils doivent avoir environ le même âge... Entre mes pensées vagabondes, le jeune se débat contre les chaines qui le maintiennent en place. Leur bruit me rappelle le collier de mon chien contre la clôture de fer du voisin. Un peu plus tard, on trouvait le corps de ce dernier à moitié dévoré laissant ses entrailles salir l'herbe verte du printemps. Espérons ne pas servir en pâté pour cette nouvelle race de cabot humanoïde.
- Laissez-moi partir!
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