- On ne t'a pas appris la politesse, mon joli?

Une silhouette féminine se dessine de l'autre côté de la salle. Jacob comprend tout de suite qu'Alice est parmi nous alors il part en lui lançant un bout de bois pourri. Je l'imiterais bien, pour ce qui est de m'enfuir... Hélas, je dois la surveiller malgré son excellence quand il s'agit de collecter des informations.

- Grand frère, tu m'amènes un nouveau toutou?

Elle se dirige avec grâce jusqu'au garçon. Elle approche sa bouche de la sienne puis glisse sa langue sur la plaie.

- Tu es dé-li-cieux!

- Je..euh..merci...

- Tu veux bien me donner ton petit nom?

Elle use de ses charmes pour le faire parler ou plutôt de l'énergie bizarre qu'elle dégage dont l'aura se grave dans l'esprit des gens pour prendre entièrement possession de leurs pensées. Elle est douée et ça m'énerve, je ne veux pas qu'elle tombe entre mauvaises mains.

- Ludovick.

- J'adore ce prénom! Il est aussi magnifique que toi.

Elle n'est pas aussi extrême d'habitude... Je ne sais pas ce qu'elle a. Peut-être qu'elle est juste contente d'avoir enfin quelqu'un de son âge avec qui discuter. Ici, tout le monde est plus vieux... Un tas d'os décomposés qui l'entourent avec leur perversion. Un garçon comme lui doit, dans ce cas, être un cadeau exquis. C'est pour cela que j'ai le devoir de la protéger. De la protéger des vices de ce jeune.

- Un ami à moi a disparu et sa trace remonte au garde-manger où tu étais. Est-ce que tu sais ce qu'il lui est arrivé?

- Non. Personne n'y rentre, personne n'y sort.

- Pourtant, vous êtes sortis.

Un petit ricanement se fait entendre. Alice se colle contre lui et prend sa tête entre ses doigts.

- N'essaie pas de me mentir. Inutile de réciter un texte appris par cœur avec moi.

Son couteau file doucement sur la joue de Ludovick. Une mince ligne se trace. Pourtant, ses paupières restent grandes ouvertes tandis qu'il lorgne les lèvres de ma sœur. Une envie muette aux bouts des doigts. De son côté, elle le provoque en se mordillant la lèvre inférieure. Maintenant, elle est dangereuse, il ne faut pas qu'elle le tue en s'amusant.

- Il...il ressemble à quoi?

Doucement, très lentement, elle l'embrasse. Mes poings se replient alors que le visage de Ludovick s'empourpre et qu'il se permet de lui répondre. Que se passe-t-il avec elle? Pourquoi se laisse-t-elle faire? Tout est figé autour de moi. Je ne vois qu'eux. Je n'aperçois que celui qui lui a volé son premier baiser. Elle se sépare délicatement de lui pour loger sa tête au creux de son cou, ne me laissant pas découvrir ce que cachent ses yeux.

- Exactement comme mon frère, ils sont jumeaux.

Il arrête soudainement de se battre contre son envie de continuer leur petit jeu pour river son regard au sol. Il prend un certain moment pour réfléchir avec les larmes prêtes à sortir.

- Je l'ai vu...et disséqué...pour l'envoyer à quelqu'un...

- Comment oses-tu?

Je cours vers elle et l'attire contre moi avant qu'elle n'ait le temps de le poignarder. Elle se débat puis se laisse tomber en pleurant. Je caresse son dos en la serrant fort contre mon torse. Ludovick, pour sa part, dérive sur tous les objets qui l'entourent puis sur les tressautements de ma fleur.

- Mes sympathies... mais je ne faisais que mon travail...

- Qui veut le manger?

Il attend un peu, juste le temps de voler ses lèvres une autre fois comme paye pour son information. Sa voix tique quand il commence sa phrase.

- J... Je crois que c'est Monseigneur Ruisseau!

J'agrippe ma sœur par les épaules et la dirige vers la sortie. Elle ne peut pas rester, va me gêner. Je vais la confier à Juliette le temps que je finisse ce maudit interrogatoire.