Englouti

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Eric se sentait seul, très seul, c’est pourquoi il avait décidé de sortir ce soir.

Cela faisait maintenant six mois que Marion l’avait trompé avec un ami de longue date ; la douleur et le chagrin n’étaient plus, seule une véritable colère régissait ses journées. Il ne se passait pas un seul instant sans qu’il soit sur les nerfs, qu’il prenne mal une quelconque remarque. Sur le trajet du boulot, il voyait le visage de son ex à chaque fois qu’il croisait une jolie blonde. Lorsqu’il regardait une série ou une émission de télévision, la présentatrice et les actrices ressemblaient à son ex et le narguaient.

Depuis plusieurs jours, Eric tergiversait : ses amis l’avaient invité de nombreuses fois, mais à chaque fois il avait refusé. Sous prétexte d’une grippe, d’une soirée avec ses parents, de la fatigue accumulée au travail, etc. Mais ses amis n’étaient pas dupes, ils savaient qu’il broyait du noir et qu’il flirtait dangereusement avec les abîmes de la dépression. Pourtant, ce soir quelque chose avait changé : il voulait quelque chose de nouveau, reprendre goût à la vie. Il voulait partir en chasse d’une conquête, ou de plusieurs si la chance lui sourit. C’est donc gonflé à bloc qu’il accepta l’invitation, sortit de sa maison et démarra en trombe direction le bar et la boîte de nuit.

Arrivé sur le parking du bar, Mathieu, Loïc et Luc l’attendaient, chacun accoudé à la portière de leur voiture. Tous étaient bien habillés, sur leur trente-et-un, prêts à draguer et à passer une bonne soirée.

  • Un revenant ! s’écria Loïc en serrant Eric dans ses bras. Attends, c’est toi ? C’est vraiment toi ?
  • Ah ah ah, t’es con ! Il me fallait juste un peu de temps.
  • On a cru que t’allais dépérir, on se faisait du soucis tu sais, et tes excuses à deux balles là ! s’énerva pour la forme Luc.
  • Je vous avais dis qu’il allait ressortir et revenir pour faire le beau devant moultes demoiselles ! Et surtout, on lui manquait trop, c’est sûr ! blagua Mathieu, tout sourire.

Eric n’arrêtait pas de sourire, les retrouvailles lui faisaient un bien fou. Effectivement, ils lui avaient manqué.

Luc, ses anecdotes au travail toutes plus loufoques les unes que les autres, comme la fois où il avait pris sur le fait deux de ses collègues en train de baiser dans la salle de pause ou la fois où son chef de chantier était passé tout près de devenir une cheffe lorsqu’une scie lui était passé à deux doigts des roubignoles. Un jour, une surprise comme il l’aimait le dire lorsqu’ils se retrouvaient le soir.

Loïc et sa franchise qui lui valait à chaque fois quelques échauffourées pendant leur sortie. Eric ne comptait plus les fois où ils avaient été sortis de boîte de nuit parce qu’il s’était fritté avec un autre fêtard pour des broutilles : un verre renversé, un mauvais regard, une blague qui passe mal, un copain jaloux… Parce que Loïc n’était pas regardant, enfin, si, il l’était trop même. Peu lui importait qu’une femme soit accompagnée, s’il la trouvait il lui disait tout simplement.

Mathieu avec ses blagues à deux sous, son humour noir et absurde à toute épreuve, mais surtout son empathie. Il savait quoi dire, et surtout quand dire les choses, quand proposer son épaule pour pleurer, quand proposer une virée pour se changer les idées. C’était un radar à problèmes, comme s’il avait été envoyé sur Terre pour contrecarrer les peines, il surgissait du fond de la nuit et vous réconfortait.

Eric reprenait goût à la vie, chaque seconde un peu plus en leur compagnie. Une fois dans le bar, ils commandèrent des verres de whisky et se racontèrent les derniers mois qu’Eric avait raté. Ils rirent à gorge déployée, chantèrent au son des chansons qui rythmaient la piste de danse.

Ils se retrouvèrent comme si Eric avait toujours été là, et pour ce dernier, cela lui faisait chaud au cœur. Néanmoins, la colère ne diminuait pas, elle restait tapie au fond de lui et semblait vouloir exploser au fur et à mesure qu’il enfilait les shots. C’est à ce moment qu’il la vit. Au milieu de la piste de danse, se trémoussant comme une vraie danseuse, cherchant du regard n’importe qui pour le ou la séduire. Une vraie déesse au corps de rêve, bien mal caché par une mini-jupe noire et moulante. Sans oublier un décollecté plongeant duquel on ne pouvait détourner le regard.

Eric se sentit hypnotisé par cette créature de rêve digne des plus belles couvertures de magazines, il n’entendait plus les dires de ses amis, seuls les battements de son cœur retentissaient à ses oreilles. Il devait y aller, il avait trouvé sa proie, celle qu’il était venu chercher. Sa colère n’avait pas descendu, mais il savait qu’il allait s’en débarrasser dans la soirée.

Comme un automate, il prit congé de ses amis et leur désigna la belle. Ils sourirent et l’encouragèrent.

  • Bonsoir, fit-il en s’approchant d’elle, je… je vous ai remarqué et je ne pouvais ne pas venir vous voir. Vous irradiez la salle, je… Désolé, je ne sais plus comment faire pour…
  • Draguer ? En effet ! blagua-t-elle tout en continuant à danser lascivement. Mais est-ce si grave après tout ?
  • Hummm… je ne sais pas… non. En tout cas, je m’appelle…
  • Pas besoin, c’est pas comme si on allait se marier. On va juste baiser, non ?

Prit de court, Eric ne savait plus quoi dire.

  • Ne faites pas l’innocent, je vois que vous avez envie de moi, dit-elle en regardant la bosse à son entrejambe. J’en ai un peu marre de danser et moi aussi j’ai envie de passer un bon moment. Je t’ai remarqué dès que tu es entré, tu sais.
  • D’a…d’accord… bégaya Eric.

Il souffla un bon coup, décidé à reprendre les rênes. De chasseur, il était passé à gibier. Elle était là, elle le fixait ; il n’était plus.

  • On va chez toi ou chez moi ? réussit-il à dire avec conviction.
  • Pourquoi attendre ? On va aux toilettes, y a celui pour les handicapés, y aura de la place.

Docile, il la suivit, tout en contemplant ses fesses rebondies et ses jambes interminables. Il salivait déjà. Arrivés aux toilettes des hommes, elle le fit entrer et ouvrit la porte des toilettes handicapés. Ni une ni deux, elle l’embrassa goulument et enleva sa ceinture d’un geste assuré. D’un mouvement tout aussi habile, elle retira son string mauve et se mit à genoux devant lui.

Ses lèvres étaient si douces et chaudes, sa langue si habile qu’Eric banda instantanément comme il n’avait plus bandé depuis longtemps. Elle le suçait divinement, si bien qu’il en oublia sa colère. Au bout de quelques secondes, alors qu’il sentait qu’il allait éjaculer, la belle le força à s’allonger, ralentit la cadence puis compressa son gland et ses testicules.

Des souvenirs refaisaient surface. Eric revoyait des pans de sa vie entière, des moments magnifiques avec son ex, des rires, des sorties entre amis. Mais quelque chose clochait, il le sentait.

Un noël où il avait reçu un vélo dernier cri ; une séance de sport avec tous ses amis ; sa première fois catastrophique mais néanmoins magique avec une fille dont son prénom lui échappait ; son voyage en Asie il y a quelques années où il s’était épanoui ; les éclats de rire avec son ex, tous les rêves, toutes les promesses, etc.

A peine la réminiscence revécue qu’elle s’égarait dans les limbes.

Il perdait la mémoire, toute trace de bonheur semblait disparaitre dans la seconde. Elle le suçait jusqu’à l’âme, mais il n’y prêtait plus attention. Le désir qu’il éprouvât à cet instant était plus fort que tout.

Eric n’était plus qu’une marionnette aux fils déchirés, il ne ressentait plus rien, comme s’il était coupé du monde. Pourtant, il continuait à sentir la présence de la belle, sa salive brûlante qui glissait le long de son sexe. Il allait éjaculer, sans aucun plaisir. C’était peut-être ça l’orgasme ultime, pensa-t-il. C’est à ce moment-là qu’elle s’arrêta et qu’elle se mit debout face à lui. La peur, la terreur refirent leur apparition, violemment.

S’il avait pu parler, il aurait hurlé. S’il avait encore des larmes, il aurait pleuré de tout son soûl. Devant lui, un corps décharné aux lambeaux de peau pourris, un visage ridé comme un vieux parchemin, des yeux rouge sang et des crocs calcinés.

  • C’est à toi de me faire plaisir maintenant.

La voix sensuelle n’avait pas changé, ce qui rajoutait encore plus à l’horreur de la situation. Une seule phrase, une unique phrase et Eric trembla de tous ses membres. Il essaya de se relever, de s’enfuir mais son corps ne réagissait pas. Seul son sexe restait tendu et pulsait douloureusement puisqu’elle ne l’avait pas laissé jouir.

La créature devant lui s’avança vers son visage. Elle s’agenouilla et posa son sexe sur le visage terrifié d’Eric. Le vagin aux parois nécrosées s’écarta, béance immonde et gluante, puis l’engloutit dans un bruit de succion ignoble. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien du malheureux.

Le Succube avait encore frappé.

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