Silence de sang

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Les lueurs roses de l’aube peinaient à percer la persienne. Magnus ouvrit les yeux, grogna puis glissa la main sur l’autre côté du lit avant de se mettre à sangloter. Comme tous les matins, il se retrouvait seul dans son grand lit froid à espérer le retour à la vie de sa bienaimée. Ses rêves lui faisaient autant de mal que de bien. Lorsqu’il dormait, il pouvait retrouver sa belle Heidi, sa longue chevelure d’or, son grain de beauté sous le sein gauche qu’il aimait contempler, son rire cristallin... mais le cauchemar reprenait une fois qu’il se réveillait. Le vide l’assaillait, lui comprimait la poitrine, lui serrait la gorge, jamais plus il ne la verrait. Et c’était de sa faute.

Inspecteur multiplement décoré, reconnu par l’Etat et ses pairs, vu comme celui qui avait arrêté le plus de criminels, Magnus était une légende vivante. Versé dans le travail depuis qu’il était sorti de l’école de police, il avait dédié sa vie à attraper les tueurs en série et la liste n’en finissait pas. Le Boucher de Göteborg, l’Ignoble tueur de Stockholm, Le Dépeceur scandinave, L’Ange noir de Kiruna, et tant d’autres. Il les avait tous arrêtés après de longues semaines de traques. Aidé de sa fine équipe, aucun criminel ne pouvait leur échapper… jusqu’au Vampire de Malmö.

Des mois, des années qu’il leur glissait entre les doigts, les narguant haut et fort, leur laissant des messages sur les corps. Un homme entre trente et quarante ans, de type caucasien à la musculature prononcée ayant le goût du spectacle morbide. Les seuls indices qu’ils avaient. Pas une empreinte, pas une trace laissée ici ou là, pas un cheveu, rien. Implacable, ne commettant aucune erreur, le tueur en série avait réussi à blesser gravement l'une des coéquipières de Magnus un soir alors qu’elle était en civil et avait envoyé en psychiatrie un autre de ses collègues après l’avoir kidnappé pour s’amuser. Mais le pire fut Heidi…

Tiré de ses réminiscences amères par la sonnerie du téléphone, Magnus souffla un bon coup avant de décrocher.

  • Oui, inspecteur Sieldt à l’appareil.
  • J’espère que je ne te réveille pas Magnus, mais on a besoin de toi. On a retrouvé un corps à Malmö, en plein parc.
  • C’est ma semaine de congé, Henrik. Je l’ai dit à tout le monde, on s’était mis d’accord et…
  • Et pourtant ton téléphone est allumé, mon vieux. Tu as besoin de bosser, je te connais. Mais c’est pas pour ça que je t’ai appelé…
  • Hummm ?
  • Le corps est comme ceux qu’on a retrouvés depuis quelques années maintenant. Le même mode opératoire d’après ce qu’on peut dire et on voit un bout de papier dans la main…
  • Droite ?
  • Ouais, comme les autres.
  • Ne touchez à rien, j’arrive.

Magnus sauta du lit et fila sous la douche. L’eau froide le réveilla définitivement et une nouvelle lueur brilla dans ses yeux bleus. Le Vampire de Malmö, après quelques mois de calme, reprenait du service et cette fois-ci, il allait l’attraper. Il se faisait encore la promesse lorsqu’il prit son déjeuner sur un coin de table avant de sauter dans sa voiture et de démarrer en trombe.

Faisant fi des limitations de vitesse, l’Inspecteur Sieldt arriva rapidement sur les lieux du crime. Il se gara sur le parking réservé au personnel, montra sa plaque lorsque le gardien du parc s’approcha. La grande porte était fermée mais plusieurs personnes attendaient, curieuses, avides de potins macabres. Magnus cracha par terre, il détestait les gens qui profitaient du malheur des autres pour prendre des vidéos et faire des vues, qui s’en nourrissaient même. Il se fraya un passage entre eux de force, en poussa quelques-uns et referma la porte, non sans oublier de les inviter à dégager. Henrik l’attendait, adossé à un arbre, la clope au bec et les lunettes de soleil de travers. Un trentenaire qui se tuait au travail et qui oubliait de prendre soin de lui, en attestaient son ventre proéminent et la barbe de plusieurs jours sur son visage fatigué.

  • Il est où ce corps ?
  • Bonjour à toi aussi, Magnus, répondit tout sourire son collègue. Et désolé, je ne t’aurais vraiment pas dérangé pendant tes congés si…
  • T’occupe pas, je suis là maintenant. Désolé, j’ai mal dormi.
  • Encore ? C’est à cause de…
  • Ouais… Je… Ça ira. Il est où ?
  • En plein milieu du terrain de foot. Des gamins l’ont trouvé en arrivant ce matin. Ils sont avec la cellule psy actuellement, on ne pourra pas les interroger de suite.
  • C’est pas grave, c’est pas comme si on ne savait pas à qui on avait affaire…

Les deux inspecteurs marchèrent jusqu’au terrain de foot, passèrent les rubalises attachées aux arbres, firent des signes de la tête aux collègues occupés à quadriller et à chercher le moindre indice. Le corps se trouvait au milieu du rond central, sous un tapis de feuilles vertes et blanches : une femme d’une vingtaine d’années, sans tête, le corps exsangue et scarifié, des ecchymoses un peu partout. Sa main droite était refermée sur un morceau de papier chiffonné.

  • Alors, qu’est-ce qu’on a ? demanda Magnus au médecin légiste qui s’affairait à prendre la température et à faire des déductions.
  • Vu la rigidité du corps, j’estime l’heure du décès vers 22 h hier soir. Les coups ont été portés avec une extrême violence et un sadisme particulier. Vous pouvez voir les cicatrices et les marques ici et là…
  • Il a été déplacé, j’imagine.
  • Pour le coup, pas vraiment. Je pense qu’elle a été tuée pas très loin d’ici.

Magnus fit le tour du cadavre et avisa les membres tordus. Il se mit à genoux et entreprit de desserrer les doigts. Le papier blanc froissé se déplia sur des chiffres en encre noire, soulignés et entourés de petits cœurs.

  • Quels étaient les anciens chiffres ? fit Henrik. Je ne me souviens plus.
  • Moi je m’en souviens, répondit Magnus en se grattant le menton. Avec ceux-là si on les met bout à bout, ce sont les coordonnées de…

Magnus entra les chiffres et attendit. Il se mit à trembler lorsqu’il vit le lieu donné par l’application.

  • C’est…
  • Magnus ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
  • Je…
  • Qu’est-ce que ça dit ?
  • C’est ma maison…

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